Un dungeon-RPG dans lequel on incarne un aventurier contraint à gravir une tour sans fin, ça s'est déjà vu. C'est même la base du genre. Mais quand c'est Nippon Ichi Software qui s'y colle, il y a des chances que le résultat soit à la fois original et déjanté. Ou pas. L'éditeur n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai, puisqu'il avait déjà tenté le coup en 2010 avec Cladun : This is an RPG sur PSP. Legasista, développé cette fois-ci sur PS3 par son studio System Prisma, reprend l'essentiel de Cladun en gardant le concept intact tout en incorporant de nouveaux systèmes plus élaborés et en revampant l'aspect graphique. Mais commençons par le début, à savoir le scénario du jeu.
Legasista: this is a basic storyline
Legasista nous place aux commandes d'Alto Straiter, un aventurier dont la sœur a été changée en cristal par une malédiction. Son dernier espoir semble résider dans l'ancienne arme ultime d'une civilisation perdue, supposément omnipotente et qui, selon les légendes, serait scellée dans l'Ivy Tower. Manque de bol, l'arme en question s’avère être une jeune fille robot assez belliqueuse prénommée Melize et sans aucune intention de servir un simple humain. La robotique donzelle propose donc à Alto de réincarner sa sœur, avec comme seule contrepartie celle de lui ôter la vie. Un marché qui dure environ 5 secondes, juste le temps pour elle de griller un fusible et de perdre la mémoire. Du coup, Alto se trouve contraint d’accompagner Melize au fil des étages de la tour afin de récupérer ses circuits mémoire et sauver sa sœur.
Comme souvent dans ce type de jeux, l'histoire n'est là que pour donner une excuse au concept. Le scénario n'évolue quasiment pas au fil du jeu, si ce n'est en montrant l'humanisation progressive des robots. Nippon Ichi nous avait habitué à des dialogues décalés et des personnages hauts en couleur, mais ici tout manque cruellement de saveur. Les dialogues, s'ils utilisent toujours le même type de construction en images fixes, sont plutôt plan-plan, et le scénario se prend beaucoup trop au sérieux. Le seul aspect comique est apporté par une bande de haricots sauteurs tant envahissante que bavarde ainsi que par la Dungeon Master taciturne ; seul un effort d'imagination sur les personnages stéréotypés (le voleur frêle, la magicienne à forte poitrine entre autres) pourra les rendre drôles. Même cet aspect le plus basique a été négligé.
Retour vers le passé
La jouabilité de base n'est pas très inspirée non plus. Durant la majeure partie du scénario, chaque donjon thématique est découpé en niveaux prédéfinis, séparés et cloisonnés, s'étendant quelquefois sur plusieurs étages. Tout ce que doivent faire vos personnages, c'est accéder à la sortie en évitant les divers pièges, parmi lesquels on retrouve dalles explosives, dalles de soin, tremblements de terre et autres joyeusetés. Outre les ennemis et les boss occasionnels qui vous barrent la route, il faut parfois résoudre des énigmes très simples à base de leviers et autres interrupteurs. Mais c'est surtout sur le système de loot que l'accent est mis, car vous récupérerez de très nombreuses pièces d'équipement à longueur de couloirs. Vous pouvez guider dans ces dédales jusqu'à trois personnages, uniquement capables d'actions basiques selon l'attirail équipé au préalable. En combat, il est donc possible d'attaquer avec son arme, de lancer divers sorts, d'utiliser des techniques spéciales, de se défendre avec un bouclier ou de piquer un sprint pour fuir.
Le maniement des personnages est assez rigide, et c'est peu de le dire. A l'instar des premiers Zelda, il est impossible de changer rapidement la direction de vos attaques sans marquer une pause, et il n'est pas rare d'encaisser pendant ce temps une attaque provenant d'un ennemi plus mobile. Il est également impossible d'attaquer en diagonale, pour vous comme pour la plupart des ennemis, ce qui occasionne des combats complètement mous. Il suffit souvent d'attendre qu'un ennemi vienne se placer face à vous en position d'attaque pour frapper et l'éliminer rapidement, ce que l'IA ne manquera pas de faire à longueur de donjons. Bref, ce n'est pas là qu'il faut regarder pour trouver quelque chose d'un tant soit peu créatif, mais plutôt lorgner vers la personnalisation de vos avatars.
La maxi-tête
Personnalisation cosmétique tout d'abord, puisque c'est l'une des particularités mises en avant par l'éditeur. Le joueur peut en effet créer des héros personnalisables, en choisissant leur job d'origine et quelques autres caractéristiques, mais surtout leur apparence. Si vous avez un minimum de connaissances dans l'utilisation des logiciels de retouche d'image, vous pourrez les mettre à profit. Il est assez aisé d'imaginer des personnages originaux ou de recréer des héros d'autres œuvres et de leur donner vie sous les traits de sprites mignons, voire carrément de coller votre propre photo sur un corps de pixels ! Si vous ne souhaitez pas vous adonner à la personnalisation, sachez que plusieurs avatars prédéfinis issus de jeux NIS (Disgaea en tête) peuvent être chargés. Quoi qu'il en soit le système est suffisamment riche pour encourager la créativité et l'entraide des joueurs, tout comme l'avaient fait avant lui des jeux comme 3D Dot Game Heroes ou Cladun.
Si l'aspect visuel des personnages est un point sympathique mais tout à fait annexe, leur customisation en profondeur joue un rôle majeur dans votre capacité à survivre aux épreuves des donjons. Tout d'abord, chacun d'entre eux possède un job qui conditionne sa façon de combattre, et ces jobs sont associés à diverses Energy Frames. Derrière ce nom se cachent des sortes de patrons prédéfinis que vous obtenez en montant de niveau dans un job, et dans lesquels s'insèrent armes, armures et techniques spéciales. Malheureusement, il n'y a que six jobs parmi lesquels choisir, tous disponibles de base, et tous très classiques. Du Guerrier lourdement armé au Voleur très agile en passant par le Pyromancien adepte des sorts d'attaque, on aura vite fait le tour. En revanche, les Energy Frames ont le mérite d'abattre les frontières et sont additionnées d'effets bénéfiques ou néfastes. Grâce à elles, le job Explorateur pourra, au choix, tirer parti de sa polyvalence en équipant des techniques de voleur et des sorts de mages, ou bien renoncer à cette variété pour devenir l'un des meilleurs Tanks du jeu. De même, vous pouvez créer un personnage extrêmement puissant mais doté d’une robustesse ridicule, et dont l’équipement tout entier s’effritera au moindre coup reçu. Cela offre une véritable diversité et un peu de stratégie à un système qui, il faut bien le dire, aurait autrement laissé à désirer
Les Energy Frames demandent un minimum de réflexion avant de devenir utiles. La puissance des équipements que l'on peut y insérer est limitée par les points de mana, ce qui force souvent à faire des choix. En effet, les diverses armes et armures que vous ramassez au gré de vos pérégrinations dans la tour possèdent tout un tas de variables aléatoires. Deux armes d'apparence identique peuvent avoir des caractéristiques d'attaque différentes, des durabilités variables ainsi que des titres décidés plus ou moins aléatoirement, mais qui ajoutent des effets aux objets tels qu'une consommation de mana réduite ou un bonus de statistiques, et peuvent être associés manuellement pour une évolution quasi sans fin de vos personnages. Le souci, c'est que tout cela est assez bordélique et ne joue vraiment un rôle important que vers la fin du jeu. Mais l'évolution de vos personnages ne se limite pas à ça. En gagnant des niveaux dans chaque job, vous obtenez – en plus des améliorations de stats – des points à dépenser dans un large panel d'améliorations. Gain de points de vie, régénération, il y en a pour tous les goûts. Il est d'ailleurs hautement conseillé de changer régulièrement de job de façon à grappiller ces points, car vous atteindrez très tôt les limites de ce système au moment même où les choses commencent à se corser.
Heaven or Hell !
Alors que la majeure partie du scénario principal ne vous causera quasiment aucun souci, la fin du jeu et le post-game sont autrement plus relevés. En effet, à côté des niveaux prédéfinis vous aurez vite accès à des donjons semi-aléatoires appelés
Ran-geons. Ceux-ci consistent en une suite de tableaux remplis de monstres et de pièges vicieux, et dans lesquels apparaissent des portes – portes qui, une fois franchies, offrent divers bonus ou malus au joueur. Les
Angel Gates augmentent drastiquement les chances de trouver des objets rares et des titres puissants sans trop augmenter le niveau des ennemis ; à l'inverse les
Hell Gates réduisent la rareté des objets tout en démultipliant la dangerosité de vos expéditions. D'autres offrent des effets plus divers, comme celui de vous faire sauter plusieurs étages ou d'augmenter le niveau d'une variété de portes, et décuplent de ce fait leurs effets. Si les plus courts donjons vous opposent à des monstres de relativement bas niveau sur 30 étages, vous pouvez aussi tenter de défier des donjons de 100 à 200 étages peuplés des ennemis les plus belliqueux pour obtenir les meilleurs objets possibles. Attention tout de même car des boss fixes viendront vous barrer la route tous les 15 tableaux.
Et c'est là que la difficulté mal dosée du jeu se cristallise, puisqu'on peut passer sans transition d'une promenade de santé à un enfer rempli de pièges et autres créatures vicieuses. Vous pouvez réaliser une session parfaite dans un long donjon, tuer facilement tous vos adversaires et récupérer des équipements puissants, puis marcher sur une porte semi-invisible qui vous envoie tout droit affronter des ennemis cent fois (sans rire) trop forts pour vous. Tous vos efforts peuvent donc être balayés par une simple erreur d'inattention ou, plus frustrant, par le
RNG qui décide soudainement de se retourner contre vous. Il vaut donc mieux être excessivement prudent que de prendre des risques que vous pensez calculés et de tout perdre, ou plutôt de presque tout perdre, puisqu'alors que vous abandonnez tous les objets récupérés en cas de défaite, vous conservez quand même une partie de l'expérience accumulée. Comme une tentative pour le jeu de ne pas se montrer trop punitif. Au final, ces donjons sont là pour offrir un challenge très relevé aux explorateurs aguerris, mais n'ont d'autre but qu'une course à la puissance puisque tout, ou presque, y est aléatoire.
Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire sur ce Legasista. On pourrait parler des heures durant du système d'empoisonnement, de la possibilité de démultiplier son potentiel de combat en l'espace de quelques minutes une fois le système bien assimilé, de la quasi-obligation des séances de grinding pour progresser ou encore de la multitude de pièges, mais le fait est que tout cela ne joue pas de rôle prépondérant durant la majeure partie du jeu. Pour qui veut bien y passer du temps, la marge de progression est énorme mais en l'absence de réels à-côtés, la finalité ne réside que dans le challenge offert par les plus longs donjons.
Entièrement pensé pour les habitués des jeux de niche, Legasista est un jeu ni très original, ni totalement maîtrisé, mais il faut reconnaître que le public visé devrait somme toute y trouver son compte. Le doublage japonais a été conservé, la traduction anglaise parfois un peu bancale fait globalement bien l'affaire tout comme les musiques du jeu. On pourra surtout regretter de ne pas y retrouver la patte habituelle des jeux Nippon Ichi, pas de caméos de personnages récurrents, une seule fin possible, pas de new-game + et surtout assez peu d'humour. Toujours est-il qu'une vingtaine d'heures de jeu pour voir le bout du scénario, à démultiplier si vous supportez les choses répétitives et les challenges auto-imposés, pour une vingtaine d'euros, c'est très rentable.
27/06/2017
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- Etrangement addictif
- La mécanique d'Energy Frame, originale
- La difficulté relevée offre un challenge même aux joueurs les plus chevronnés
- La création poussée de personnages
- Grosse durée de vie
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- Peu de variété en donjon, ça peut devenir vite lassant
- Le gameplay est simpliste et peu créatif
- La part extrêmement importante d'imprévisible peut vite faire criser
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 3.5/5
STORY 2.5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 4/5
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