Ubu - Palindrome bienvenu-clé-air pour parler de
Baroque, l'œuvre de Sting qui s'enivre totalement de la philosophie de la pièce de théâtre d'Alfred Jarry pour chercher à libérer le genre RPG de toute forme préétablie. Sting a longtemps tâté l'amateur en annonçant un hypothétique Baroque Online que l'on attend toujours, puis en laissant de côté sa carte maîtresse afin de développer la saga des Dept. Heaven, dont font partie Riviera, Yggdra Union et Knights in the Nightmare. Sorti pour la première fois en 1998 sur Saturn, revoilà Baroque en 2008 qui, grâce à Atlus USA, se voit enfin doté d'une version US sur PS2 et Wii. Pourtant, à l'instar de plusieurs Final Fantasy, les versions américaines et européennes de Baroque se sont dotées de nouveautés exemptes de la version japonaise. Afin de réparer cette injustice, Sting sort fin 2008 une version International contenant tous ces ajouts sur le sol nippon. Et comme tout le monde s'en fout (
si tu savais), voici le test !
L'illusion Baroque
Le monde de Baroque est la suite d'un armageddon. Une grande vague de chaleur cataclysmique a dévasté le monde qui commence alors à muter (les lois de la nature étant désormais déstructurées), et les habitants restant sont tentés de vivre comme des êtres primitifs et déformés, se rattachant à leurs illusions perdues. Certains commettent même des crimes baroques, des actes désabusés dont on ne connait ni la motivation ni la méthode, et ces crises de folies deviennent populaires parmi les habitants de ce désordre qui attendent en vain un héros pour nettoyer l'eau croupie qui salit les profondeurs de la Nerve Tower (la tour de la frustration). Cette tour qui s'étend à perte de vue et qui semble dominer le monde, est-ce la tour qui causa le jugement dernier ou la tour qui sauvera et réparera le monde endommagé ?
Il paraît qu'un corps étrangement religieux qui s'appellerait lui même un Ange et qui dit avoir trouvé la technologie des Dieux est apparu dans la ville, il utiliserait de fausses ailes de dieux pour se camoufler. Ces ailes le rendraient aussi supérieur aux autres habitants, et son affiliation factice avec Dieu fait peur. Cet Archange enverra alors un héros amnésique a priori inutile pour explorer la Nerve Tower, et percer les secrets du désastre.
Les joueurs de Baroque ont de la chance, ils incarnent encore un personnage tourmenté. Un jeune homme amnésique avec un énorme chagrin et un gros esprit de culpabilité, de quoi faire le malinou devant monsieur Squall Leonheart. Arborant son plus grand sourire et suivant les instructions du troublant Archange, notre héros devra descendre au plus profond de la tour pour comprendre les mystères d'un péché dont il ne se rappelle rien.
RPG d'un nouveau genre
Le déroulement du jeu est atypique : on déambule alors dans la Nerve Tower avec notre « Purification Gun » sur le dos dans le but d'atteindre l'étage le plus profond pour purifier ou s'unifier à Dieu. Car Dieu est devenu fou et il désire être calmé ! Les donjons dans la tour sont constamment générés aléatoirement pour plus de liberté et les nombreux items, pièges et items piégés disposés ça et là sont une constante surprise pour le joueur. D'ailleurs, grâce à la vue de type Action RPG on voit désormais notre héros, et chaque item équipé est changé en temps réel sur le costume du personnage, ce qui donne au héros profondément enfoncé dans la tour un look souvent impressionnant. Sting ne s'est pas moqué de nous et nous propose, une fois n'est pas coutume, plus qu'un simple RPG. La liberté d'action y est presque totale, car la tour de la Nerve peut être explorée autant de fois qu'on le souhaite et la mort n'est pas une mauvaise chose ! Puisque le nombre d'étages, d'ennemis, d'items, et les personnages changent à chaque nouvelle partie, c'est impossible de refaire la même chose et le joueur profite d'une nouvelle aventure à chaque partie. La Nerve Tower qui est devenu le stage du jeu est une tour qui est distordue et qui change. L'intérieur change à chaque visite, tout comme la carte.
Tout est fait dans Baroque pour que la liberté soit totale ! Il n'y a pas d'évènement forcé et le joueur peut agir librement. Il peut avancer à son goût dans ses rencontres. Il peut accéder à un évènement dans la Nerve Tower et mourir, l'histoire aura quand même avancé car la mort n'est pas une fatalité. Le temps de jeu change aussi radicalement suivant la manière de jouer. Jouer en perdant beaucoup de temps en combattant chaque ennemi ou jouer en allant directement à la dernière scène en fuyant tous les combats est possible. A chaque fois que vous recommencez à jouer, l'histoire propose une nouvelle couche, de nouveaux liens et de nouvelles découvertes. Le héros se réveille même s'il est attaqué et qu'il meurt. Par contre, il ne possèdera pas à chaque fois les souvenirs de sa vie précédente, et tout reste fragile. Mourir ne veut pas dire recommencer exactement la même partie, les circonstances auront fait avancer le développement. L'influence que le joueur aura donné à l'univers dans les parties précédentes reste. Pendant que le jeu continu à se développer le mystère qui entoure le fait de revivre la même situation plusieurs fois s'éclaircit.
Survival Horror RPG ?!
Baroque mélange habilement les genres, il traine ses guêtres entre Dungeon RPG et Survival Horror. En sus de son déroulement de Dungeon RPG, Baroque dispose d'une atmosphère résolument horrifique, conçue pour rendre le joueur paranoïaque. Plus que jamais inspiré par l'art primitif, les Meta-beings (comme sont appelés les monstres dans le jeu) sont nombreux, variés et très agressifs. Le jeu ne proposant qu'un seul donjon de plusieurs étages, il fallait que le bestiaire ne soit pas redondant. le pari est réussi car les différents ennemis rencontrés sont régulièrement marquant, tant dans leur design que dans leur attitude. Ils s'entraident souvent pour entasser le joueur dans un cul de sac afin de lui régler son compte. Ainsi le joueur se retrouvera souvent obligé de fuir les nombreuses immondices pour ne pas périr lamentablement. Sur ce point, Baroque est similaire à un bon Clock Tower ou à Hellnight, car ce n'est pas vos 3 attaques différentes qui permettront de vous sortir de là, il faudra plutôt compter sur les nombreux objets récoltés, dont les effets secondaires nombreux rendront l'utilisation risquée. De plus, le joueur devra gérer sa jauge de Vitalité qui descend continuellement, et qui une fois vide entamera votre jauge de HP.
En somme, une chose est sûre. Avant de vous lancer dans Baroque, soyez prêt à débuter un jeu ardu, régulièrement frustrant et où la mort (mais pas le game over, la nuance est importante) viendra régulièrement frapper à votre porte. On peut cependant relativiser cet impitoyable constat, puisqu'il est désormais possible de sauvegarder sa partie entre chaque étage (le système de sauvegarde de la version Saturn était bien plus particulier et perturbant, les sauvegardes étant aléatoires.)
Une remise à niveau technique digne de ce nom
En vérité, à sa sortie en 1998 Baroque était déjà dépassé, car même s'il arborait un espace entièrement en 3D, l'affichage était douteux, pixelisé, et marqué par de cruelles carences techniques. Bien que cela pouvait contribuer au mythe du jeu inaccessible, il serait irréaliste de dire qu'une refonte graphique n'était pas la bienvenue. Le soft jouit désormais d'une qualité graphique fort honorable. Moins sale et souillé de pixels que la version 32 bits, ce remake offre quand même une vision du monde de Baroque très réussie. L'extérieur dans la ville est fascinant, le ciel rouge résonne comme un cri d'aveugle et la haute tour de la frustration qui s'étend à perte de vue est un panorama désobligeant. A l'intérieur de cette tour, l'architecture a gagné en grandeur et en décadence, l'espace 3D devient moins bidimensionnel et gagne en consistance en faisant intervenir des ponts, des côtes, des escaliers, et même si les environnements ne sont pas toujours variés, le tout est régulièrement d'une belle qualité. Baroque PS2 n'a pas à rougir face à la concurrence, car même s'il est moins fin que les blockbusters du moment, l'ambiance unique est là et bien là ! Et le léger grain graphique typique des Survival Horror (comme dans Silent Hill ou Rule of Rose) qui ajoute une sombre touche pointilliste à l'affichage est suffisamment délicat pour ne pas envahir la vue tout en retransmettant cette atmosphère pesante.
Passer après Masaharu Iwata à la bande-son était un challenge de furieux. Iwata avait réalisé sur Saturn et PS1 une bande-son très éprouvante qui collait à l'ambiance du jeu plus que parfaitement. Shigeki Hayashi (qui a aussi signé pour Sting les bandes-son de Riviera et Yggdra Union) s'est donné du mal pour coller à la nouvelle facette plus action du soft 128 bits. Les thèmes sont moins timides, plus accrocheurs, plus intenses aussi. La musique soutient donc le soft d'une belle manière même si elle reste assez générique par moment.
Le retour de la vue subjective
Cette version PS2 US (ainsi que toutes les versions Wii) apporte avec elle le choix entre la vue classique typée Action RPG et l'archaïque vue subjective qui est donc de retour.
Si la vue typée A-RPG permet au joueur de bouger plus convenablement, en ayant une meilleure appréhension de l'espace, fatalement le jeu perd en immersion ce qu'il gagne en liberté. Car la vue subjective promet une sacrée mise en contact avec les murs usés, les illusions abusées, et les ennemis amusés semblent nettement plus dangereux. A vous donc de choisir : soit vous faites le choix de l'authenticité de la vue subjective démodée au risque d'être dégouté par sa rigidité, ou bien vous optez pour la vue de dos, énergique et bien pratique malgré quelques problèmes de caméra.
La liberté faisant, Baroque peut très bien se finir à la va vite en fuyant les combats, ou inversement en prenant le temps de bien booster son héros avant d'atteindre les derniers sous-sols. Dans les 2 cas, on reviendra facilement au jeu pour de nouvelles parties puisqu'on sait qu'on pourra jouer d'une toute autre façon. De plus on trouve un système de « ranking » qui permettra de voir l'évolution entre nos multiples parties.
Baroque est au final un RPG atypique, à la croisée des genres. Il possède ce petit côté fragile qui transpire la sincérité, tel un Persona 3 à fond dans son concept. Mais aussi touchant soit-il, Baroque est répétitif, frustrant et excessif à souhait. Il pourra donc autant plaire que déplaire, mais l'expérience de jeu en vaut la peine.
Et pour le coup, cette version International est mitigée, car si l'arrivée de la vue subjective est un plus indéniable, le nouveau système de sauvegarde gâche vraiment le côté survival du soft, la difficulté étant désormais facilement contournable.
15/02/2009
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- L'authenticité est conservée
- Le mélange Survival Horror et RPG fait mouche
- Ce remake apporte une nouvelle dimension
- L'ambiance et le bestiaire sont toujours aussi réussis
- Une expérience de jeu intense, renouvelée constamment et unique en soi !
- La vue subjective rapproche le héros des ennemis, pour plus d'immersion
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- Le déroulement du jeu est rebutant
- Le jeu est difficile et souvent frustrant
- Le nouveau système de sauvegarde qui simplifie la vie tue aussi le côté survival du soft
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 3.5/5
STORY 3.5/5
LENGTH 3.5/5
GAMEPLAY 3.5/5
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