1995 voit débarquer sur Super Famicom l'un chef-d’œuvre absolu du J-RPG : Chrono Trigger. Association de grands noms et de grandes idées, le jeu reste aujourd'hui encore l'un des RPG les plus appréciés par les joueurs.
Prendre la relève n'était pas chose aisée, et la sortie quatre ans plus tard de Chrono Cross suscita autant d'espoirs que de craintes et de doutes. Finalement bien différent dans son orientation et son optique, cette "suite" pourra en dérouter plus d'un mais s'impose à son tour indéniablement comme un titre majeur de sa génération.
Début des années 2000, Squaresoft atteint son apogée, et Chrono Cross est en l'un de ses porte-drapeaux.
Une introduction mythique
Les premières minutes mettent dans le ton, avec tout d'abord deux introductions fabuleuses.
Le première (principale) est non seulement magnifique graphiquement, mais la musique qui l'accompagne est sûrement l'une des plus belles jamais réalisées (Time's Scar). Une des meilleures intros que je connaisse, assurément. Le joueur patient aura droit à une deuxième, plus conventionnelle, mais accompagnée de la non moins excellente piste Time of the Dreamwatch.
Le décor est planté, Mitsuda est en forme.
Vous débutez ensuite le jeu dans la peau de Serge, un jeune garçon avec un bandana et de deux compagnons : une jeune fille nommée Kid (étrange...) et un autre qui est désigné au hasard, mais cela n'a aucune influence sur la suite de l'histoire. Vous vous trouvez dans une tour et après être arrivé au dernier étage, Serge a soudain une vision : il se voit en train de poignarder Kid...
A cet instant il se réveille chez lui, tout ceci n'était il qu'un rêve ? Son amie d'enfance, Leena, lui demande alors d'aller chasser le komodo pour en rapporter ses écailles. Après avoir accompli cette tâche difficile (et pas forcément passionnante...), ils se retrouvent sur la plage pour discuter.
Mais, une chose étrange se produit, et lorsque tout est revenu à la normale, Leena n'est plus là. Serge rentre donc à son village, et là, stupeur, personne ne semble le reconnaître ! Encore plus troublant, sur une falaise non loin de là se trouve sa tombe, où il peut lire qu'il est mort depuis plusieurs années. Des premières minutes excellentes, intrigantes, comptant parmi les plus captivantes jamais vues dans un RPG.
Ainsi débute l'aventure qui vous amènera à jongler entre deux mondes parallèles.
Un jeu vivant
La première chose qui saute aux yeux lorsqu'on y joue, c'est l'ambiance qui se dégage du jeu. Contrairement aux FF Playstation que je trouve un peu sans vie, les graphismes présentent des couleurs très vives (à tel point que ça pourra en déranger certains), les villages sont très animés, et les villageois bougent, courent, c'est vraiment très bien fait.
Les villages sont très importants, vous aurez souvent des phases de recherche à y effectuer pour avancer dans l'histoire, le jeu n'étant pas spécialement dirigiste, ou bien débloquer l'une des quêtes annexes.
Une fois à l'extérieur, vous vous retrouverez sur la carte, qui se présente de la même manière que celle de Chrono Trigger. On se balade dessus sans combat, et lorsqu'on passe sur un lieu une écriture nous indique qu'on peut entrer dedans, tout simplement. La particularité du jeu est d'introduire la nécessité de jongler entre deux mondes parallèles pour avancer l'histoire, un principe vraiment excellent.
Les différents thèmes des cartes sont sublimes, avec une mention particulière pour celui d'Another World. J'insiste, mais si le jeu est aussi bon, il le doit aussi à sa bande son fabuleuse.
Les lieux sont assez variés et trouver le bon chemin n'est pas aisé, quelques énigmes viennent corser le tout. A l'instar d'un Grandia ou d'un Lunar, les ennemis sont visibles sur la carte avant affrontement, point de combats aléatoires ici. Enfin, vous serez évidemment confronté à de nombreux combats et boss lors des lieux, d'une difficulté variable, mais globalement, Chrono Cross ne devrait pas se révéler insurmontable pour le joueur, même néophyte.
Original, et déroutant
En parlant des combats, abordons le système, très original, même si le fond est du classique tour par tour. Vous avez une barre de stamina qui possède un maximum de sept points. Chaque coup donné enlève des points proportionnellement à la puissance des coups (trois niveaux d'attaque et de magies, le septième étant pour les objets). Plus le coup donné sera de grande puissance, plus il aura de chance de rater, mais la probabilité de toucher augmente avec le nombre de coups portés précédemment. Il faudra donc bien prendre en compte ce schéma, souvent enchainer un coup moyen puis des forts. De plus, lorsque vous donnez un coup, vous remplissez des cases qui correspondent aux différents niveaux de magie. Un système déroutant au départ mais vraiment excellent une fois maîtrisé.
A noter que les doubles et les triples attaques sont présentes, comme dans Chrono Trigger, mais en faible nombre c'est regrettable.
On peut modifier l'élément de l'aire de combat afin de rendre les magies plus puissantes ou bien atténuer celles adverses. Un bon système très utile lors des combats assez ardus, notamment lorsque l'élément de l'ennemi est évident.
Point fort déroutant, il n'y a pas d'expérience dans le jeu. Au hasard de certains combats, les statistiques augmentent. Mais n'imaginez pas pouvoir monter à la manière d'un Saga, la progression de Chrono Cross semble quelque peu scriptée. Après chaque boss, le joueur récupère une étoile et les quelques combats suivants permettent de monter les stats. Après, c'est presque le néant, il est donc inutile de chercher à leveler. Dans les points soulevés par ses détracteurs, celui-ci revient bien souvent, preuve que l'audace et l'originalité font rarement l'unanimité. D'ailleurs, si je devais émettre un petit reproche à ce jeu fabuleux...
Une suite directe ?
Le jeu fut présenté à sa sortie comme la suite directe du mythique Chrono Trigger. Or, dès le début on se rend compte que l'univers n'a plus aucun rapport, que le système de jeu diffère totalement, on peine à trouver ses marques dans une époque unique (certes sur deux réalités coexistantes) alors que l'intemporel Chrono Trigger s'étalait sur de nombreuses époques.
Puis, lorsqu'on avance un peu dans le jeu, quelques liens apparaissent au compte-gouttes, et permettent de mieux lier les deux jeux. On retrouve des noms connus, des explications, mais on ne retrouve aucun lieu en commun, et si peu de personnages (je ne spoilerais pas). Les dimensions parallèles et les distorsions du temps sont toujours pratiques pour expliquer tout et n'importe quoi, difficile de savoir si le jeu a été pensé dès le début comme la suite de CT.
En fait, pour moi le jeu serait une vision de ce que pourrait être la conséquence de certains événements de Chrono Trigger, et se déroulerait dans un univers parallèle à Radical Dreamers, présenté à l'époque comme la seule et unique suite de Chrono Trigger, mais incohérent avec Chrono Cross sur de nombreux points, même si beaucoup de lieux, de scènes et de protagonistes de Radical Dreamers sont repris ici.
Le scénario est extrêmement bien conçu et travaillé, avec comme thème le voyage entre les dimensions, délaissant le voyage temporel de Chrono Trigger. En comprendre toutes les subtilités n'est pas forcément évident tant le scénario est complexe et bien pensé, mais une chose est sûre, on a constamment envie d'avancer, d'en apprendre plus. Les fans de Chrono Trigger ont souvent reproché au jeu d'avoir pris un virage plus sombre, plus mature, il est vrai bien différent, mais peut-on décemment le regretter face à un tel script ?
Maître Mitsuda
Traditionnellement, lorsque j'évoque la technique d'un jeu, je commence toujours par l'aspect graphique. Mais placer la bande son après toute autre composante serait ici déplacé. Elle est sublime, magnifique, superbe, les superlatifs me manquent.
Ne vous attendez pas à avoir des mélodies très pêchues et rythmées, comme dans
Chrono Trigger. Ici ce sont des mélodies calmes, mélancoliques mais qui frisent la perfection, le génie de Mitsuda dans toute sa splendeur. Une des meilleures bande son de la Playstation, sans aucun doute, toute console confondue, fort possible. Une
OST chaudement recommandée, qui contribue à créer cette ambiance si particulière, qui pourra tant envouter que repousser.
Hélas, parce qu'il y a toujours un "hélas", la musique des combats est assez affreuse à mon goût, alors que c'est celle qu'on est amené à entendre le plus souvent.
En ce qui concerne le design des divers protagonistes du jeu, dont le nombre dépasse la quarantaine, Akira Toriyama cède sa place à Nobuteru Yûki (
Chronique de la guerre de Lodoss,
Dragon force 2...). Si son talent est également indéniable, son travail sur certains personnages me laisse perplexe. Le héros (Serge), est assez ridicule avec son bandana et son short, et un nombre non négligeable de persos sont moches, difficile de maintenir une qualité constante sur un tel nombre. Fort heureusement, certains personnages sont magnifiques, on regrettera juste le caractère inégal de l'ensemble. A noter également, l'anglais utilisé varie selon les personnages, certains utilisant un anglais ancien, ou Harle un accent français. Un détail plaisant, mais attention, qui peut rendre le jeu difficile à appréhender pour ceux qui maitrisent peu l'anglais, le jeu étant bourré d'argot.
Les graphismes du jeu font honneur à la Playstation. Les décors en 3D pré-calculés sont assez fins et très colorés. Les combats pâtissent de la qualité de la 3D Playstation, avec de la déformation et de la pixelisation, mais la console offre tout de même ici ce qu'elle peut faire de mieux. Surtout, l'animation est vraiment excellente. Le tout est d'un naturel et d'une fluidité déconcertante. Les programmeurs de chez Squaresoft sont vraiment bons, rien à dire. Les magies sont elles très réussies même si on reste loin de la beauté de celles des
FF, elles restent assez simples, et donnent rarement dans la démesure.
Enfin, après une grosse quarantaine d'heures de jeu, on a droit au New Game+, qui permet de refaire le jeu assez facilement, avec la possibilité d'accélérer, c'est très bien pensé. Le New Game+ permet de récupérer la totalité des personnages, infaisable à la première partie, et de voir toutes les fins du jeu, comme dans
Chrono Trigger.
Dans un genre bien différent de son inoubliable prédécesseur Chrono Trigger, Chrono Cross a marqué à son tour des générations de joueurs. Plus sombre, plus mature et magnifiquement réalisé, le jeu profite également du talent de Yasunori Mitsuda à la bande son pour proposer une expérience à part.
Inoubliable et tellement intelligent, tout simplement.
06/12/2001
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- Ambiance
- Le scénario, incroyablement travaillé
- Musiques divines (hormis celle des combats)
- Système de combat excellent
- Des scènes cinématiques époustouflantes
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- Le design des persos assez inégal
- Musique des combats indigeste
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GRAPHICS 4.5/5
SOUND/MUSIC 5/5
STORY 4.5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 4/5
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