Puzzle & Dragons, c'est un peu le cas d'école du bon concept tombé au bon moment : originellement sorti sur les smartphones japonais début 2012 et sur ceux occidentaux à la fin de cette même année, le puzzle-RPG mobile de GungHo a été un succès immédiat, devenant une incroyable machine à fabriquer des billets tournant sans discontinuer et voyant les studios se bousculer devant ses portes afin de signer des contrats de collaboration. Un succès incroyable et persistant (encore aujourd'hui !), l'histoire aurait pu en rester là mais le développeur décide alors de s'attaquer au marché des consoles portables histoire de conquérir un public encore plus grand. Sorti fin 2013 sur 3DS au Japon et début mai 2015 en occident (via la compilation Puzzle & Dragons Z + Puzzle & Dragons Super Mario Bros) Puzzle & Dragons Z a donc eu pour mission de faire goûter aux derniers récalcitrants la joie du match-3 "new generation" mêlé à la collection de monstres, mais en apportant quelques changements histoire de proposer un "vrai" RPG pour mieux coller au support. Est-ce que l'élève fera mieux que le maître ?
The Dragon Academy
Le monde de Dracomancia est en danger ! Dogma, l'enfant-dragon et son organisation, Paradox, sont décidés à plonger le monde dans le chaos et briser l'harmonie entre humains et dragons afin que ces derniers acquièrent la place d'espèce dominante sur la planète. L'organisation des Dragons Rangers, chargés de veiller à la paix de cet univers, est débordée par l'activité de Dogma et s'en remettent alors à trois rangers fraîchement formés, Sara, Nick et notre avatar, ainsi qu'un dragonnet amnésique du nom de Syrup, pour faire la différence. Lancée sur les routes, l'équipe aura pour mission de restaurer l'intégrité de Dracomancia, explosée façon puzzle au sens propre comme au figuré, ainsi que de libérer les dragons divins de l'emprise de Paradox et de restaurer l'intégrité du continent.
On se doute bien dès les premières minutes que l'on ne va pas avoir à faire au scénario du siècle, et ces mêmes premières minutes font vite faire passer l'écriture d'un épisode de Pokémon pour du Beaudelaire car il faut dire que c'est cucul, très cucul, immensément cucul au point où on se demande si même les jeunes joueurs ne se sentiraient pas insultés pas tant de niaiserie et de stéréotypes. Dans un sens, cela rend le récit amusant à suivre tellement certaines situations sont surréalistes ou affligeantes (comme ce passage où les parents sont heureux de voir leur gamin rentrer à moitié mort, car bon c'est cool de se dresser contre le mal), mais la lourdeur du déroulement de l'histoire achèvera l'ensemble : impossible d'avancer sans constamment être inondé de dialogues à l’intérêt plus que discutable, surtout si c'est pour vous indiquer que le chemin à suivre est la grosse ligne droite avec un panneau clignotant au dessus ou pour un débat mayonnaise ou ketchup sur les frites. Heureusement, l’intérêt du jeu est ailleurs... On notera au passage l'étrange choix de localisation fait par Nintendo : les textes et descriptions sont traduites dans la langue de Molière, les nom des monstres et des capacités sont dans la langue de Shakespeare. Probablement pour donner un aspect cool à l'ensemble ?
Internationl Dragon Company
Puzzle & Dragons, c'est l'histoire de la rencontre du puzzle-game et de la collection de monstres façon Pokémon. Le concept est relativement simple : notre avatar va se balader dans des donjons composés de plusieurs étapes et suivra un rail en enchaînant plusieurs combats jusqu'à arriver à un boss intermédiaire, boss qu'il faudra battre pour débloquer l'accès au prochain donjon, et bis repetita jusqu'au boss final dont la défaite ouvrira la prochaine chaîne de donjons à conquérir. La seule liberté laissée au joueur sera de choisir quel chemin emprunter jusqu'au boss, sachant qu'il y a différents bonus à la clé : des combats donnant plus d'expérience, des coffres contenant des talismans ou du D-Volt (la monnaie du jeu), ou des boosts pour augmenter l'expérience ou les gains reçus. Format console oblige, GungHo a viré les éléments propres du free-to-play comme le système d'endurance journalier ou celui de rang, offrant au joueur la liberté d'aller où il veut quand il veut.
Un joueur ne pourra gambader librement que dans Zed City, l'unique ville du jeu, où on trouvera notamment :
- Le Labodragon, qui permet de renforcer ses bestioles ou de faire éclore des œufs pour faire gonfler son armée de monstre
- Le Temple, permettant d'avoir accès à des donjons bonus moyennant l'utilisation de talismans obtenus de diverses manière
- L'arène qui sera surtout réservée à ceux aimant perdre leur temps car on pourra y participer à des défis et établir des records qui ne rapportent rien à part un peu de fierté. Périodiquement, on trouvera aussi quelques personnages à qui on pourra rendre service en allant chercher des objets dans les donjons histoire de glaner quelques bonus en plus, et après avoir suffisamment avancé dans l'histoire on pourra débloquer la Z-Box, une loterie qui demande des montants astronomiques de D-Volts mais qui peut rapporter gros.
Dungeons & Dragons
La particularité du puzzle-game façon Puzzle & Dragons, c'est que l'on inter-change pas deux gemmes de places dans la plus pure tradition du genre, mais plutôt qu'on en balade librement une pendant un temps limité, et que toutes les gemmes qui croiseront son chemin seront poussées dans la direction opposée. Tout le sel du jeu consistera donc à exploiter cette particularité et à maîtriser quelques techniques, comme les déplacements dits "en L" ou "en I" ou l'association de 5 gemmes de la même couleur, synonyme d'une attaque sur le groupe adverse, et de créer le plus grand nombre de combos en un minimum de temps, car les combos ont un effet multiplicateur sur les attaques et l'effet des gemmes de soins (représentées par des cœurs). Il faut donc jouer vite et bien car en face l'ennemi faire rarement des cadeaux et peut taper fort, très fort ; un combat qui s'éternise est rarement à l'avantage du joueur. Une évolution du genre vraiment bien pensée, plus "action" qu'à l'accoutumée et qui fait travailler aussi bien les neurones que les réflexes. Rassurez-vous cependant, car si vous prenez une taule, tout ce qui a été acquis dans le donjon est conservé.
Pour incarner notre force de frappe on forme une équipe de cinq bestioles plus un partenaire à choisir dans une liste aléatoire. A noter que le jeu dispose d'une fonction StreetPass qui permet de lister les autres joueurs dans cette liste de partenaires. Il faut choisir ses bestioles en fonction de 5 éléments (Feu, Eau, Bois, Lumière, Ténèbres) et également de leurs capacités spéciales : chaque créature dispose d'une capacité permanente dite Capacité Leader, qui s'active uniquement s'il est en première position, et d'une capacité secondaire activable à tout moment si on dispose du bon nombre de points de compétence, eux acquis au fil des combats. Ces talents peuvent réellement faire la différence dans un affrontement, il faut donc les utiliser avec sagesse. Sachant que le jeu comporte 265 créatures - et pas que des dragons car on a entre autre des canidés, des tortues, des insectes, des golems, des humanoïdes, des... trucs difformes et j'en passe -, autant dire qu'on a le choix. 265 semble cependant peu face au nombre astronomiques de créatures de la version smartphone, mais il faut garder à l'esprit que Puzzle & Dragons Z est sorti en 2013 et qu'on imagine l'imbroglio de ramener toute les créatures obtenues via les collaborations et surtout de réussir à équilibrer correctement le jeu.
How To Train Your Dragon
265 créatures donc, mais au final un choix tout relatif car même si GungHo a enlevé les éléments liés au free-to-play, il n'en a pas pour autant enlevé la philosophie et on pourrait résumer la gestion des créatures à un seul mot : farming. Si vous voulez des créatures il faudra d'abord des œufs, et pour avoir des œufs il faudra attendre que dame Fortune daigne bien se manifester pour en faire apparaître suite à la défaite d'un monstre. Et pour faire évoluer les créatures, on retourne au turbin : chaque créature demande un certain nombre d'objets appelées puces, qui sont nominatives, pour pouvoir évoluer. Par exemple, pour faire évoluer un Zabgon en Zablion, il faudra 3 puces (1 de Bubblie, 2 de Zabgon), le Zablion aura ensuite accès à deux formes qui demanderont chacune 6 puces, et chaque forme aura encore un stade d'évolution qui demandera encore plus de puces ! Et évidemment plus le stade sera avancé et plus les pré-requis seront élevés. Mettre à niveau une créature est également pénible, chaque éclosion se faisant quasi-toujours au niveau 1 (il est possible d'avoir droit à une éclosion spéciale où le monstre arrive niveau 10 ou 20). Certaines créatures sont également impossible à obtenir en jouant normalement, il faut passer par la loterie et croiser les doigts très fort : le jeu dispose d'une auto-sauvegarde permanente, ne pas avoir ce que l'on espérait revient à avoir cramé définitivement sa mise.
Il est cependant possible de forcer la chance de plusieurs manières : avoir un Treasure Dragon dans son équipe augmente les chances de trouver des objets de l'élément du-dit Treasure Dragon, provoquer le plus gros nombre de combo en une fois augmente aussi sensiblement les chances d'obtenir des éléments. De plus, on a accès à des donjons bonus quotidiens dans lesquels les chances de gains sont plus élevés et il est possible de mettre la main sur des œufs offrant un massif gain d'expérience s'ils sont sacrifiés pour fortifier ses créatures. De quoi aider à faire passer la pilule, mais dans l'ensemble ce schéma d'évolution ne suit pas naturellement le flot du jeu et ne propose aucune alternative autre que la répétition abrutissante de donjons pour mettre à jour ses troupes ou pour tenter d'apporter un peu de diversité à sa petite bande. Plus frustrant encore est le fait de voir défiler des créatures au design et / ou aux capacités sympathiques, tout en sachant que seule notre tolérance au farming sera la clé pour les obtenir... Il y a bien un système d'échange de créatures, mais limité à de l'échange local. L'évolution des monstres est moins compliquée que la version smartphone (qui elle est basée sur le sacrifice de monstres et possède plusieurs systèmes d'évolution), mais cette mouture portable du jeu ne dispose pas de l'environnement compétitif et social de son ainé qui rend l'expérience autrement plus agréable. Bref en résumé, GungHo n'a pas pris la peine de refondre le système en profondeur pour mieux l'adapter à une expérience RPG ''classique" notamment sur l'aspect collection (ce qui quand même fort dommageable pour ce qui représente la moitié du jeu) et n'a pas non plus réussi à égaler ou dépasser l'aspect direct et la montée en puissance de son aîné sur smartphone.
Dragon Half
Graphiquement le jeu n'est pas vraiment exceptionnel. Un bestiaire diversifié et animé ainsi qu'une 2D très colorée sont ses principaux atouts, difficile cependant de faire un long paragraphe dessus... Par contre il est dommage que GungHo n'ait pas joué la carte de la 2D jusqu'au bout, le décalage entre la 3D de la progression dans les donjons et le reste du jeu est assez étrange. La bande-son quant à elle copie-colle des morceaux de la version smartphone en plus de proposer des morceaux exclusifs, ce qui n'a pas pour autant motivé l'ami Kenji Ito à se décarcasser, car l'ensemble est relativement bateau.
Comptez 20 à 30 heures pour boucler l'aventure principale, et probablement le double si vous vous attaquez au post-game : après avoir fini le jeu, on aura accès à Dystopia, un second continent dont l'exploration se basera sur le même principe que Dracomancia mais avec une difficulté largement revue à la hausse. Il y également les donjons journaliers et des donjons bonus accessibles en scannant quelques codes QR, mais c'est tout.
Au final, Puzzle & Dragons Z est une fausse-bonne idée : virer les éléments propres au free-to-play et refondre certaines mécaniques pour proposer une version plus simple à prendre en main est louable, mais vouloir changer la formule sans changer la philosophie qui va avec ne peut donner qu'un résultat bâtard. Privé de l'aspect social, direct et compétitif de la version smartphone, bien moins addictif et moins bien pensé qu'un Digimon ou un Pokémon quand on touche à l'aspect collection, bien plus pauvre en contenu qu'un Puzzle Quest et en plus sans fonctions en ligne, Puzzle & Dragons Z donne plus l'impression d'un produit développé à la va-vite pour capitaliser sur le succès de la licence. Ce qui est quand même fort dommage vu le boulevard dont disposait le studio sur 3DS, ne disposant d'aucun jeu d'envergure du genre. Le jeu reste idéal pour s'occuper 10 minutes de temps en temps, mais si vous voulez toucher à la "vraie" expérience Puzzle & Dragons, autant se tourner vers la version smartphone.
08/08/2015
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- Une variante originale du puzzle-game
- Un bestiaire sympathique
- Idéal pour de courtes sessions
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- Une sous-version de Puzzle & Dragons
- Lassant à la longue
- L'aspect narratif dépassant le stade de la niaiserie
- Le côté collection du titre perdu dans le farming
- 0 fonctions en ligne
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GRAPHICS 2.5/5
SOUND/MUSIC 2.5/5
STORY 0.5/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 3.5/5
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