Pour la Wii,
Zelda aura été synonyme de l’alpha et l’oméga, du début et de la fin de sa vie. Inaugurée en grandes pompes par
Twilight Princess, la console de
Nintendo arrive à son terme après une existence faite de hauts et de bas. La Wii U prendra le relais d’ici l’an prochain avec sans doute un nouvel épisode de la saga. Mais avant cela, Link rend un dernier hommage poignant à la dame blanche.
Farewell.
The origin
Au commencement furent trois dieux d'une puissance incommensurable, telle qu'ils purent créer un artefact de pouvoir pouvant exaucer n'importe quel vœu. La déesse Hylia, qui gouverne les hommes, hérita de cette Force. Vint un moment où les démons furent jaloux d'Hylia et de ses protégés, et cherchèrent alors à s'emparer du sésame qu'ils convoitaient en secret. Après une longue guerre qui décima la quasi-totalité de l'humanité, la déesse prit la décision d'envoyer dans les airs - hors de portée des engeances démoniaques - le reste des humains. Elle scella ensuite le mal et mourut.
Quelques millénaires plus tard, à des lieues dans le ciel, un héros se réveille, prêt à passer son concours de vol de "célestrier" pour devenir un chevalier. Son destin : sauver le monde de la renaissance du mal et protéger son amie.
Link n'aura pas cette fois pour tâche de tenter désespérément de sauver la princesse Zelda par simple éthique de bon samaritain. Le ton est donné dès le départ (comprenez avant que Zelda disparaisse), il s'agit d'instaurer réellement une complicité entre les deux compères. Ainsi pouvons-nous assister à toute une myriade de dialogues et de cut-scenes au début de l'aventure qui visent à crédibiliser cette relation. Nintendo veut que l'on s'attache au couple de héros. Et la prouesse est majestueusement réalisée. En quelques heures à peine, on s'éprend de la timidité de Zelda, de ses atours, de la nonchalance de Link, de leurs regards discrets mais complices. En somme, tout ce que l'on n'attendait pas d'un Zelda en termes de relation est pourtant synthétisé dans cet acoquinement, presque incestueux tant on s'était habitué à une distance franche entre ces personnages. Mais trêve de futilités, si cette relation est a priori au cœur du scénario, Skyward Sword raconte surtout les origines de la saga. Et en fidèle représentant de cette dernière, il arbore une histoire lacunaire, relativement sommaire malgré un début et une fin réussis. Du jour au lendemain, les héros se trouvent investis d'une tâche divine qu'ils devront accomplir pour empêcher les démons de renaître, et il n'en sera pas autrement. Les rares légers rebondissements sont très prévisibles, le vilain de l'histoire possède un charisme d'huître, les dialogues sans être mauvais sont assez moyens, et finalement le rythme est assez fluctuant. Pourtant, les phases de scénario passent comme une lettre à la poste. La mise en scène a fait un bond en avant énorme dans la série avec cet épisode. Les plans sont plus travaillés, les effets plus spectaculaires et surtout, Link possède un panel d'émotions impressionnant pour un héros muet, habituellement discret. Grâce à pléthore d'expressions faciales, de poses et de mimiques, on comprend aisément les états d'esprit du héros, voire des paroles qu'il pourrait prononcer. Il va donc sans dire que le travail sur l'animation des personnages fut consciencieusement réalisé, et cela se ressent nettement.
Ou comment faire du neuf avec du vieux
Skyward Sword était plus ou moins annoncé comme l'épisode de l'émancipation. En affichant un parti pris artistique assez singulier et un système de mappemonde aérienne, les craintes ont enflé quant au fait que le soft puisse parvenir à conserver la « magie » de la saga, cet arôme épique qui donne toute sa saveur à l'expérience. Mais les faits sont là, comme
Wind Waker avait su brillamment le faire,
Skyward Sword parvient à apporter un vent de fraicheur sur la licence tout en préservant certains codes qui en font un authentique
Legend of Zelda. Le ton pastel aux inspirations impressionnistes caresse l'œil suavement et permet de donner aux décors un aspect très authentique et apaisant, mais rend difficile par ailleurs des designs plus carrés oppressants. D'où le fait que l'univers de
Skyward Sword ait été pensé très différemment de celui de
Twilight Princess, moins sombre et plus coloré, plein de nuances chaleureuses et attrayantes - mais tout aussi, si ce n'est plus, vivant et détaillé. Ce pseudomélange entre le cel-shading de
Wind Waker et l'aspect plus mature de
Twilight Princess réussit donc assez bien à
Skyward Sword, qui parvient à trouver son style, qui plait ou non, malgré les railleries. Un style mais également une ambiance, à n'en pas douter moins absorbante et prenante que celle de son prédécesseur, mais néanmoins très agréable, douce et incommensurablement moins pesante.
Cet opus ne fait pas que revoir ses attraits graphiques, il modifie un petit peu les schémas en vigueur en ce qui concerne l'exploration et les donjons.
Skyward Sword a une architecture assez différente de
Ocarina of Time et
Twilight Princess, mais peut-être un peu plus proche de celle de
Wind Waker. Finie donc la plaine d'Hyrule, le ciel en sera le substitut ici. Malheureusement c'est là que le bât blesse légèrement. Le ciel n'a rien de comparable en terme de potentiel épique et d'exploration avec la plaine d'Hyrule, on s'y ennuie d'ailleurs beaucoup passé la découverte du vol. Seules quatre ou cinq iles principales constituent votre terrain de jeu aérien, le reste est fait de cailloux où sont disséminés quelques coffres. Incroyablement minimaliste n'est-ce pas ? Vous aurez donc tôt fait le tour du ciel (qui l'eut crût !) qui recèle la seule ville du jeu, votre ville natale. Mais c'est sans compter sur l'exploration offerte en bas, sur terre. Visiblement, afin de compenser la lacune suscitée, les développeurs ont décidé d'achalander des zones préliminaires aux donjons assez conséquentes. On passera volontiers du temps à en explorer tous les recoins, et c'est bien normal, car elles sont des plus réussies. Néanmoins, ce choix de game-design est à la source d'un petit effet pervers. Le donjon et le secteur qui le précède sont fortement liés, notamment par le décor, les mécanismes ou encore le bestiaire. Une fois donc avoir traversé la zone et s'être rendu dans le donjon, il n'y a plus énormément de découvertes, si ce n'est celles liées à l'arme ou au boss inhérents au donjon ; boss toujours aussi épiques qu'à l'accoutumée, faut-il le préciser. En ce sens, et parce qu'ils sont relativement courts, les donjons de
Skyward Sword s'apparentent plus, en général, à un prolongement de la zone d'exploration plutôt qu'à une expérience singulière. En somme,
Skyward Sword innove quelque peu dans ses choix graphiques et de construction globale, avec plus ou moins de réussite, mais parvient à conserver tant bien que mal l'essence de la saga. Et ce, grâce à un level-design orchestré de main de maître.
Perfection you say?
Parce que finalement, Zelda, cela reste beaucoup de donjons et peu de scénario, on ne peut se soustraire à une analyse de leur level-design. Et celui de Skyward Sword est exemplaire en bien des points. Alors que Twilight Princess était initialement prévu sur GameCube puis porté sur Wii, Skyward Sword est le seul Zelda à avoir été pensé spécifiquement pour cette console, avec en prime le motion plus, véritable boost à la reconnaissance de mouvement. Le résultat est détonnant d'inventivité. Partout les fonctionnalités propres à la Wii s'immiscent, et particulièrement dans le level-design, intimement lié au maniement des armes et gadgets de notre Link national. Rarement on avait vu un jeu rendre la Wiimote aussi indispensable, sans que cela soit agaçant ou épuisant. Nous y reviendrons plus en détail.
En tout cas, usage de la Wiimote ou non, les idées de level-design foisonnent au fur et à mesure que l'on parcourt les donjons, conférant au soft une certaine richesse intellectuelle, fruit d'un indéniable travail d'orfèvre. Les énigmes, résultats de mécanismes, cœur du gameplay, sont d'une fluidité sans pareil et dosées avec précaution. Si elles peuvent s'avérer simples parfois, ce n'est que parce qu'elles relèvent d'une logique déconcertante. Il sera de ce fait rare de bloquer sur une pièce ou un élément particulier, ce qui pourra éventuellement froisser les adeptes de casse-têtes impossibles. Aucun aller-retour inutile n'est à dénombrer, le soft fait tout pour ne pas se révéler frustrant et préfère privilégier le confort de jeu et la satisfaction continue de résoudre des énigmes à tour de bras. À tel point que cela en devient hypnotique. Il s'agit en effet de ce type de jeu qui pourrait accidentellement faire passer des nuits blanches en enchainant simplement des donjons, encore et encore.
À noter quant au level-design que le soft connait une montée en puissance perpétuelle, au fur et à mesure que l'on obtient de nouveaux objets. Le dernier tiers du jeu représente à ce titre le paroxysme de l'agencement des niveaux dans le titre, car l'on acquiert l'arsenal de Link au complet assez tôt (bombes, arc, grappin, etc), ce qui permet l'apparition d'énigmes plus complexes et polyvalentes, et par conséquent plus jouissives. Dernier tiers qui sera également l'occasion de découvrir le craft. Car, oui, Skyward Sword possède un système d'amélioration de l'équipement. Qu'il s'agisse d'augmenter la capacité de son carquois ou d'améliorer son bouclier pour le rendre plus résistant aux dégâts, tout passe par la récolte de matériaux, comme dans tout bon RPG qui se respecte.
En revanche, comme tout ce qui brille n'est pas or, The Legend of Zelda: Skyward Sword possède ses démons également. Le principal étant malheureusement la redondance. Trop de fois on nous demande d'explorer à nouveau les mêmes zones, de revoir les mêmes décors, les mêmes mécanismes. Alors certes, on lui accordera le fait que, la plupart du temps, lorsqu'il s'agit de revisiter des zones, celles-ci ont connu quelques légers changements en surface. Mais jamais rien d'assez profond pour faire croire au joueur qu'il ne visite pas le même donjon ou la même zone d'exploration. Ocarina of Time avait réussi cela en son temps avec le changement d'époque, Skyward Sword tente de l'imiter, sans convaincre. Le seul point d'ailleurs où il peut prétendre égaler Ocarina of Time, c'est dans l'élaboration de tous ces petits à-côtés, ces quêtes de madame X qui désire que l'on retrouve sa fille qui s'est perdue, que vous retrouvez dans un endroit totalement incongru, puis qui vous donne, à la hauteur de votre prestation, un quart de cœur pour vous remercier ; ou encore ces mini-jeux un peu déjantés qui vous font gagner une fortune en rubis. Si vous décidez de tout dénicher, comptez environ 50 heures de jeu, entre 30 et 40 pour une partie normale.
Motion fight
On l'évoquait plus haut, Skyward Sword profite allégrement de ce petit bijou qu'est le motion plus et exploite pour la première fois le potentiel de la Wii dans la saga Zelda. Vous avez toujours rêvé de retirer Excalibur de son piédestal en prenant une pose héroïque ? De brandir votre épée vers le ciel en plein combat pour charger sa lame de la volonté divine puis d'asséner un coup fatal à vos adversaires ? De faire des duels avec plus de possibilités d'attaque que haut, bas, gauche et droite ? Tout cela Skyward Sword le fait pour vous, presque plus fidèlement qu'en vrai. À tel point que le titre perçoit vos moindres tremblements lorsque vous tirez à l'arc. De toute évidence l'immersion s'en trouve favorisée, mais il faut surtout s'arrêter sur la façon qu'ont eu les développeurs de réellement penser et faire le jeu pour la Wii, de telle sorte qu'il ne pourrait tourner sur aucune autre console. L'utilisation des contrôles dans l'espace de la wiimote et du nunchuk est une constante sollicitée en permanence. Un combat contre un ennemi un peu coriace permet de s'en rendre vite compte : entre un coup de nunchuk pour armer son bouclier, un autre pour faire un contre, un coup de wiimote dans la direction où l'ennemi a une ouverture, une levée de l'épée vers le ciel pour la charger d'énergie, une attaque circulaire horizontale ou verticale, une estocade ou que sais-je encore, n'espérez pas vous en tirer sans un maniement adéquat de votre manette. Je n'ajoute bien évidemment pas à cette liste le maniement de tous les autres gadgets qui font appel pour la plupart au déplacement dans l'espace de la wiimote ou à sa visée, très précise soit dit en passant. Nul besoin de s'angoisser cela dit, ce maniement ne nécessite pas une extrême dextérité, il demeure plutôt souple et maniable. On s'en rend compte dès le début du jeu lors des phases de vol qui répondent très bien à l'inclinaison de la wiimote. On regrettera seulement le maniement de l'instrument du jeu, la lyre, totalement hasardeux et minimaliste.
L'occasion parfaite pour vous parler de la bande-son du titre composée par
Koji Kondo et
Hajime Wakai (l'équipe de
StarFox 64), pour la première fois orchestrée dans la saga ! Forcément on s'attendait à un changement significatif, ce qui s'est produit. L'OST s'avère percutante, le style orchestral confère un aspect épique aux pistes qui sied naturellement bien à l'aventure. Cependant une majorité des musiques servent l'ambiance, ce qui n'est pas un mal en soi du fait qu'elles sont réussies et en adéquation totale avec le visuel, mais cela réduit la probabilité de dénicher des pistes marquantes. Quelques-unes sortent toutefois du lot, notamment le main theme démentiel. Globalement, il se dégage quelque chose d'harmonieux, de mélodieux et d'extrêmement reposant de cette bande originale.
Zelda Wii est là, le vrai, celui qui tire profit des capacités de la console, qui en use tout le potentiel, technique comme interactif. À la fois authentique et intelligent, Skyward Sword a su faire preuve d'habileté pour réintégrer la touche Zelda à un cocktail très hétérogène d'idées. L'ambiance, le level-design, la bande-son, autant d'éléments qui ont manifestement bénéficié d'un soin et d'un peaufinage tout particulier. Même s'il pêche sur quelques aspects et fait quelques choix discutables, il ne fallait pas plus à ce Legend of Zelda pour contenter les joueurs en mal d'un opus sur console de salon. Fly, Link.
17/11/2011
|
- Link "vivant"
- La relation entre les héros
- Mise en scène améliorée
- L'inspiration graphique assumée et bien rendue
- Enigmes fluides, level-design en adéquation
- Parfaite exploitation des possibilités de la console
- Bande-son orchestrale mélodieuse
- Moult à-côtés
- La magie Zelda
|
- Des redondances agaçantes
- Un peu trop assisté par moments
- Scénario vite expédié
- Des choix de game-design pas toujours pertinents
- Vol anecdotique
|
GRAPHICS 4/5
SOUND/MUSIC 4/5
STORY 2.5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 4.5/5
|