Le court prologue du jeu introduit Drake, frêle homme tout habillé de cuir noir et pleurant dans son coin sur la cruauté du monde, un nuage pleuvant juste au dessus de la tête. Il n'est pas emo pour autant attention, il est juste dépité par son échec à l'examen de l'académie militaire du pays de Glory, et veut se suicider en se jetant dans la gueule d'un champignon géant. Hum. Fort heureusement le destin est bon prince, ne pas avoir été enrôlé lui a permis d'échapper à la mort, puisque 99.8 % des forces du royaume sont tombées face à la Dark Church, une organisation du maaaaaal qui veut faire euh, le mal. Encore mieux, Drake croise la route de Holy Avatar, héros semi-divin prétentieux et mégalo qui l'enrôle malgré lui dans sa quête pour sauver le royaume. Et pour ça, ils leur faut des compagnons. Malheureusement, tous les héros et hommes de valeurs sont déjà tombés, ne reste donc que des vierges écervelées, un gobelin cleptomane, une ange psychopathe, une vampire goth ou encore un guerrier black traumatisé par des évènements de '72.... Une belle bande de loosers qui va former la compagnie des Evil Heroes, dernière chance de Glory.

Comme beaucoup avant lui et sûrement beaucoup après, Grotesque Tactics n'est pas un jeu qui se démarquera via son scénario, fait de clichés et de vide, et préférera user de la carte de l'humour pour tenter de tirer son épingle du jeu et réussir à capter l'attention. Et il accomplit difficilement ce bien difficile exercice, en donnant l'impression de souvent en faire trop ; à part quelques moments bien loufoques et des références qui feront mouches dans l'esprit du joueur, le jeu sera surtout le débiteur d'une masse de tentatives qui tomberont le plus souvent à plat, et qui provoqueront le dédain le plus complet quand ça ne sera pas la consternation (la faute à une traduction allemand > anglais plutôt douteuse apparemment... et je parle pas de la présentation en français, sur Steam). Ainsi le duo formé par Drake, pragmatique négatif qui mettra toujours le doigt sur les aberrations et les illogismes de l'univers, et Holy Avatar, à l'épée aussi grosse que les chevilles et qui ne rate pas une occasion de narrer ses magnifiques exploits (il aurait vaincu Molyneux dans un concours de tirades, déjà sauvé Oblivion et sauvé plus de princesses qu'un certain elfe vert), reste le vrai -et seul- divertissement de l'aventure, le reste faisant juste une quasi-figuration quand il n'énerve pas. Une déception à ce niveau, et des déceptions, il y en a.

Grotesque Tactics est un tactical-RPG au tour par tour, on est d'ailleurs très vite plongé dans l'action les quelques secondes de l'intro passées. Un tactical-RPG oui, mais un tactical-RPG dynamique ! Comprenez qu'il n'y a pas de séparation entre exploration et combats, tout se passe sur le même terrain, l'action n'est jamais coupée, ce qui semble un vrai bon point. On se balade, on récupère quelques coffres et trésors dispersés ici et là, on passe en mode combat lors de la rencontre avec un ennemi - il est possible de déplacer librement la caméra pour savoir qui attend et où. On fait un combat, deux combats, trois combats, on s’aperçoit que les personnages n'ont que 2 skills chacun (un au niveau 3, l'autre au niveau 8), qu'il est possible d'utiliser le terrain à son avantage pour s'offrir un petit bonus de défense ou de furtivité, que l'IA est débile, qu'un personnage qui tape/tue gagne de l'XP Fire-Emblem Style (il faut donc bien répartir les bastonnades, d'autant plus que tous les personnages seront toujours sur le terrain), bref pas grand chose de révolutionnaire.

Et c'est là que le bas blesse, il n'y a rien de vraiment innovant c'est même l'inverse : le jeu ré-emploie des mécaniques vieilles comme le monde, les simplifie drastiquement ou les rend bancales. L'exploitation du terrain est accessoire, le placement également car attaquer de côté ou de derrière ne sert à rien vu que l'adversaire se retourne toujours vers son agresseur, les personnages ne disposent que de deux skills dont la distribution et l'efficacité sont très inégales ou mal pensées (un des pires doit être le charme de Solithaire, la vampire, qui fait passer un ennemi dans votre camp... ennemi qui garde ses priorités de jeu ! S'il doit atteindre un point X ou tuer le NPC que vous devez protéger il continuera son chemin). La gestion de l'inventaire est réduite à peau de zob et n'offre vraiment pas grand-chose hormis un changement d'apparence des personnages et un remplacement bête et méchant de l'équipement précédent. Le jeu se construit sous la forme de quêtes à accomplir, avec un seul village comme hub, qui contiendra le toutim habituel de marchands et de donneurs de missions, missions qui se limiteront à trouver X ou tuer Y sur les 5-6 mêmes cartes dont la zone de jeu sera délimitée par un gracieux mur invisible. Quant au bestiaire du jeu même combat, un manque certain de renouvellement qui enlève toute surprise passée un cap et qui installe une certaine lassitude. Bref, tout ça n'est pas bien engageant.

L'aspect négatif étant traité, passons maintenant à celui très négatif, puisque le jeu accuse un manque réel de finition dans ses mécaniques. En premier viendra la fameuse grille de déplacement propre à tout tactical, qui jouera souvent à cache cache dans le décor, et qui fera sans cesse plisser les yeux pour savoir ou vos petits protégés vont pouvoir se déplacer. Après viendra la lenteur de déplacement des alliés, couplée au pathfinding un peu miteux du jeu : faites 5 pas, vos alliés en feront 1. Et vu que c'est Drake qui mène la danse et déclenche les combats, se déplacer trop vite sur le terrain sera synonyme de compagnons qui débuteront leurs tours à des lieux du héros... s'ils ont un tour, une trop grande distance d'éloignement sera synonyme d'une absence pure et simple du personnage dans le déroulement du combat !

Le clou du spectacle reste l'Obsession, finalement seule mécanique originale du soft, sorte de barre de limite propre à chaque personnage ; celle de Holy se remplit lorsqu'il attaque, celles des trois vierges augmentent quand Holy, l'objet de leur obsession, se fait attaquer ou si quelqu'un est à côté de lui. Tout ça sonne vraiment cool lors de la première explication, jusqu'aux premières utilisations où l'horreur s'installe encore une fois. Car, très simplement, une Obsession ne fait pas de distinctif amis/ennemis, tout le monde trinque, et surtout le déclenchement est automatique. Voir ses propres troupes s'endormir, s'aveugler, s'aspirer la vie ou tout simplement s'attaquer mutuellement est vraiment déroutant, encore plus quand une Obsession sortie de nulle part est la cause de votre défaite. Le meilleur personnage restera sans doute West, barbare de son état, qui devient un berserk incontrôlable une fois sa limite activée. Sachant qu'il a la plus haute attaque du jeu, qu'il dispose de skills attaquant plusieurs cases et pouvant frapper plusieurs fois, et que les 2/3 de votre troupe sont des unités portant armures de tissus ou de cuir... je vous laisse deviner le résultat de l'équation.

En revanche, il faut bien avouer que Grotesque Tactics est assez joli pour un jeu indie, détaillé, distille des effets d'ombre et de lumière très convaincants, et dispose d'une esthétique cartoon un peu grotesque mais qui marche, quelque chose au final en accord avec le fond du jeu. Même constat pour le chara-design manga-esque du jeu qui renforce le côté un peu ridicule des personnages, mais qui, lui, pose quand même une question qui n'aura probablement jamais réponse : les portraits du jeu sont-ils volontairement moches ? A noter que le jeu propose un nombre confortable d'options d'optimisations, idéal pour celui qui voudra tirer meilleur parti graphique du jeu. Quand à l'OST, les pistes se comptent sur les doigts d'une main et sont d'une platitude sans nom.

On arrive au dernier point qui fâche, les bugs. Comme dit au tout début de la review, Grotesque est un jeu allemand, et un jeu allemand sans bugs n'est pas un vrai jeu allemand. Le soft ne possède pas de gros bugs à proprement parler, mais plus des glitchs disséminés un peu partout : NPC qui vous considère comme ennemis, écran de combat qui reste après la fin du combat ou qui à l'inverse ne se déclenche pas, des NPC silencieux, des ennemis qui n'attaquent pas et qui ne sont pas attaquables... tout ça n'est pas bien méchant et se résout dans 90 % des cas par un reload de la sauvegarde. Le souci étant plutôt que ces glitchs sont très nombreux et à force, vraiment agaçants. Et le jeu a déjà eu droit à de nombreuses mises à jour depuis sa diffusion en 2010. Techniquement le pire sera probablement l'optimisation à la truelle des performances, très variables d'un PC à un autre : là ou d'autres ne semblent avoir aucun soucis, j'ai pour ma part droit à des chutes drastiques de FPS et une monopolisation du CPU dès le moment où le jeu affiche un "peu trop d'animation" à l'écran (comme par exemple lorsque la troupe de Drake est en mouvement, autant dire souvent). Et pourtant c'est pas faute de faire tourner Crysis ou The Witcher 2.

Bao 17/02/2012

Un genre qu'on aimerait voir plus souvent sur PC L'humour, dans une certaine mesure Plutôt joli

Très léger et affreusement mal calibré, pour du tactical La traduction Des soucis techniques et des bugs à foison Cette foutue grille difficile à voir

TECHNIQUE 2/5 BANDE SON 2/5 SCENARIO 2.5/5 DUREE DE VIE 1.5/5 GAMEPLAY 1.5/5