Indissociables, les studios
Compile Heart et
Idea Factory ont su se faire une petite place auprès d'un public de niche sur les machines HD. Mais pour cela, encore fallait-il une licence pouvant le justifier. Ce sera donc
Agarest: Generations of War qui fera un petit détour jusqu'en Europe sur PS3, alors que
la version Xbox 360 - pourtant sortie en première au Japon - n'a pas bénéficié d'une telle exposition chez nous.
Note : le test est réalisé à partir d'une version PAL anglaise contenant uniquement les voix japonaises et les sous-titres en anglais.
C'est la guerre
Difficile de faire une entrée en matière plus évidente pour le scénario d'
Agarest. Vous êtes Leonhardt, officier connu sous le surnom de "Golden Leo", qui commence à sérieusement douter des motivations de son Empire de Gridamas. En effet, depuis un petit moment déjà les agissements du Roi demeurent de plus en plus incompréhensibles, comme si une entité noire sévissait dans l'ombre pour le pousser à engager le conflit avec les contrées voisines.
Au cours d'une mission, et de plus en plus en proie au doute, Leo décide de prendre la défense d'une jeune elfe sans défense lorsque celle-ci semble condamner à mourir sans raison notable. En colère face à tant de barbarie, Leo brandit son arme contre ses frères d'armes, jetant au loin son serment de chevalier. Malheureusement, il s'avère que parmi ses ennemis se trouve un mystérieux chevalier noir qui va d'un seul coup d'épée envoyé Leo au royaume des morts.
C'est à ce moment très précis où tout semble perdu qu'intervient une jeune femme du nom de Dyshana. Visiblement nantie d'un grand pouvoir, elle propose un contrat à Leo : le pouvoir de sauver le monde des dieux du mal en échange de son âme et de celles de ses descendants. Animé par le feu sacré, notre héros un temps hésitant fini par accepter cette vie éphémère, tout en étant conscient du terrible fardeau qu'auront ses futurs enfants.
De retour à la vie, Leo vient alors en aide à la jeune elfe Ellis, celle qui causa indirectement sa mort, et commence une longue quête en vue de vaincre les forces maléfiques du monde.
Le récit d'
Agarest est d'un classicisme absolu, vu et revu maintes fois dans d'innombrables productions héroic-fantasy. A ce titre on peut sans peine faire la corrélation avec "
Le Seigneur des Anneaux" puisque au-delà de plusieurs références, le plus évident rapprochement demeure l'existence d'un bracelet sans lequel le dieu du mal ne peut utiliser tous ses pouvoirs. De toute évidence, ce bracelet va rapidement se trouver en possession des héros, qui chercheront un moyen de le détruire. Cette histoire très prévisible et au rythme très lent est cependant servie par une jolie brochette de personnages, certes stéréotypée mais très colorée, diversifiée et parfaitement dans le ton, avec en prime une petite note d'humour bienvenue.
Comme le sous-titre l'indique, le récit s'étale sur plusieurs générations, cinq pour être précis. A chaque fois, le héros devra choisir parmi trois prétendantes celle qui portera son enfant, qui lui-même devra refaire la démarche jusqu'à la victoire sur les forces du mal. Chaque génération possède ainsi sa propre histoire, mais toujours au service de la ligne directrice principale. En contrepartie, on regrette un peu l'inégalité des mini-scénarios d'une génération à une autre, mais qui auront au moins le mérite de développer efficacement certains personnages, notamment ceux qui participeront à l'histoire du début à la fin (les races de longues vies comme les elfes par exemple).
En résumé peu de surprises, mais dans une moindre mesure un récit agréable à suivre grâce à ses personnages.
Une autre époque
A ce titre, les protagonistes sont sublimés par la qualité du chara-design proprement étonnant du jeu. On y trouve de tout : des humains, des elfes, des démons, des
Ents (!)... tous particulièrement soignés dans le rendu visuel en artwork, même si on aurait aimé un peu plus de variété dans les postures à défaut de n'avoir que les expressions. Les antagonistes ne sont pas en reste, le bestiaire non plus même s’il manque un peu d'audace et qu'il aura tendance à se recycler. Maintenant, cet habillage notable n'est pas exempt de tout reproche en ce qui concerne l'inventaire et les menus. Pas temps le problème de la mise en forme, plutôt intuitive, mais sur l'apport fonctionnel qui laisse à désirer. La navigation n'est pas vraiment limpide et l'absence des options de réorganisation se fait cruellement sentir, au point de faire passer l'inventaire d'un
Skyrim pour un modèle d'interface.
Si ce n'était que deux ou trois détails d'ergonomie on ne crierait pas au scandale, mais après avoir vu le premier combat tous les espoirs s'effondrent telle une forteresse en proie à une invasion d'orcs et de gobelins. Des sprites en 2D minimalistes, des animations limitées, des décors en 3D d'une pauvreté affligeante avec beaucoup de redondance. Le pire, c'est que le jeu se permet le luxe de ralentissements préjudiciables lors des rixes, mais également lors des rares donjons où l'on déplace son personnage alors qu'il n'y a presque aucuns éléments à afficher. Consternant pour un rendu à peine digne de l'ère 32 bits. Tout n'est pas négatif non plus cependant, les effets graphiques s'en sortent avec les honneurs et on appréciera le déluge visuel lors des ultimes attaques.
Les musiques elles, sont parfaitement dans l'esprit du jeu. Des mélodies douces ou légèrement élevées accompagnent les évènements et les donjons alors que des thèmes plus électriques alimentent la partie combat. Je dirai même qu'il y a deux ou trois morceaux vraiment saisissants, mais le retour de bâton viendra du faible nombre de pistes et sur un jeu aussi long (j'y reviendrai) et ça, ça ne ne pardonne pas. Par contre rien à redire des doublages japonais dans cette version de test, l'intégralité des évènements du jeu est couverte et ils ont également une présence remarquable en combat, portant littéralement l'ambiance du soft du début à la fin.
Une bataille, ça se prépare
Agarest est un jeu de rôle de type tactical, mais dont la structure est découpée en cinq grandes phases de jeu reliées par une même ligne directrice. A chaque génération, le héros en cours devra choisir une prétendante qui portera le héros de la future génération, et rebelote. Du coup le premier élément de gameplay qui frappe c'est la difficulté à stabiliser une équipe (six maximum en combat). A chaque fin de phase, le héros en cours et les trois filles qui l'entourent vont disparaître ! Du coup, il s'avère complexe (pour ne pas dire absurde) de jouer avec ces personnages condamnés. A la bonne heure, les protagonistes de longue vie seront toujours dans l'équipe et ce sont finalement eux qui requièrent le plus d'attention de la part du joueur, puisqu'on y retrouve tout ce qu'il faut : guérisseuse, barbare, sniper, sorcière... L'homogénéité est maître mot dans Agarest.
Revenons aux prétendantes. Les filles sont recrutées lors d'une génération et après quelques questions ou évènements, vos choix influeront un cercle de trinité en bas à droite de votre écran mais également une jauge qui penche entre la lumière et les ténèbres. A noter qu'il y a cinq paliers d'affinité dont il est indispensable d'avoir au moins le niveau quatre pour avoir le choix en fin de phase. De cette union naitra un enfant, source de cet amour éphémère avec ses propres statistiques et ses aspirations en armement une fois adulte. Peut être même qu’il aura des ailes ou des oreilles de chat car la mixité n’est pas vraiment un problème dans le background ! Sympathique sur le papier, on constate vite que ce développement n'est pas pratique en application. Les questions sont souvent des choix de directions peu logiques, les rares évènements sont très inégaux (parfois drôles, parfois ennuyeux ou hors propos) et vous aurez toujours avant le boss de fin de génération un dialogue à quatre où le héros devra répondre à des questions pas forcément pertinentes, mais qui permettent au moins de renverser la vapeur en dernière minute. Dommage, et il n'aurait pas été stupide de penser que le héros pouvait aussi être une héroïne, mais pour le coup vous n'aurez que des garçons, les lois du fan-service sans doute.
La carte du monde est en point'n'click, avec des points qui s'affichent les uns après les autres ou "en grappe" pour les combats avec de temps en temps des villes pour faire vos emplettes. Parmi les options on y trouve : la boutique d'objets, la forge, la guilde des aventuriers, la guilde des monstres, l'aide médicale, l'alchimiste et l'horoscope.
La boutique d'objets ne vendra que ce que vous créez via la forge. Il faudra donc récupérer un très grand nombre de matériaux sur les ennemis ou dans des coffres pour pouvoir faire des armes, armures, accessoires et objets, mais également upgrader l'équipement et leurs compétences propres (de type points de vie, résistance aux états...). La guilde des monstres permet de fusionner des créatures au préalable capturées, l'aide médicale sert à ressusciter les morts et l'horoscope à jeter un coup d'œil rapide au résultat de votre future union. Un autre service, l'Alchimiste, n'arrivera qu'en deuxième génération et pour cause, il permet contre de très importantes sommes d'argent d'invoquer des marionnettes à l'effigie des personnages morts à la fin de la génération précédente. Idéal pour compléter l'équipe mais vu les différences de niveau et les sommes exorbitantes, vous y réfléchirez à deux fois (cela dit on apprécie que l'option soit disponible). Enfin, la guilde des aventuriers répertorie un certain nombre d'objectifs (142 pour être exact) qui s'apparentent presque à un système de trophées. Vous obtiendrez à la fois des objets rares mais également des quotas de points pour pouvoir acheter des objets ou des armes uniques, quand ce n'est pas directement des compétences et magies. Là aussi c'est très peu permissif puisque les objets sont affreusement coûteux, et c'est malheureusement là qu'on y trouve la plupart des livres de recettes pour la forge. Avec ce dernier élément, vous commencez peut être à voir l'ampleur de la tâche : vous ne pouvez créer qu'à condition d'avoir les livres et les matériaux, les boutiques ne vendront jamais d'équipements nouveaux. Un travail long et fastidieux en perspective, et il ne sera pas rare de finir une partie sans avoir créé la moitié des centaines d'objets possibles, car ne pas avoir un équipement à jour sera synonyme de très grosses pénalités en combat. Un loot un peu plus souple aurait pu faire le plus grand bien à cette partie préparation.
En marge, la carte du monde affiche des zones dites de "quête". Pas d'objectif défini ici, juste une zone qui ressemble à un donjon de RPG classique avec un écran de transition pour les combats. L'intérêt majeur de ces évènements (qui font partie de la trame scénaristique ou non), ce sont les coffres qui recèlent généralement de très bons objets. D'un écran de transition dans les donjons ou d'un point sur la carte, vous accédez aux combats.
Les combats
A six personnages donc, sachant que dans l'ensemble vous aurez une trentaine de héros, tous spécialisés de base dans une ou plusieurs caractéristiques parmi les suivantes : force, vitalité, agilité, intelligence et la chance (qui contient les paramètres de précision et d'évasion). Vous aurez à chaque gain de niveau quelques points à répartir dans ces statistiques mais ce n'est pas tout, la partie paramétrage permet d'équiper vos héros et d'y modifier leurs skills. Ces derniers vont des compétences physiques aux magies en passant par les sorts de soutien. Certaines armes possèdent des emplacements pour ça, mais également les accessoires sans oublier qu'au niveau 50 vous monterez de classe ce qui octroie des slots supplémentaires.
En combat, nous avons à faire à de petits damiers dont la forme et les attributs varient en fonction de votre stratégie de base. La force permet d'obtenir des cases qui augmentent l'attaque, d'autres offriront des gains en agilité ou vous protégeront des états anormaux. Il n'y a que dans les affrontements contre les boss que le damier est imposé. Cette idée au demeurant ingénieuse est remise en question par un système qui vous fera sans arrêt déplacer vos personnages. Explications.
Vous devez d'abord poser vos personnages sur le damier et autour d'eux vous verrez des cases légèrement surlignées. Si vous mettez un personnage dans une position de la sorte il va être en "lien" avec le premier personnage, et ainsi de suite, sachant qu'aussi bien la case que la direction du regard sont prises en compte. Le but du jeu est donc de faire en sorte que le maximum de héros soient en lien pour des attaques combinées. Pour cela vous avez deux quotas de points : celui des AP pour vos skills classiques et celui des SP pour les skills spéciaux (qui consomment aussi des AP). En fonction de vos AP, vous pourrez déclencher autant de skills que vous voulez, seul ou en équipe ce qui ne surprendra pas grand monde mais, dans
Agarest l'intérêt est tout autre puisque faire appel à un personnage en lien à l'autre bout du damier le fait se déplacer pour qu'il soit à porter de la cible. Avec de la pratique, vous arriverez à déplacer vos pions tout en gardant les liens. Bien sûr, un menu répertorie vos trouvailles en matière d'attaques combinées (encore des livres...!). Ainsi, certaines attaques de ce type sont possibles seules, mais d'autres nécessitent plusieurs personnages notamment pour les combinaisons de furies.
Si le système en lui même est assez intéressant, il est en revanche assez lent et répétitif, qui plus est accentué à cause de la surenchère de combats omniprésents et parfois très longuets. Heureusement vous pouvez zapper les déplacements et les animations, chose cependant insuffisante cependant pour contrer un autre problème, et le plus gros du jeu : l'équilibrage. Au delà du nombre usant d'affrontements, il y a tous les soucis liés au craft à cause des livres obligatoires et de matériaux trop rares à obtenir. Certes il y a un système d'overkill à la
Valkyrie Profile (détruire l'ennemi au delà de sa jauge de points de vie) pour favoriser le loot, mais les ennemis possèdent une telle jauge d'endurance que ça en devient une gageure. Autre poids, autre mesure, les super skills nécessitent un quota ahurissant de 250 SP, ce qui fait au bas mot qu'on aura quasiment jamais l'occasion de les utiliser, les combats n'étant pas assez longs pour ça et les points progressant trop lentement. En bref,
Agarest est un jeu nanti de bonnes intentions et particulièrement généreux en bidouillage, mais la réalisation graphique et les soucis d'équilibrage du gameplay risquent d'en rebuter plus d'un.
Annexes
Je pense qu'aux environs de 70h vous verrez le générique de fin, tout dépend après du niveau de difficulté. Trois au choix sachant que dès le mode normal vous risquez de souffrir sur les boss complètement abusés capable d'enlever dix fois votre jauge de HP sur un enchaînement. Après quelques essais en facile, votre serviteur confirme que le challenge est déjà assez coriace, ce qui remet un peu en question l’accessibilité. Nul doute que les développeurs n'ont pas cherché le public occasionnel avec leur jeu.
Routes/prétendantes/fins : plusieurs choix s'offrent à vous au cours de l'aventure et vous ne pourrez choisir qu'une route à la fois. Cela aura une incidence sur les évènements spéciaux avec les filles (certains ne seront pas visibles) mais également sur les combats et les enfants. Le jeu possède aussi une "vraie fin" à l'intérêt plus que discutable vu les conditions absurdes à réunir pour son obtention, difficile d'accès sans soluce.
Gallery : deux types de galeries sont à remplir histoire de revoir toutes les CGs du jeu. A noter la teneur légèrement suggestives de certaines d'entre elles, mais jamais rien de trop vulgaire. D'ailleurs vous pourrez en apprécier bon nombre d'entre elle sur la fiche du jeu.
New Game + : vous repartirez de zéro mais avec tous vos objets si vous avez choisi un mode de difficulté le permettant. En somme deux à trois parties me semblent nécessaires pour en faire le tour complet.
Sous ses indéniables allures austères avec sa réalisation graphique d'un autre temps et tous ses problèmes d'équilibrage, Agarest ne part pas avec les meilleurs avantages et risque de passer sous le nez d'un grand nombre d'amateurs de tacticals. Maintenant, il faut aussi reconnaître les bonnes idées comme un système de jeu complet avec une grosse partie paramétrage et un contenu pharaonique pour qui veut tout faire, à condition toutefois de faire preuve de patience et de rigueur. Disponible en France mais uniquement en anglais, ça peut être une occasion intéressante si vous avez du temps devant vous.
31/08/2013
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- Le chara-design
- Le casting rafraîchissant
- Système riche et complet
- Contenu impressionnant
- Le système des descendances...
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- ...malheureusement trop en surface
- De gros soucis d'équilibrage
- Techniquement d'une autre époque
- Challenge disproportionné
- En anglais
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GRAPHICS 1.5/5
SOUND/MUSIC 3/5
STORY 2.5/5
LENGTH 5/5
GAMEPLAY 3.5/5
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