Pas facile pour un enfant de grandir dans l'ombre d'un frère talentueux. Quoique vous fassiez, vous serez soit incapable de satisfaire aux mêmes exigences, soit considéré comme un surdoué, même quand ça n'est manifestement pas le cas, et qu'on risque de traumatiser le gamin. C'est un peu le problème avec Xenoblade Chronicles X. Xenoblade premier du nom s'en était fait un en partant de nulle part, ou presque. Rejeton de l'esprit prolixe de Tetsuya Takahashi, il n'avait peut-être pas la dimension mystique de ses "ancêtres" mais compensait par un mélange parfait entre une histoire prenante, un système de combat dynamique et profond, une ambiance propice au voyage et surtout, une exploration entre démesure et vues à couper le souffle. Au point de devenir l'un des JRPG les plus marquants de la décennie. Pas mal pour un underdog qui s'est finalement assez moyennement vendu.
Mais c'est justement à cause de cette barre placée très haut que Xenoblade Chronicles X, sa suite spirituelle, ne pouvait échouer. Plusieurs mois en amont d'une sortie boostée à force de somptueux trailers, on nous promettait un soft reprenant les grandes lignes du concept de son aîné. La promesse d'une exploration démesurée, de titans primitifs combattus en armures mobiles, et d'un système de combat peaufiné sans en changer la recette. Ce que ne montraient pas les trailers en revanche, du moins clairement, c'est tout ce qui gravite autour, et qui de fait permet au joueur de s'adonner le cœur léger à ce baguenaudage. Ce système satellitaire, qui dans XCX démontre l'un des plus beaux foirages en règle depuis très longtemps pour un jeu de cette trempe.
Que disais-je au début ? Ah, oui...
Plus dure sera la chute
Mettons les choses au clair avant même le début de la review proprement dite, histoire que vous puissiez comprendre mon point de vue au fil de la lecture : au bout du compte, j'ai aimé
Xenoblade Chronicles X. Mais au risque de précéder ma conclusion, malgré tout ce que le jeu propose de bon, il subsiste de vrais points noirs qui ont en partie pourri ma vision des choses. Vous allez vous dire : encore un hipster qui se croit malin à critiquer ce que tout le monde encense. Peut-être y a-t-il de ça, mais il me paraîtrait malhonnête de présenter ce jeu sans tenir compte des points de friction. Il faut également comprendre que compte tenu de la grande liberté du joueur à suivre l'aventure à son rythme, il est très possible qu'on l'apprécie plus aisément en se contentant de sa trame principale, et renvoyer toutes les annexes au post-game. Ce serait par contre aller, selon moi, à l'encontre de la philosophie du jeu. Maintenant que cela est dit, on peut commencer.
Et ça commence mal pour l'humanité, puisque la Terre est prise entre deux feux dans une guerre entre aliens. Malgré une technologie plus développée qu'à notre époque, mettant au premier plan des armures mobiles du nom de SKELL, les forces humaines ne parviennent pas à protéger la planète bleue, qui finit par être victime des dommages collatéraux et exploser dans une gerbe de lumière. Ce que ne peuvent que tristement constater les occupants de la Baleine Blanche, un vaisseau ayant échappé au massacre, avec à son bord les derniers occupants de la race humaine, et accessoirement son dernier espoir de survie. Mais les choses ne s'arrêtent pas là, puisqu'après deux ans d'errance, le vaisseau est à nouveau pris à parti et presque entièrement détruit par un croiseur ennemi. Seul subsiste une capsule de secours renfermant une ville complète, qui s’abîme sur une planète proche. Les survivants ont tôt fait de nommer
Mira leur nouveau chez-eux. Les voilà contraints à s'installer dans ce nouveau monde et à y faire germer les graines de l'humanité, perdues elles aussi quelque part sur Mira. Si toutefois les autochtones leur en laissent l'occasion, et que n'arrivent pas à nouveau des empêcheurs de civiliser en rond. Ben tiens.
C'est ainsi que s'éveille l'avatar du joueur - construit par lui-même -, sorti de sa stase par le capitaine Elma, fleuron des forces de défense et de colonisation de la nouvelle cité de New Los Angeles, le dernier bastion de l'être humain. Personnage complètement lambda, "il ou elle" rejoindra le bataillon BLADE dans son exploration de Mira, avec en point de mire l'Arche contenant les vies des derniers millions d'humains qui repeupleront la planète.
Humains, trop humains ?
Voilà qui constitue le background et, malheureusement, le seul objectif durant la totalité du jeu. Celui-ci tient en deux ligne : pour trouver cet élément périssable mais nécessaire à la survie du groupe, le joueur doit voyager partout sur le globe pour étendre FrontierNav, un système global de maillage, information et de localisation. Certains points du monde riches en un minerai appelé Miranium doivent permettre cette prouesse technologique, et notre avatar sera le colon chargé du déploiement des sondes, telles les compagnies de télégraphe américain au 19ème siècle. Si l'installation de ces sondes rythme la découverte de Mira au travers du déploiement du système FrontierNav, elle se double d'un volet gestion. En choisissant via la mablette d'installer en un point prédéfini une sonde de Recherche ou d'Exploitation, entre autres effets, vous récupérerez à intervalle régulier des ressources sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes, roches rares mais surtout du Miranium. Ce minerai mystérieux étant crucial pour la survie de l'espèce humaine, mais limité en terme ludique au développement des usines d'armes et à l'amélioration des pièces d'équipement.
On se doute que derrière cette quête se cachent moult rebondissements et non-dits, dont je parlerai dans le dernier paragraphe afin d'éviter tout spoil. Le reste n'est qu'une suite ininterrompue de quêtes annexes à l'histoire, qui prennent une place importante, voire prépondérante dans le temps de jeu. Car si les chapitres scénarisés, au nombre de douze, se parcourent très rapidement et facilement, chacun d'entre eux met en place un certain nombre de prérequis qui conditionnent directement ou indirectement votre capacité à accomplir la mission. Il peut s'agir d'avoir exploré un certain pourcentage de l'un ou l'autre des continents, d'avoir mené à bien une annexe particulière (plus si facultative donc), ou tout simplement de disposer d'une équipe complète à niveau. Tout cela oblige à déployer un cortège de quêtes généralement insipides : certaines permettront de recruter un personnage additionnel (notez que la version européenne inclut de base les persos DLC) puis de développer sa personnalité au travers de ses relations avec l'avatar. D'autres ouvriront de nouvelles fonctionnalités jusqu'ici bridées, comme le droit de piloter un SKELL ou d'ajouter des emplacements d'Inserts aux pièces d'équipement. Deux mécaniques cruciales en terme de combat et d'exploration, comme on le verra plus bas, mais totalement détachées du scénario puisqu'on les débloque au beau milieu d'une palanquée d'autres missions Fetch-Quest. Il est également nécessaire, non pour le scénario mais pour le bon déroulement du jeu, de tisser des liens avec la population croissante de NLA. Au détour des quêtes et des informations, de nouveaux visages font leur apparition, des destins s'entrecroisent, on règle les soucis du vivre-ensemble qui s’amoncellent dans le journal de missions, parce qu'il le faut bien. Parce que c'est la seule finalité, ou presque.
Devant le peu de rétribution qu'elles apportent et l'absence - pour bonne partie - d'une vraie trame narrative associée, l'activation des quêtes devient un besoin purement mécanique. On les mène à bien pour la complétion, éventuellement pour en débloquer une suivante dans quelques dizaines d'heures, qui nous permettra peut-être d'obtenir enfin un paiement à la hauteur de la tâche.
Certes, Xenoblade premier du nom était tout aussi propice à cette prolifération de quêtes fedex, mais c'était alors une mécanique tout à fait annexe à l'histoire, quand c'en est ici une condition qu'on subit, et qui ne laisse aucune place à la réflexion. Même lorsque le moment s'y prête, du fait par exemple d'une énigme textuelle (il faut le dire vite) dans l'énoncé d'une quête, on ne vous laisse pas même le temps de vous creuser la cervelle, le jeu préférant vous donner la solution directement en pointant votre prochaine destination sur la carte. A croire que les développeurs se sont rendus compte de l'incommodité de leur système, et ont opté pour la plus simple des solutions. En effet si la sensation d'être en permanence tenu par la main par les marqueurs est frustrante dans un monde si désorientant du fait de l'immensité des continents, possédant chacun au moins deux couches d'exploration (avant/après SKELL), de la dispersion de la faune et de la flore, et des objets à y ramasser, on voit mal comment le joueur pourrait s'en passer, et ce pour une raison simple : malgré la présence d'un bestiaire et d'une encyclopédie des trouvailles, ceux-ci refusent de donner un emplacement approximatif des monstres et objets y compris lorsque vous les avez déjà croisés. A moins de tenir à jour ces emplacements sur un tableur (on a vu plus excitant), vous avez toutes les chances d'être perdu dès lors qu'une quête vous prive de pointeur.
Immortel Combat
C'est un peu également le cas avec le reste des mécaniques du jeu. Reprenant encore une fois le système de base du précédent opus, Cross les développe et les complexifie. Si le résultat, croisement entre l'immédiateté débridée d'un MMORPG sous caféine et l'obligation de peaufiner son personnage dans de denses menus, est assez jouissif, cela manque clairement d'explications et de clarté. En effet, le système empile les idées. Au départ, il est pourtant simple à comprendre : les combats se déroulent directement sur le terrain dans lequel se déplacent librement les monstres. Les attaques de base se déclenchent automatiquement, le joueur étant chargé de gérer manuellement les Arts liés à la classe actuelle du personnage et surtout aux armes équipées, Arts étant soumis ensuite à un cooldown. On y trouve aussi des Arts spéciaux dépensant des Points de Tension, le Mana du jeu, pour déclencher toute une panoplie d'effets : auras passives, attaques boostées et j’en passe. Complètent le tableau les Soul Voices, ces petites QTE intervenant en plein combat pour donner un coup de boost temporaire aux personnages, et qui constituent pratiquement le seul moyen de les soigner. A l'instar de Xenoblade, chaque personnage possède son arbre de talent propre, à ceci près que l'avatar du joueur est capable en véritable caméléon de maîtriser toutes les classes, pourvu qu'on lui en laisse le temps. Utilisant en conjonction armes au corps à corps et à distance, détentrices de capacités bien marquées - arts de protection, altérations d'état et buffs, dédiés au DPS brut ou aux dégâts améliorés en fonction du placement -, les combattants en deviennent presque aussi spécialisés que leurs homologues du premier volet, avec tout de même une moins grande efficacité des Tanks. Seul vrai changement, les attaques ultimes sont ici purement remplacées par un Métamode commun au groupe, état qui booste le métabolisme et l'influx nerveux des personnages, démultipliant ainsi notamment la vitesse de récupération des arts et boostant le potentiel offensif de l'équipe.
Malgré la quasi absence d'un tutoriel (obligeant ainsi les pauvres joueurs à consulter le manuel inclus sur le disque), le rythme de l'obtention des différents pouvoirs est suffisamment bien mené pour que le joueur apprenne par lui-même, teste les classes et comprenne ses nuances. Ce n'est malheureusement que temporaire ; arrive un moment où l'on se retrouve incapable de comprendre à quoi correspondent les diverses informations écrites en tout petit dans ces menus surchargés. Quel est l'influence de chaque statistique sur le combat ? A quoi sert le Potentiel ? Quels sont les effets des capacités passives apportées par les douze-mille Inserts, ces pièces qui viennent garnir les emplacements des équipements pour leur rajouter des fonctions ? Devant l'incapacité du jeu à expliquer tout ça (aucun menu d'information in-game n'est à l'horizon), on finit par se retrouver démuni. Et c'est d'autant plus dommage qu'il dispose d'une vraie richesse, comme en témoignent les nombreuses discussions sur les forums dédiés au jeu. En comprenant les mécaniques régissant la recharge d'arts, leur code couleur et son influence sur le Métamode, il est très possible d'améliorer exponentiellement son potentiel offensif et s'attaquer tôt dans le jeu à certains Tyrans.
On regrettera également que la diversité du bestiaire, s'il varie largement en taille, en statistiques ou en attaques, ne se retrouve pas dans la façon de le combattre : on affronte une blatte minuscule significativement de la même façon qu'un mammouth, la tactique à employer passant de fait uniquement dans la préparation du personnage et des innombrables menus. Voilà qui tempère un peu cette versatilité du système de combat, qui en revient toujours à maximiser le DPS tout en gérant les TP, les soins étant majoritairement assurés par les QTE au cours des combats ou par les occasionnels effets de l'équipement. Non pas qu'un changement de stratégie à la volée soit encouragé : la lourdeur et la mal-praticité des menus et de leur ergonomie désastreuse rend prohibitive l'envie de s'adapter à l'adversaire. Un exemple ? Le système de classes de XCX est relativement riche, chacune possédant des arts d'attaque et de soutien, des compétences passives, et surtout des armes de prédilection qui une fois maîtrisées peuvent être équipées quelle que soit la classe en cours d'apprentissage. Seul le personnage principal peut en changer librement, mais les autres ont pour eux des maîtrises d'armes exotiquement appariées ainsi que des Arts spéciaux, qui peuvent d'ailleurs être appris par l’avatar en gagnant leur amitié. En ajoutant tout ce qui a trait à l'équipement, on peut donc dire que le jeu a un très bon potentiel de création de builds qui, malgré un niveau maximum relativement bas, tient durablement jusqu'à la fin du jeu (et même au-delà). Mais bien qu'il pousse à expérimenter avec ce système et à varier les plaisirs tout au long du jeu, il s'obstine également à faire de tout changement une corvée. On remplace un Fusil d'Assaut par deux Mitrailleuses ? Les Arts associés sont directement déséquipés. On s'essaye à une autre classe ? Voilà le personnage déshabillé de ses armes, qu'il faudra aller rechercher dans les quelques centaines qui garnissent votre menu, mais aussi de la totalité de ses Arts et compétences. Certes cela peut s'expliquer, mais une fonction plus poussée de sauvegarde des favoris n'eut pas été un mal.
Je vois des Maurice Chausson partout
Le scénario, lui, ne brille pas beaucoup. Une narration risible, des scènes tellement caricaturales qu'elles passent un temps à deux doigts de la parodie de Star Wars, l'écriture des dialogues et des personnages de XCX est un ratage intégral, à la limite de l'accident industriel. Ne parlons pas de la mise en scène. C'est bien simple, en dépit de ses indéniables qualités, le jeu donne parfois envie de tout envoyer bouler. Lorsque Lin, prototype même de la petite sœur intelligente mais lourde (et accessoirement la Tank du groupe) menace pour la dixième fois en dix chapitres de faire cuire l'inénarrable noppon Tastu, comic-relief du pauvre, la moutarde monte au point qu'il est difficile de ne pas renoncer à simplement passer ces scènes ni utiles, ni drôles. Et il en va de même de la quasi-totalité du casting, au mieux fade mais souvent antipathique, dont l'implication dans le scénario se limite au strict minimum par l'obligation d'emmener Elma et Lin un peu partout. On s'attache plus aisément à notre avatar, créé au travers d'un utilitaire relativement chiche en réglages fins, mais les choix de dialogues régulièrement disponibles n'ont que peu d'influence sur la suite des évènements. Et même si on finit par apprécier certains des nombreux personnages secondaires jouables à mesure de leurs quêtes d'affinité qui développent un peu leur background, il est difficile de les considérer autrement que comme le reste des PNJ.
Mais il y a un personnage qui, lui, est particulièrement réussi et possède une place infiniment plus grande. Il s'agit de Mira.
Grandeur et décadence
Monado, titre original de
Xenoblade Chronicles, avait surpris à l'époque surtout par le gigantisme de ses environnements. On n'attendait clairement pas un RPG japonais à ce niveau-là, et si l'aspect technique du jeu tirait parfois la tronche - Wii oblige - il se rattrapait largement sur l'artistique, avec ses immenses valons laissant entrevoir des arches de pierre sur lesquelles on pouvait réellement aller crapahuter, entre autres panoramas. Fatalement, un tel impact ne pouvait être mis aux oubliettes dans l'élaboration d’un nouvel épisode, et on constate dès la première sortie que
MonolithSoft est allé au-delà des plus folles espérances des joueurs. Point ici de balade sur le dos de robots géants (plutôt à l'intérieur en l'occurrence, suis-je taquin), mais de longs trekkings dans une nature hostile. L'ampleur prise ici par le monde ouvert renvoie tout simplement Bionis et Mechonis au rang de lilliputiens et mieux, sa géographie n'est pas si procédurale qu'on le dirait au premier abord.
C'est en effet une pensée qui m'a traversé l'esprit sur les premières heures. Initialement cantonnés à la marche à pied, on ne cesse de traverser les zones montagneuses, les lacs et les vallées de Primordia, le premier des cinq continents du jeu, sans vraiment savoir où l'on se trouve et ce qu'on fait là. En étant noyés sous un tel monceau de nouveaux lieux, on peine à fixer dans sa mémoire les endroits mémorables tant tout finit par se ressembler, et comme dit plus haut l'omniprésence du pointeur qui vous guide ne pousse pas à la découverte.
Il y a pourtant fort à faire de ce côté-là. Encore une fois, Mira est énorme. Vraiment énorme pour un jeu de ce style. La quasi inexistence de donjons (au sens RPG du terme) est un temps décevante, mais la liberté de courir et bondir dans des plaines au rythme d’une
musique entrainante, virevolter autour de la faune sauvage en évitant les menaces, est probablement plus grisante. Chaque continent possède un vrai cachet, pour ne pas parler de personnalité : Primordia est le prototype de la nature primitive avec son herbe verte, ses cascades, ses formations rocheuses invraisemblables et ses énormes dinosaures. Au nord-ouest, Noctilum déploie une jungle peuplée de créatures simiesques et de fleurs chatoyantes. A l’est, on devine dans les étendues désertiques d’Oblivia les restes de civilisations avancées ou d’un événement cosmique dont l’Histoire ne garde plus trace (et dont nous n’aurons jamais l’explication). Bien plus au nord, à l’extrémité d’un archipel zébrant l’océan, on distingue les côtes blanchies de Sylvalum et ses arbres phosphorescents aux faux airs de planète
Namek. Enfin, Cauldros est un volcan à ciel ouvert, reminiscence des classiques derniers donjons de C-RPG à l'atmosphère obscure. Aussi ne s'étonnera-t-on pas d'y retrouver l'arrière garde des grands méchants de service, qui ont planté leurs fortifications un peu partout sur le globe. Et pourtant malgré la quantité de données à gérer, les développeurs sont parvenus à ce que les déplacements sur la carte se fassent sans difficulté ni transitions, une véritable prouesse qui facilite le sentiment de liberté. Tout au plus notera-t-on un
clipping parfois assez prononcé, ainsi que de longs temps de chargement fort déplaisants lors des téléportations et des scènes de dialogue. Mais au moins l'exploration est fluide et c'est le principal.
On y crapahute donc à l’envie en allant de surprise en surprise, découvrant parfois un panorama beau à tomber, une petite grotte dans une enclave reculée qui fera office de mini-donjon, ou un trésor difficilement accessible. Là est tout le frisson de la découverte ; découvrir une grotte cachée, sentir le danger, avancer à pas mesurés avant d'être surpris par un autochtone dix fois plus gros que vous, et remporter des objets rares au terme d'un affrontement dantesque dont vous vous tirez d'un cheveu. Mais malheureusement, on est vite rattrapés par la vacuité de notre existence en tant que personnage. On finit par se demander qui nous sommes et ce que nous faisons ici, si nous avons vraiment une influence sur l'univers qu'on arpente. Et à raison : alors qu'on nous promet une exploration démesurée, une conquête dont nous serions l'éclaireur, prêt à tracer les contours des continents et baliser le terrain, tout est finalement déjà marqué sur la carte. Pas la place pour la moindre initiative, les BLADEs sont déjà allés installer des camps un peu partout, prémâchant lourdement notre travail. Même lorsqu'enfin, nous trouvons un endroit inexploré, c'est pour être violemment sorti de notre trip par l'apparition inopinée d'un PNJ placé sans vergogne par les fonctions en ligne du jeu, décidément peu enclines à nous laisser profiter de nos envies de voyage. Alors on finit par baisser les bras et avancer sans se poser de question, poser notre fanion dans chacun des huit-cents hexagones de la carte pour coloniser notre nouvelle terre, réduits que l'on est au travail de militaire de génie, le seul pour lequel on se sent vraiment utile. Ça, et celui de petite main puisqu'on nous demande constamment de régler les problèmes des uns et des autres.
La taille ça compte, finalement
Tout comme Bionis, Mira est un environnement hostile où les monstres à taille humaine côtoient les colosses aux niveaux disproportionnés, et même des espèces mutantes appelées Tyrans, capables de balayer même les équipes les plus aguerries. Si la différence de niveaux n'est plus aussi pénalisante qu'auparavant et que la mort n'est jamais très punitive, on apprend vite à ne pas entamer les combats à la hâte. C'est aussi après avoir attaqué un paisible herbivore doté d'un niveau loin d'être impressionnant, mais de 15 pieds de haut, qu'on se prend dans la tronche la vérité : le niveau global d'un ennemi ne fait pas tout, contrairement à sa taille. Et n'espérez pas aller discrètement chercher querelle aux diplodocus patauds qui se désaltèrent au lac du coin, ils vous aplatiront comme des moustiques. Si seulement on disposait d'un moyen de combler ce rapport de force...
Depuis les toutes premières images dévoilées, XCX a fait sérieusement baver une certaine catégorie de joueurs, celle des adorateurs de Gundam et autres méchas. Il faut dire qu'il allait réaliser là un vieux rêve, celui de piloter sa propre armure mobile, customisable qui plus est. C'est ce qu'ils pourront accomplir quand, au prix d'un rapide examen, leur seront confiées les clés du camion, ou plutôt de leur premier SKELL. Ces armures robustes, bien que consommant rapidement du carburant peuvent être équipées de puissantes armes capables de venir à bout de créatures bien plus retorses, et même d’immobiliser les titans pendant quelques secondes. Largement personnalisables, elles finiront par s'élever vers les cieux, libérant ainsi nos plus grandes pulsions d'évasion.
L'arrivée dans l'équation des SKELLs et surtout de leur module de vol, bien que tardive (entre 15h et plus de 70h pour les plus aventureux), est toutefois de nature à bouleverser la recette qui marchait jusque-là. Si ces méchas offrent une nouvelle dimension au système de combat et à l'exploration, permettant enfin d'atteindre des endroits auparavant inaccessibles, ils déséquilibrent aussi la façon d'avancer dans le jeu : vous n'êtes plus entravés par les montagnes qui ceignent les chemins ni par des meutes de monstres trop puissants, puisque vous pouvez désormais littéralement bondir par-dessus le relief ou pulvériser des béhémoths comme les joujoux qu'ils deviennent entre les bras mécaniques des machines.
Cependant ce changement de paradigme a un bienfait. Pour l'anecdote, je pestais assez tôt dans le jeu contre le trop faible nombre de lieux cachés. J'avais tort, et l'ai compris plus tard : avec un tel gigantisme de l'environnement, il est quasiment impossible de parcourir l'intégralité des zones, et faire laborieusement le tour d'une montagne sans y trouver une ouverture peut avoir quelque chose de frustrant pour l'habitué des RPGs où tout lieu a sa fonction et son lot de secrets. Mais changeons d'échelle et les distances raccourcissent, laissant tout lieu de découvrir une crique enclavée au bas d'une falaise, une grotte camouflée ou une myriade de renfoncements uniquement accessibles par les airs. Dans la mesure où le rendu graphique du jeu n'est pas optimal - avec ses textures d'un autre âge et son cortège de clipping - scruter chaque paroi rocheuse à la recherche d'une faille ne risque que de vous filer mal au crane ; bien souvent c'est donc la présence d'un trésor invisible (mais dévoilé par FrontierNav) qui vous mettra la puce à l'oreille, ou un marqueur de quête se chargera de vous y aiguiller.
Du farming, des ressources, du FUN !
Que vous choisissiez très tôt la voie de l’exploration ou que vous attendiez pour cela la fin du jeu et son post-game, vous finissez fatalement par comprendre qu’en fait d'amusement, le système est avant tout conçu pour procurer une occupation. De celles qu'on exécute machinalement, sans trop se préoccuper de sa finalité. Pourquoi s'encombrer de missions quand leur écriture fait simplement se prendre la tête dans les mains, et quand leurs récompenses offrent, en lieu et place d'armes puissantes et autres équipements à même d'améliorer le personnage, tout au plus des éléments cosmétiques : vêtements
fashion, animaux de compagnie, et même une quantité astronomique d'hologrammes que vous pourrez admirer dans la caserne du BLADE pour... Tiens, oui, pourquoi d'ailleurs ?
Le jeu tout entier est soumis à cette sensation de n’avoir rien à y faire que de tirer sur la corde jusqu’à ce qu’elle casse. Ainsi le joueur obtient-il un "niveau de BLADE" assujetti à sa façon d'explorer le jeu : il peut choisir de gagner plus d'expérience en combattant, en découvrant de nouvelles contrées, en ramassant des
collectibles ou en ouvrant des trésors. Cependant, au lieu d'être récompenses, ces découvertes ne sont que le carburant du système. Un nouveau niveau permettra d'augmenter une compétence en Mécanique, Archéologie ou Botanique qui sont autant de types de trésors, et donc d'étoffer la gamme de « coffres » ouvrables. Car oui, la question n'est pas de savoir si vous trouverez ces trésors, tous indiqués sur la mini-carte. Ni si certains sont astucieusement cachés, puisque ça n'est que rarement le cas et que les multiples cachettes possibles que vous trouverez au gré de vos pérégrinations autonomes resteront désespérément vierges. Tout au plus la découverte de points d'intérêt nommés ou de panoramas sont, elles, plus trépidantes que le simple
farming.
Le farming, puisqu’on en parle, gouverne l’entièreté du jeu, qui souffre de fait d'un vrai problème de rythme. Constamment en train d’obtenir de nouvelles missions sans avoir accompli les précédentes, de débloquer des tyrans à dessouder, on ne sait plus où donner de la tête, et une impression de bordel se fait sentir. Dans la mesure où le niveau des ennemis et des missions est fixe quel que soit le moment où on les aborde et indépendamment du niveau du joueur, on roule sur une grande partie d’entre elles, quand d’autres seront mises de côté jusqu’à cent heures plus tard. Même souci de calibration du côté des finances, auxquelles le drop constant d’armes et armures ne nécessite pas de toucher pendant des dizaines d’heures, mais dont l’accumulation s’avère très insuffisante pour se payer des méchas décents. Tout un pan de mécanique est ainsi limitée aux dernières heures du jeu, celles qui seront toute entières consacrée au farming. Car non seulement les meilleurs Inserts, obligatoires pour vraiment franchir un cap, nécessitent d'industrialiser le drop de certains matériaux (plusieurs dizaines de drops rares, souvent) qui ne se récupèrent qu’en brisant une certaine partie d’un monstre, mais les équipements et SKELLs à crafter via le module de R&D ne s'obtiennent aussi qu'à la tout fin, voire après la fin de l'aventure. Si pour une équipe bien entraînée les combats du post-game ne posent aucun problème à moins de s'attaquer aux tyrans les plus retors, n'espérez pas tenir plus de 10 secondes contre eux tant que vous n'aurez pas atteint les hautes sphères. S'ensuivent donc plusieurs dizaines d'heures de stagnation apparente ou de farming intensif pour acquérir les meilleurs Inserts ou les SKELLs de compétition.
Ce n’est donc pas un hasard si
XCX est souvent comparé aux MMORPG. Il en partage la forme et le fond, en particulier quand on joue en ligne où les joueurs répartis en escouades travaillent de concert à ravager la faune et la flore de Mira au travers de missions répétitives ou d’affrontement contre les plus puissants boss. Plus que l’intérêt du travail en équipe, cela leur rapportera quelques tickets échangeables contre n’importe quelle ressource, et écourtera donc la répétitivité des tâches.
Monolith a très clairement choisi la voie de la quantité plus que de la qualité. Tout cet habillage de quêtes sans queue ni tête ni récompenses utiles, d'une aventure globalement insipide, apparaît complètement superflu devant l'exploration jouissive, et le système de combat et d'évolution se suffisait à lui-même pour garantir d'accrocher le joueur. Nul besoin de carotte pour cela. Pire, c'était le meilleur moyen de le renvoyer à sa condition de
farming game.
Vacuité, légers spoilers et conclusions
Volontaire, ambitieux, XCX avait assurément de bonnes idées. Las, une bonne partie de celles-ci semblent bancales, mal insérées dans un carcan trop grand pour elles. Comme si dans leur envie d'en faire plus, trop, les développeurs avaient négligé la finition, à l'image d'une caméra à la limite de l'injouable dès qu'on se risque en intérieur, ou du changement laborieux de cibles dès lors que l'ennemi ne se tient pas parfaitement immobile.
Des choix un peu stupides sont également à déplorer, comme l'impossibilité effective de choisir toute son équipe pendant la majorité du jeu. Outre le fait que certaines missions risquent d'être bloquantes si on s'y rend une main dans le slip sans penser une seconde que l'acceptation nous empêche de vaquer à d'autres occupations plus à notre niveau, le fait est que s'il est effectivement possible de choisir ses trois compagnons de route, de les équiper comme bon vous semble et d'en changer au cours du jeu, les missions principales et d'affinité vous forcent toutes à y inclure Lin et Elma. Or comme souvent, l'IA n'est pas des plus aptes à manier les techniques avec finesse, et s'avère souvent incapable d'utiliser les capacités passives de vos arts intelligemment. On la voit ainsi déclencher coup sur coup deux arts d'aura, effaçant de fait le premier effet passif tout en dépensant inutilement des TP et du temps. Elma est l'exemple type de ce genre de souci, dans la mesure où ses Arts sont efficaces surtout en tirant partie du positionnement par rapport à l'ennemi, ce que l'ordinateur n'est pas capable de gérer correctement. Ainsi, s'il existe encore une fois un fort potentiel de builds exploitant les nombreuses possibilités de communion entre Compétences, inserts, équipement et timing de déclenchement des Arts, on a parfois intérêt à faire rentrer dans l'équation les limites de l'IA. Pour être complets, précisions qu'il est possible de contrôler manuellement n'importe lequel de ces personnages, et non simplement l'avatar custom. Ces choix, en grande partie arbitraires et peu justifiés par le scénario, sont d'autant plus incompréhensibles que d'autres points du jeu sont particulièrement bien pensés. C'est le cas notamment de la navigation, qui utilise à merveille le gamepad et son écran permettant d'afficher les "nodes" de la mappemonde et leurs ressources, d'y repérer les points d'intérêt, de gérer les sondes, et surtout de se téléporter assez facilement.
La bande son est une autre frustration. Comptant en son rang de vraies bijoux épiques à souhait (notamment les principaux thèmes d'exploration des cinq continents), mais également de vieux morceaux eurodance, des chansons très pop ou des parodies de Hip Hop (tendance « uh, uh, yeah ! ») qui auraient plus leur place sur la scène de l'Eurovision, et éclipsent parfois les dialogues. Un peu décevant quand on se souvient de la perle intégrale qu'était l'OST du premier, unanimement louée pour sa qualité.
J’enjoins ceux qui n’auraient pas encore terminé l’aventure à sauter directement à la conclusion, car ce qui suit pourrait dévoiler des thèmes cruciaux.Je parlais plus haut du scénario et de sa dimension creuse, l’heure est venue d’en dire un peu plus sur le pourquoi. Sur la forme, la recherche de l’arche de vie n’est pas sans rappeler la narration du premier Mario, à base de "
désolé mais notre princesse est dans un autre château". Les motivations des principaux antagonistes, sobrement nommés Ganglion, lorsqu'elles sont dévoilées à la toute fin du jeu, apparaissent risibles voire franchement stupides. Ceci dit, arrivé à ce niveau de l'intrigue on n'en est plus franchement étonné. Pas plus que du fait que pas un seul des BLADEs qui patrouillent dans les zones n'aient remarqués les forces ennemies massées en Cauldros et Sylvalum, ni même l'apparition physique aussi brutale qu'inexpliquée d'un élément central du scénario dans ses derniers instants. En fait le jeu possède le défaut de ses choix structurels : à nécessiter un monde figé, immédiatement accessible en tout point du jeu, dans lequel les différents éléments viendront s'insérer à mesure des chapitres et découvertes, on tombe immanquablement sur des
plotholes, incohérences et illogismes.
C’est une sorte de gâchis quand on voit qu’il eut été possible d’approfondir des thèmes bien plus palpitants. Il est surtout dommage de constater que la difficulté du vivre ensemble - le nom du titre, Xeno, n'est pas usurpé - ou le transhumanisme à la GUNNM, notamment, ne le soient pas plus dans le scénario principal. De même, doit-on se satisfaire de cette morale sous-jacente du "tuer ou être tué", jamais remise en question par les personnages ? On serait en droit d'attendre une vraie justification dans le génocide perpétré par les humains sur les espèces indigènes quand ils sont, de fait, l'élément perturbateur de l'écosystème. D'
autres que moi s'en sont émus à juste titre. Il m’apparaît toutefois que bien souvent, c'est le joueur
lui-même qui est vecteur de ce bellicisme, n'hésitant pas à aller chasser même les paisibles herbivores pour en récupérer le loot, ou attaquer les grosses bébêtes juste pour se mesurer à elles.
Beaucoup de ces problématiques, qui posent pourtant des questions pseudo-philosophiques, ne sont introduites que par les quêtes annexes, et leurs approfondissements et griefs relégués à un second plan, comme pratiquement tout trame scénaristique par ailleurs. Ainsi on aura régulièrement l'occasion d'inviter dans notre tour de Babel d'autres peuples extra-miréens opprimés par le Ganglion, ouvrant chacun la voie à de nouveaux entrecroisements de points de vue et de nouvelles solutions (de par leur technologie) aux problèmes de survie des espèces. Malheureusement, chacune de ces mini-trames se limite tout au plus à deux ou trois missions, et nombre de points restent inexpliqués au terme de l'aventure, qui semble tout entière crier à une suite.
Malgré toute cette
vacuité qu’on peut trouver à l’aventure, la frustration relative à cet énorme potentiel muselé par des idées proprement débiles, à la succession de hauts très hauts et de bas très bas qui démoralisent au point de vouloir tout envoyer balader parfois, elle n’en reste pas moins exceptionnellement riche, très addictive et ponctuée de moments de grâce vidéoludique.
Pas facile de donner une note à un tel jeu, capable de se montrer aussi génial que débile d'un instant à l'autre. S'il est tentant de comparer les deux jeux de la licence Xenoblade (voire de pousser jusqu'aux autres Xeno) comme je le fais depuis le début de l'article, on s'aperçoit vite qu'ils reposent sur des concepts radicalement différents. La préférence du joueur et son appréciation du jeu tiendront donc de l'histoire de goût de chacun. On peut tout de même regretter que XCX n'ait pas poussé son concept aussi loin qu'il aurait pu, s'embarrassant de mécaniques au rabais plutôt que de peindre un scénario et des personnages à la hauteur du gigantisme de son monde.
31/01/2016
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- Un monde gigantesque et dépaysant à explorer
- Système de combat maitrisé, offrant une agréable marge d'évolution
- Contenu conséquent malgré son aspect purement mécanique
- Quelques moments de grâce où l'on s'abandonne totalement à l'évasion
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- Le scénario, les personnages, l'écriture (mon dieu) et la mise en scène, presque tout est à jeter
- Malgré quelques très bonnes pistes, la bande son est souvent hors-sujet ou mal dosée. Dommage
- Le côté bas de gamme de la mécanique de quêtes exacerbée.
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GRAPHICS 4/5
SOUND/MUSIC 3.5/5
STORY 2/5
LENGTH 5/5
GAMEPLAY 4/5
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