Certains d'entre vous se souviennent de
Tears to Tiara, un tactical d'
Aquaplus issu du monde de l'eroge et qui fut repensé pour un plus large public en 2008 sur PS3. Le studio - plutôt habitué au visual novel - développait notamment
Tears to Tiara II dont les informations furent disséminées avec la plus grande rareté pendant des mois, au point que l'on pensait un temps le projet abandonné. Disponible au Japon depuis peu mais n'attirant pas les foules d'une presse locale intimidée, le jeu réalisé en collaboration avec
Sting possède peut-être quelques arguments à faire valoir. Regardons ça de plus près.
Le Conquérant
L'histoire conte la situation désespérée d'Hamilcar, l'héritier au trône d'Hispania. L'Empire vient de prendre son royaume et il ne peut que constater la réduction de son peuple en esclavage, torturé à la tâche. N'échappant pas au même destin, Hamil (son diminutif) tente de passer pour un attardé idéaliste dans l'optique d'éviter un massacre puisque ses sujets sont prêts pour la révolte, le couteau entre les dents. Les journées se suivent et se ressemblent pour notre jeune souverain jusqu'au jour où une étrange jeune fille fait irruption dans ce funeste destin. De nature insouciante et dynamique, elle se fait passer pour la déesse de la guerre Ashtart (diminutif Tart, prononcez Taruto pour éviter les jeux de mots). Hamil ne croit pas une seule seconde à ce que peut raconter Tart mais il profite néanmoins d'un moment de paix en sa compagnie. Malheureusement ce jour que notre héros voudrait éternel prend fin dès le lendemain avec un arrêté qui demande la mise en esclavage de tous les habitants d'Hispania ! Mais ce n'est pas tout, Tart est capturée et elle sera brûlée vive pour hérésie au nom du Dieu Watos.
C'est la goutte d'eau de trop et Hamil voit rouge en invoquant le Dieu des Conquérants Merkato grâce à une ancienne magie, la même qui devait permettre de sauver son peuple le moment venu. Le combat fait rage et Hamil, devenu incontrôlable, ne voit même pas les flammes qui embrasent le bûcher. Tart est en danger, et c'est dans un fragile élan de témérité qu'il tente de la sauver en se jetant à son tour dans le brasier. Désespérés, les gens présents sur place commencent une prière à la gloire de leur suzerain ainsi que la Déesse mère protectrice du royaume. Tel un miracle par delà les cieux, autant de foi revigore Tart - ce qui ne laisse plus de doute sur son statut - et cette dernière propose le rituel du mariage à Hamil, un pacte qui pourrait renverser la situation. C'est donc cette alliance improbable qui scellera l'avenir des gardes impériaux grâce à l'intervention divine d'une armée d'éléphants célestes et de golems.
Ainsi, Hamil accompagné de Tart et de cette nouvelle force de combat ordonne à toutes les unités en mesure de se battre de repousser l'Empire hors des frontières. Affublé du titre de Roi des Conquérants, Hamil parviendra à reprendre ses terres en une seule nuit. Mais quelque chose nous laisse penser que ce n'est que le début d'une incroyable épopée...
C'est après ce (très) long et intense prologue de plusieurs heures que l'histoire démarre enfin. Porté par son expérience de l'écriture, le studio propose à nouveau un concept qui marie à la fois le visual novel et le jeu de rôle tactique, mais ce coup ci avec un peu plus d'à-propos, notamment en détournant certains faits historiques de l’époque Romaine. Si ce choix divisera la communauté désirant avant tout jouer, il faut néanmoins reconnaître l'incroyable qualité d'écriture avec des personnages hauts en couleur, souvent torturés, et dans un récit faisant la part belle aux rebondissements sous couvert d'une histoire d'amour dans ce qu'elle a de plus noble. Car malgré tous les artifices dont les fans d'animation sont coutumiers, les scénaristes aiment à préparer le terrain en prenant leur temps pour mieux atteindre l’apogée le moment opportun.
La recette fonctionne à merveille avec un rythme qui monte crescendo pour ne plus laisser place qu'à des moments intenses où l'avenir de nos héros ne tient qu'à un fil. Les personnages secondaires (alliés ou ennemis) sont relativement convaincants dans leur attitude et l'absence de thématiques à caractère "sexuel" évite les aléas de sessions trop édulcorées dans la lecture. Ce sera donc avec un peu de recul mais aussi avec de la patience que vous parviendrez à saisir la substantifique saveur d'une jolie histoire bien racontée.
A l'assaut des graphismes
Quoi de mieux pour illustrer ce récit que de faire appel à Tatami Honjō, réputé pour son travail en tant que dōjinshi. De nombreuses CG (artworks originaux en plein écran) émaillent le jeu d'une qualité certaine et elles ponctuent avec délicatesse les moments les plus forts du jeu. A ce titre le dessinateur n'est pas en reste pour les portraits avec un gros travail sur les expressions et on apprécie d'avoir un peu de mouvement grâce à une introduction en dessin animé. Mais l'élément le plus notable sur lequel on attendait une progression était la réalisation graphique, tout en insistant sur le fait que nous avons à faire à un tactical à damier. Ce sera donc le choix de la 3D intégrale de nouveau.
Le premier point qui interpelle vient de la décision de troquer les personnages à taille réelle de l'épisode précédent contre des modèles chibi. Ce genre d'initiative fait rarement l'unanimité mais pour le coup on demeure plutôt réceptif à ce changement inattendu. Sans atteindre des sommets de modélisation les protagonistes proposent un rendu assez détaillé et la palette d'animation réserve quelques bonnes surprises dont seuls quelques bugs et un peu d'aliasing viennent ternir l'impression globale. On regrette aussi que l'intégration dans les décors ne soit pas toujours heureuse en fonction de l'environnement, mais le tout s'estompe progressivement sous des paysages bénéficiant d'un soin évident en usant de petits artifices visuels (très bonne caméra modulable) et d'un level-design épatant faisant la part belle aux reliefs. A ce titre quelques maps nous prennent à revers avec une dimension du damier inattendu, multipliant la surface par deux ou trois en comparaison des habitudes, tout en proposant plusieurs approches stratégiques.
Honnête donc, surtout si on vient y greffer la très bonne bande-son. Plusieurs compositeurs officient sur les musiques avec tantôt un aspect épique et guerrier, tantôt un chavirement dramatique d'une infinie solitude. Les musiques portent à elles seules un nombre surprenant d'émotions et la plus value viendra d'une demi-douzaine de chansons en et hors combat (de la j-pop aux ballades) offrant une dimension fort appréciable à notre aventure. On chipotera un peu sur un manque de pistes au vu de la longueur du jeu, mais ce serait aussi oublier le travail remarquable dont bénéficient les doublages qui, vous vous en doutez, sont omniprésents du début à la fin.
Mais avec du sens tactique
Tears to Tiara II est un jeu de rôle tactique à damier mêlé à un jeu d'aventure textuel sous forme de visual novel. De ce mélange des genres viendra en grande partie votre intérêt au jeu, car s'il offre de bons moments de gameplay, il s'attèle aussi à devenir un véritable bouquin et il n'est pas rare d'avoir des dizaines de minutes de dialogues entre deux maps. Lorsque le jeu décolle vraiment la structure reprend une formule en chapitres assez classique avec une carte du monde en point'n'click, des évènements scénaristiques et des missions optionnelles ne servant qu'à glaner quelques objets ou de l'expérience.
Entre deux phases, puisque vous voyagez beaucoup dans le jeu, un peu de repos semble être une bonne solution auprès de votre chariot (poussé par un éléphant). A partir de cette interface, vous aurez accès à une boutique d'équipements et une autre pour les objets. Les équipements évoluent au fil du jeu (relativement complet) mais on retiendra surtout le système de craft. Grâce aux nombreux objets récupérés en mission, vous pourrez à terme faire beaucoup de matériaux qui eux-mêmes permettront d'obtenir des armes dévastatrices ou des accessoires uniques, à condition toutefois de passer du temps dans le paramétrage de vos unités. La boutique d'objets, elle, offre en plus des traditionnelles potions une option bestiaire ou le moyen d'avoir des monstres en combat (vous pourrez aussi en amadouer).
Combats :
Formule classique à damier, le système est sensiblement similaire au premier Tears to Tiara (version PS3) mais grâce aux interventions de Sting il délivre tout son potentiel. Il y a un facteur primordial à prendre en compte avant de disposer vos troupes (une dizaine parmi une quinzaine de héros, plus les monstres) : la géologie du terrain. Rares sont les tacticals à pousser les incidences du relief couplées aux surfaces sur lesquelles vous évoluez, surtout en sachant que vos personnages possèdent tous un élément dominant. D'ailleurs cela vaut aussi pour les êtres sombres ou de lumière comme Tart qui perd de ses pouvoirs (en fait toutes les statistiques baissent sérieusement) lorsqu'elle est sur une case ombragée du décor. Ça n'a l'air de rien dit de cette façon mais le découpage des zones est presque chirurgical et chaque case peut avoir un léger dénivelé qui altérera votre rapport de proportionnalité lors d’un assaut.
Ainsi, le terrain est à lui seul un véritable gage de stratégie. Mais il y a également les attaques (ou magies) qui varient en fonction de la classe. Tout comme le faisait le premier opus, un système de chain permettra à terme de faire des combos dont la dernière attaque générera une furie. Avec des unités particulièrement homogènes (chevalier, magicien, archer, lancier...), vous êtes parés à toutes les situations mais encore faut-il bien gérer les compétences. Il y en a deux types : celles acquises grâce à l'expérience et celles obtenues grâce à des livres qui sont valables pour toute l'équipe. En tenant compte d'un quota de points il faudra faire des choix, comme favoriser des résistances aux éléments mais occulter les statistiques ou certaines compétences subtiles dont je ne dirai rien sous peine de gâcher le plaisir. C'est assez pointu à un stade avancé car vos protagonistes peuvent cumuler des compétences actives, passives tout en utilisant la magie et le sabotage par exemple, sachant qu'ils ont dorénavant le luxe d'obtenir des furies aussi en équipe. En marge il y a le cas d'Hamil et Tart, qui peuvent respectivement et pendant deux tours se transformer en Merkato et Ashtart, boostant leurs stats avec des skills surpuissants mais gare au revers de la médaille, puisqu’il en suivra un tour de pénalité dans lequel vous n'êtes qu'une souris égarée en terres hostiles, voyant toutes vos caractéristiques réduites au néant, ou presque.
C'est la grande force de
Tears to Tiara II, d'excellents personnages qui mettent leurs vies en jeu (j'espère que vous avez le sens du sacrifice, car c'est courant d'avoir des morts en bataille). Rassurez-vous ce n'est pas définitif et puis il y a le chariot ! L'éléphant (qu'on équipe) et le chariot (upgradable) sont indissociables et ils seront à vos côtés sur le champ de bataille. La raison est toute simple, en cas de mort d'un personnage vous pourrez puiser dans le chariot un réserviste, de même qu'un protagoniste blessé ou sans points de magie pourra se regonfler à bloc le temps d'un ou deux tours, à condition toutefois de ne pas perdre votre attelage (et donc les personnages qui sont dedans). Le cas des monstres est également à prendre en compte car ils peuvent être chevauchés à l'instar de bien d'autres tacticals et le golem pourra devenir à terme (avec quelques pièces) une machine redoutable.
Vous savez désormais tout ce qu'il faut savoir d'essentiel sur ce tactical qui fait preuve d'un sens tactique qui n'est pas sans rappeler l’exigence des
Fire Emblem, on peut même dire que le jeu d'
Aquaplus fait plus que rivaliser. D'ailleurs si on ajoute une ambiance au diapason et une histoire intéressante on peut dire qu'on touche le jackpot sans rien avoir vu venir, et c'est tant mieux. Pour les colonels en herbe, il sera de bon ton de les prévenir que le challenge de base est relativement coriace (il y a quatre modes de difficulté) avec une AI performante et sans pitié.
Annexes Tout dépend si vous êtes du genre à zapper les dialogues, auquel cas cela varie de 40 à 70h de jeu.
Chapitre bonus : une fois l'aventure finie, un challenge spécial fait son apparition avec un labyrinthe à étage qui propose de nombreuses maps sous forme de puzzle à résoudre.
New Game + : vos notes de fin de missions étant comptabilisées en fin de jeu, vous pourrez repartir du début avec quelques attributs, histoire de démêler tous les secrets du gameplay ou tout simplement tenter un autre niveau de challenge.
Il y a des titres comme ça qui viennent presque de nulle part, nous rappelant que le tactical-RPG a toujours sa place sur console de salon. Tears to Tiara II est de ceux-là en gommant une grande partie des imperfections de son prédécesseur et en proposant une expérience bien équilibrée, si toutefois la lecture prolongée ne vous intimide pas. De l'histoire digne d'un animé d'aventure à l'ambiance en passant par un gameplay parfaitement ciselé, les stratèges en auront pour leur grade. Des surprises comme celle-ci on en veut bien plus souvent !
19/01/2014
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- Histoire et personnages convaincants
- Système tactique au point
- La partie sonore dans sa globalité
- Bonne durée de vie
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- Prologue un peu trop long
- L'aspect roman peut déranger
- Assez dirigiste
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 4/5
STORY 4/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 4/5
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