Cela fait quelques mois que l'attente était insoutenable pour tous ceux qui scrutaient son arrivée, et voilà qu'il est sorti sans crier gare. Aussitôt, ce jeu indie créé par un studio français et basé sur le moteur Source devient numéro 1 des ventes sur Steam.
E.Y.E.: Divine Cybermancy qui s’annonçait comme l'héritier spirituel de
Deus Ex l'est-il vraiment ? Et est-il à la hauteur de l'engouement (relatif) qu'il a suscité ?
Un jeu à part
Le genre du FPS-RPG est plus ou moins apparu avec des titres comme
System Shock 2 et
Deus Ex. Ces titres utilisaient toutes les caractéristiques classiques du RPG mais offraient l'originalité de placer le joueur au cœur de l'action via une vue subjective et surtout des armes qui font pan pan dans les mains. Plus orientés action que la saga
Elder Scrolls, qui possède pourtant la même originalité visuelle, ces titres avaient pourtant un certain classicisme dans l'aspect RPG, particulièrement dans la manière de faire progresser l'histoire et de faire intervenir l'action.
E.Y.E.: Divine Cybermancy de son coté, prend la liberté d'éclater complètement le genre, de réinsérer l'action violente et rapide par wagons entiers, tout en gardant du RPG le principe de l'évolution du personnage et de ses capacités. Il s'inspire également du principe de Hub où l'on trouve les personnages donnant les différentes quêtes principales et secondaires ainsi que les marchands omniprésents dans certains niveaux.
Ces donjons sont l'occasion de progresser dans une histoire obscure au premier abord, mêlant complots, luttes pour le pouvoir et mysticité proche d'un
2001, l'Odyssée de l'Espace.
Dans un monde à part
Le jeu débute face à une porte dimensionnelle cyclopéenne, dans un espace hors de la raison où les murs sont des obélisques. Des rayons de lumière traversent la porte pour arriver jusqu'à nous, incitant à la pénétrer pour en découvrir l'autre côté. Le héros de cette histoire est amnésique, un artifice scénaristique utilisé dans beaucoup de jeux et permettant au joueur de découvrir le monde avec son personnage. Le procédé est particulièrement utile ici tellement le monde du jeu est différent de ce que l'on a pu rencontrer jusque là.
Guidé par son mentor, le personnage du joueur arrive, après un tutoriel dont la majorité plutôt indigeste se compose de vidéos d'explication répétitives, dans une cité cyclopéenne (encore, serions nous chez Lovecraft ?) faite de chemins de pierre semblant flotter, de portes électroniques, de bâtiments et de monuments d'où émanent une atmosphère mystique. Quelques personnages au look entre tradition et futurisme, faisant quelque peu penser aux samourais de l'épisode
Programme d'
Animatrix traversent les lieux comme des fantômes. On apprend via notre Mentor que des conflits entre différentes factions sont d'actualité, et que notre héros, un agent du E.Y.E., possesseur de pouvoirs psychiques et d'un corps modifié à la cybernétique, devra prendre position.
Cette histoire plutôt indigeste au premier abord et narrée à l'aide de dialogues semblant être écrits par des collégiens, est surtout un prétexte pour pousser le joueur dans un univers à l'ambiance léchée, que ce soit au niveau des musiques, très atmosphériques et éthérées à la manière d'un
Eve Online, que du visuel qui véhicule de nombreuses inspirations.
Le gameplay digère également un certain nombre d'inspirations, desquelles découlent une originalité et une fraîcheur qui font du bien, mais aussi une puissance et une certaine folie dans la manière où l'action vous est envoyée à la figure sans retenue, qui rappellera à certains les grandes heures du FPS.
Lorsque vous recevez une mission, vous êtes envoyé dans une zone indépendante du Hub où un certain nombre d'objectifs sont à remplir. Ces objectifs sont amenés à changer en cours de mission, et des choix doivent régulièrement être faits. Pour obtenir une information, il est par exemple possible de pirater un réseau de communication, d'aller se renseigner dans un bar en échange de quelques brouzoufs, de voler les documents sur un chef militaire... Chaque situation peut être réglée de manières différentes.
Retour vers le futur
La grande différence avec un
Deus Ex où chaque zone est calculée par les développeurs jusque dans l'emplacement des ennemis potentiels, ici l'action fonctionne plutôt à la manière d'un FPS coopératif de dernière génération, où des vagues d'ennemis vous arrivent dessus, perturbant votre marche vers la résolution des énigmes. Il est au premier abord difficile de se montrer furtif, de pirater ou d'user d'autres techniques de jeu originales. Il faut user de ses armes à feu ou de mêlée, de ses pouvoirs Psy et abattre les ennemis par dizaines. Mais il est possible d'obtenir l'aide d'alliés potentiels. Certains personnages ont des choses à vous dire, et la manière de les écouter et de leur répondre vous amènera à faire d'eux vos ennemis ou vos alliés.
Plus tard, quelques brouzoufs engendrés, il est possible au Q.G. du E.Y.E. de se procurer des augmentations cybernétiques, des pouvoirs Psy et des nouvelles armes, pour peu que les minima de caractéristiques requis soient satisfaits. Une fois débloquée, l'invisibilité ouvre de nouvelles possibilités de gameplay. On peut désormais traverser une zone sans être repéré. Une fois les compétences de piratage augmentées via les statistiques ou via les augmentations cybernétiques, il vous est possible de prendre le contrôle d'unités adverses, qu'elles soient humaines (soldats) ou mécaniques (tourelles). Cette fois, il est possible de faire s'entretuer les ennemis ou de retourner des systèmes de défense contre ceux qui les ont installé. Des pouvoirs psy débloqués, vous pourrez désormais vous téléporter au milieu des entrailles d'un adversaire et ainsi le tuer par la même occasion, faire apparaitre des doubles de vous-même tel un ninja de Konoha, et bien d'autres choses encore.
Parmi l'arsenal à disposition, des armes à feu variées (du revolver à la sulfateuse) mais aussi des armes blanches. Il est d'ailleurs tout à fait possible d'avoir un pistolet dans une main, et un katana dans l'autre. Plus qu'acheter des armes, vous les débloquez, vous permettant de changer à loisir l'équipement porté (il est limité via des espaces représentés sur le corps à la manière d'un
Diablo) sur des armureries placées stratégiquement sur les cartes.
L'action est tout à fait frénétique, et vous laisse souvent peu de répit. Le jeu intègre un système de resurectors. Lorsque vous êtes abattus par l'ennemi, vous revenez au bout de quelques instants dans le cœur de la bataille, pour prendre une revanche bien méritée ou vous refaire mettre en pièces aussitôt. Une fois vos resurectors épuisés, vous êtes renvoyés à la porte qui vous accueillait en tout début de partie... Mais pas de panique, la traverser vous renverra au dernier checkpoint, et votre progression de personnage sera préservée. La mort fait donc tout à fait partie du gameplay, et en résulte le fait qu'il n'y a aucun système de sauvegarde rapide. Dans cette optique, on est plus proche d'un
Diablo que d'un
Deus Ex. Si par malchance, vous subissez des dégâts critiques au moment de votre mort, attendez vous à quelques malus sur vos caractéristiques pour le reste de la partie.
Le jeu offre également la possibilité de financer de la recherche en matière de cybernétique, de médecine et d'armement, en lançant des équipes à l'étude des objets rares que vous dénichez sur les corps de vos ennemis. Ce système ajouté au principe général du jeu qui, sans trop en dévoiler, vous permettra d'user du New Game+ à la démesure, fait du titre un jeu à la replay value importante, et à la durée de vie honorable, surtout qu'il s'agit avant tout d'un FPS, agrémenté d'éléments RPG.
Beau comme un camion, un vieux camion
Techniquement, le jeu a un train de retard, utilisant un moteur Source toujours agréable mais largement obsolète au vu des déjà anciens exploits d'un Crysis, toujours benchmark en matière de FPS. Mais artistiquement, E.Y.E. en met plein les mirettes. Digérant avec une facilité étonnante un grand nombre d'influences affichées sans complexe, chaque niveau du jeu s'inspire d’œuvres du cinéma, de la littérature et du jeu vidéo. Electric Sheep s'inspire évidemment de Blade Runner, reprenant à l’œuvre littéraire comme à son adaptation cinéma les bâtiments immenses aux escaliers interminables, donnant lieu à des scènes d'action totalement jouissives qui semblent sortir d'un Matrix ou d'un Terminator survitaminé et ultra violent. Un autre niveau vole à Alien l'aspect intérieur du Nostromo extrêmement sombre où le peu de lumière s'échappe avec tout autant de vapeur de grilles d'aération aux ventilateurs géants. Nombre de dialogues, d'affiches, de créatures et d'engins mécaniques citent explicitement Akira, Ghost in the Shell et bien d'autres, donnant aux amateurs d'easter eggs de quoi s'occuper pour remplir des pages de Wiki à foison.
Divine Cybermancy propose également un mode de jeu coopératif, permettant à plusieurs joueurs de parcourir les niveaux du jeu ensemble et d'accumuler de l'expérience. L'expérience solo et multijoueur est compatible, les profils de personnages étant utilisables dans les deux modes. Une belle manière de pousser les joueurs à aller jusqu'au bout des possibilités du titre avec leurs personnages respectifs, et surtout de se spécialiser et de découvrir de nouvelles méthodes de combat à plusieurs. Un plus considérable quand on remarque qu'il est parfois difficile de pirater des machines et individus sans être couvert, ou de se battre uniquement avec un type d'arme ou de pouvoirs. Malheureusement, peu après la sortie du jeu, ce mode multijoueur s'avère difficile à utiliser, à cause de problèmes techniques cryptiques.
Très différent de Deus Ex avec lequel il ne partage que le goût pour la cybernétique, E.Y.E: Divine Cybermancy apporte un vent de fraîcheur dans le monde du RPG et dans celui du FPS en invoquant une ambiance à la fois mystique et cyberpunk, digérant 20 ans de culture littéraire et cinématographique de science-fiction, et offrant un gameplay nerveux et addictif qui en accrochera plus d'un, mais rebutera les allergiques aux débuts difficiles.
Bourré de petites imperfections, il cumule surtout les audaces bien heureuses, et promet à Streumon Studio un futur radieux. Il va sans dire que les appréciateurs d'EYE attendent déjà avec impatience de savoir ce que le studio leur réserve pour l'avenir, avec un budget et une expérience supérieurs. En attendant, il faudra déjà corriger les bugs, rendre le mode coopératif opérationnel, et profiter du jeu encore longtemps.
07/08/2011
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- La direction artistique
- L'ambiance cyberpunk mystique
- L'action old school
- L'originalité du concept
- L'OST somptueuse
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- Le manque de finition à la sortie
- La faible qualité d'écriture
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 5/5
STORY 2.5/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 4.5/5
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