Connu des services principalement pour son habileté à se cacher derrière la renommée du studio
Bioware,
Obsidian mit au monde des suites aux jeux des développeurs canadiens. N'ayant jamais fait l'unanimité auprès des fans,
Obsidian a quand même acquis la réputation de faire des jeux plutôt solides malgré un grand manque d'initiative et d'imagination.
Une volonté d'émancipation s'est enfin fait ressentir à l'annonce d'
Alpha Protocol, un RPG contemporain dans le monde de l'espionnage : voilà qui paraissait alléchant !
C'était cependant sans compter sur un développement chaotique traduit par des reports de sortie incessants et des changements perpétuels dans l'équipe de développement (notamment à cause de l'autre projet d'
Obsidian en cours :
Fallout New Vegas, une suite du
Fallout 3 de
Bethesda Softworks) qui laissa très sceptique à l'égard du jeu, malgré une recette prometteuse sur le papier. Suivons un instant, si vous le voulez bien, l'histoire de Michael Thorton, agent secret de son état.
UE3 quand tu nous tiens...
Alpha Protocol utilise le moteur Unreal Engine 3 - comme
Mass Effect, quelle coïncidence ! - et malheureusement,
Obsidian ne semble pas le maîtriser à la perfection. En effet, outre des personnages modélisés assez sommairement et parfois trop anguleux, voire un peu disproportionnés (au niveau du rapport tête/corps), outre des animations pas toujours folichonnes, outre les décors également assez basiques aux textures parfois disgracieuses, on retrouve le bug aujourd'hui classique de ce moteur : la lenteur d'affichage de ces dernières. Ce bug était également constatable dans un
Mass Effect par exemple, mais est ici beaucoup plus prononcé. En effet, il apparaitra assez souvent, à l'ouverture et à la fermeture des menus, ou après un temps de chargement (relativement peu fréquents mais assez longs), et les textures mettront parfois plusieurs secondes à s'afficher totalement. Cela dit, même s'il n'est pas aussi "next-gen" qu'on aurait pu l'espérer, et qu'il comporte des lacunes techniques évidentes, l'aspect graphique du jeu ne sera pas un véritable obstacle. En effet, le tout est globalement propre et bien optimisé, malgré quelques ralentissements apparaissant toujours au même point de chacun des niveaux, phénomène sans doute dû à des chargements "invisibles". De plus, les visages sont globalement bien modélisés et animés, et le character-design est sympathique, ce qui permet d'avoir des phases de dialogue assez immersives.
Côté sonore, le constat est différent et dans le bon sens du terme. Les musiques ne sont pas très originales - certaines rappellent clairement James Bond - mais collent totalement à l'ambiance d'espionnage du soft, les bruitages eux sont globalement potables et les doublages anglais ont joui d'un vrai travail. Ainsi les différents tons employés sont la plupart du temps très convaincants et le charisme des personnages en est décuplé, ce qui sert à merveille les dialogues.
Vous l'aurez compris,
Alpha Protocol n'est pas un étalage de technique, ni même graphiquement agréable à cause d'un design commun, monde contemporain oblige, mais restant globalement stable et rendant des visages plutôt jolis, le joueur ne s'attachera que très peu à cet aspect pour concentrer son attention sur le gameplay. Pas dans le bon sens du terme cette fois-ci, dommage !
Masseff Ex
La première question que le joueur se pose au regard de la jouabilité du soft est : Pourquoi ?
Pourquoi un gameplay que l'on pourrait assimiler à un croisement entre un
Deus Ex et un
Mass Effect, sur le papier extrêmement prometteur, - ces deux titres étant des exemples de gameplay réussi, le premier pour sa grande richesse, l'autre pour son agréable simplicité - ne passe pas du tout bien en jeu ?
Car en effet, on retrouve une grosse influence
Bioware, à travers le système de combat : durant les phases d'action,
Alpha Protocol devient un TPS (Third Person Shooter) dans lequel les armes font apparaitre, à la visée, un gros réticule à l'écran, la précision du tir dépendant des compétences que le personnage a développé.
Et le plus étonnant reste que le système de customisation et d'évolution du personnage - l'aspect "Jeu-de-rôlesque" du soft - est véritablement convaincant et fourmille de bonnes idées. A la manière d'un
Deus Ex, il n'existe pas véritablement de classes de personnage, toutes les lignes de compétences (formées d'un grand nombre de petites cases très similaires à celles de
Mass Effect) pouvant être développées par tout joueur. En fait, le jeu ne propose au départ que des archétypes de jouabilité disposant d'un total de 31 points de compétence répartis par défaut dans les différentes filières, mais que l'on peut, à sa guise, re-répartir. Le soft se permet une petite "originalité" qui est de proposer l'archétype nommé "recrue" qui envoie le joueur dans l'aventure totalement à poil, sans aucun PC de base. Choisir cette option accentuera bien évidemment le challenge (pas très important en mode normal) mais donnera également accès à de nouvelles options de dialogue et aussi à l'archétype vétéran, pourvu de plus de PC de départ et ayant, lui aussi, de nouveaux choix de dialogue, une fois le jeu fini en mode recrue. Un new game plus, en quelque sorte.
Une fois la création de Mike Thorton (dont l'apparence est personnalisable en jeu avec un éditeur très sommaire) effectuée, il gagnera de l'expérience lors de l'accomplissement d'objectifs principaux mais aussi lors d'objectifs annexes à la manière de
Deus Ex. Il gagnera alors les précieux PC à dépenser pour personnaliser son style de combat : plutôt furtif, plutôt bourrin, plutôt inspecteur gadget (utilisation de grenades de tous types, mines téléguidées, et autres joyeusetés), plutôt maître de kung-fu, à vous de choisir... Bien entendu, il est hors de question de maximiser toutes les compétences, cela évitant un aspect grosbill trop prononcé.
Côté pétoires, Mike ne disposera que de deux armes par mission au choix parmi quatre : le pistolet (arme de furtivité par excellence, précis et mortel à courte portée), le fusil d'assaut (pour les affrontements à plus longue portée, également assez précis), les deux mitraillettes délivrant un véritable déluge de balles mais très peu précises, et enfin le fusil à pompe très efficace au corps à corps. L'efficacité de chacune étant, comme dit précédemment, régulée par les compétences, mais également par la customisation de ces armes via des accessoires achetés à la boutique en ligne. Il s'équipera également d'une armure, plutôt furtive ou plutôt guerrière personnalisable également avec quelques accessoires, ainsi que d'une panoplie de gadgets. La customisation de l'équipement reste très classique mais résolument efficace.
Toutes ces actions de customisation s'effectuent dans les planques de Michael : il en disposera d'une dans chaque pays qu'il visitera, à savoir : l'Arabie Saoudite, Taiwan, l'Italie et la Russie. D'ici, tout lui sera disponible, notamment les déplacements vers les lieux de ses missions, en lesquelles le jeu est divisé.
Une fois bien préparé, Mr. Thorton va enfin pouvoir se lancer dans l'action et c'est là que les choses se gâtent...
Deus Effect - Masseff Ex²
Encore une fois, on ressentira les deux grosses influences d'Obsidian dans les phases d'action. Le joueur évoluera, comme dans un jeu de tir à la troisième personne avec un système de couverture - présentant, comme déjà précisé, de grosses similitudes avec Mass Effect - dans des niveaux linéaires aux approches diverses mais pas nécessairement nombreuses, comme dans un Deus Ex des mauvais jours.
En effet, il s'y retrouve les classiques caméras de surveillance dont la zone de détection est indiquée par un faisceau lumineux (comme dans l'ancien temps), ou des alarmes et autres armes automatiques anti-personnel. Il s'y retrouve également des gardes, avec des chemins de ronde définis, que l'on peut prendre par surprise pour les neutraliser en un coup au corps à corps ou en un tir à la tête au pistolet silencieux, évitant ainsi toute détection. Il est possible de pirater les armes d'auto-défense pour qu'elles se retournent contre l'ennemi, il est possible de foncer tête baissée en tirant sur tout ce qui bouge, ou de mixer les diverses tactiques d'approche (exemple : évoluer furtivement vers une plate-forme élevée où se trouve un garde se servant d'une mitrailleuse fixe, l'assassiner sans bruit, puis s'en donner à cœur joie d'en haut, en massacrant le reste de la troupe)
Bref jusque là, cela reste sur le papier, donc génial et alléchant. Cependant, ce gameplay très complet est plombé par deux points principaux. Premièrement, l'IA catastrophique et très instable du soft pourra empêcher les plus furtifs de se faufiler tranquillement ayant entendu un des pas de Mike à l'autre bout du niveau, mais oubliera parfois le personnage, qui, une seconde auparavant lui faisait face. De même pendant l'action pure, il n'est pas rare de voir un ennemi courir contre un mur, rester à découvert sans bouger et regardant dans une autre direction sous le feu de vos balles. On blâmera aussi la générosité de la barre de vie et de bouclier, cette dernière se rechargeant lorsque l'on est à l'abri, qui permettra facilement d'éliminer 4-5 gardes au corps à corps en encaissant les tirs. L'autre point noir est le système de couverture, assez buggé et mal réglé qui empêchera parfois de sortir du couvert alors qu'une grenade vient juste d'être lancée à vos côtés. Par moment, il sera également impossible de tirer depuis le couvert... Pratique.
En gros, les missions sur le terrain ne ressemblent pas à grand chose, mais ne sont pas imbuvables pour autant. En effet les niveaux regorgent de bonus planqués, et c'est là qu'interviendront les inévitables mini-jeux de piratage/décodage/crochetage assez réussis et parfois casse-tête. Leur difficulté dépendra des compétences du joueurs et ceux-ci peuvent devenir vraiment difficile à bas niveau. Malgré tout plein de surprises comme de l'argent, de l'expérience, des infos sur le background et les personnages à la clé, on regrettera tout de même qu'ils soient si fréquents et que leur maniabilité ne soit pas toujours adaptée au PC.
Quand Obsidian prend SES marques
Obsidian a choisi un cadre peu commun pour ce RPG puisqu'il s'agit du monde de l'espionnage, des organisations très secrètes et des plans aussi machiavéliques que complexes et confus. Aussitôt reviennent en mémoire les classiques du genre : on se rappelle de James Bond, de la trilogie Jason Bourne, ou même la BD XIII qui s'inscrivent parfaitement dans ce contexte.
Michael Thorton se réveille dans l'infirmerie d'un étrange complexe nommé Graybox et se rend compte qu'il a été drogué et retenu en otage. Il se met alors en tête de s'échapper, affrontant les gardes du complexe à main nue et au flingue tranquillisant et finit par tomber sur Westridge, aimable dirigeant d'Alpha Protocol, une organisation plus secrète que secrète qui lui a fait tout ce scénario en vue de le tester pour le recruter. Il doit très vite se rendre en Arabie Saoudite pour retrouver les traces d'une cargaison de missiles venant de l'entreprise Halbech, tombée entre les mains de l'organisation terroriste Al-Samad et de son porte-parole Shaheed. Cependant une fois retrouvé, celui-ci semble au courant de nombreuses informations que Mike ne possède pas. S'en suivra un des premiers choix important du jeu, l'exécuter sans l'écouter, le laisser en vie, obtenir rapidement quelques infos et l'assassiner directement après, ou bien l'écouter, le croire et le garder en tant que contact. Parce qu'évidemment, très vite, Thorton se retrouvera tel Jason Bourne : seul contre tous... ou du moins presque. Il pourra en effet compter sur un réseau de contact qui pourra lui fournir des infos qui complèteront son dossier (véritable source de background), ou bien de l'aide comme la disposition d'arme fixe dans les niveaux, la désaffectation des gardes les plus expérimentés, ou l'accès à des boutiques d'armement en ligne "privilégiées" auxquelles il pourra accéder via l'ordinateur de sa planque.
Pour ce faire, Alpha Protocol marche selon un système de réputation avec les différents personnages du jeu. Cette réputation évolue dans les dialogues qui constituent un véritable aboutissement du système de blabla d'un Mass Effect. J'entends déjà crier que c'est exactement la même chose que dans le space-opera de Bioware ; "qu'on choisit simplement le ton/l'orientation de la réponse" ce qui n'est pas faux mais totalement incomplet. Car ici, les dialogues sont chronométrés, il faudra choisir l'intonation de sa réponse, allant du ton dragueur au sérieux, du dédain au professionnalisme, d'une attitude suave à l'agressivité (etc...) selon les situations et parfois choisir entre différents actes... le tout pendant que l'interlocuteur parle car il reste généralement moins d'une seconde après la fin des répliques pour choisir. Si la réponse plait ou non au personnage, un message nous informe de l'augmentation de notre réputation avec celui-ci. Ce chronométrage a plusieurs effets, le premier étant un stress permanent lors des dialogues vraiment stimulant et très immersif. Le second effet renforce également l'immersion, puisqu'il rend le système dynamique et l'enchainement des répliques très naturel, en se débarrassant des blancs qui se glissaient dans les dialogues d'un Mass Effect. Vos contacts vous enverront régulièrement des mails contenant des infos, auxquels vous pourrez parfois répondre, cette fois ci en affichant clairement la réponse à l'écran et sans chronomètre, qui auront également pour effet d'augmenter ou réduire votre réputation avec le contact. Je ferai également l'éloge de l'écriture des dialogues et des mails, recelant de véritables perles d'humour et de délires, de sérieux ou de grivois, qui ne peut que contenter - voir extasier - le joueur.
Le système de sauvegarde d'Alpha Protocol repose sur des checkpoints et non des sauvegardes classiques ce qui lèsera forcément les amateurs de "quicksave" avant chaque dialogue. En effet, le crédo du jeu est qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais choix, juste tout un éventail de conséquences : quand on fait un choix, il faut donc l'assumer. Le nombre de ces dilemmes importants est d'ailleurs proprement hallucinant, et les dérives du scénario extrêmement nombreuses : d'une partie à l'autre, des pans entiers du gameplay peuvent être changés, des personnages qui vous soutenaient avec la plus grande ferveur peuvent devenir de véritables plaies, des informations inédites peuvent vous être dévoilées sur certaines organisations ou figurants, bref c'est un vrai scénario évolutif, fournissant une grande rejouabilité (une partie dure une vingtaine d'heures), comme on aimerait en voir plus souvent. L'histoire est en elle même excellente, fouillée et très complexe (parfois trop ?), et tire ses influences des grands films d'espionnage, les personnages succulents et hauts en couleurs subliment les stéréotypes, et la trame se pose dès lors comme le gros point fort du jeu.
(Petit défaut : ne disposant que de doublages anglais, le système ne pourra être exploité au maximum que par les joueurs comprenant l'anglais oral et ses intonations, car les sous-titres défilent parfois trop lentement par rapport au chrono de dialogue.)
Alpha Protocol n'est pas beau, parfois buggé et se dote d'un gameplay excellent sur le papier qui n'arrive pas à passer l'épreuve du feu à cause, principalement, d'une IA déplorable. Malgré tout, une fois une partie terminée, on n'est pas soulagé d'en avoir fini, on n'envoie pas valdinguer la boîte du jeu en signe de victoire définitive, car la première chose que l'on pense à faire... c'est relancer une partie. Car derrière cette barrière de défauts se cache un vrai scenario évolutif, doublé d'un système de dialogue excellent, permettant d'être maître de son destin en permanence. Ajoutez à cela des personnages véritablement attachants, un humour souvent décapant et une diversité de tons et de thèmes abordés toujours bien rendue. Vous découvrirez alors une partie du grand jeu de rôle intelligent et stimulant que promettait Obsidian pour son premier projet véritablement couillu.
13/06/2010
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- Scénario évolutif très fouillé aux embranchements réellement nombreux influant sur les phases de gameplay
- Le système de dialogue, un aboutissement
- La customisation en général
- Une ambiance espionnage bien retranscrite et prenante
- Grosse replay value
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- Réalisation datée
- Action plombée par l'IA et le système de couverture
- Le mini-jeu de piratage pas du tout adapté au PC ! (portage console oblige)
- Doublage VO uniquement qui peut gêner
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GRAPHICS 2.5/5
SOUND/MUSIC 4/5
STORY 4.5/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 3/5
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