Cela fait plusieurs années que l'industrie vidéoludique nous abreuve de versions dites supérieures de jeux à succès. On prend le soft de base, on y ajoute tout le contenu supplémentaire, on fait parfois quelques retouches, et c'est parti pour de l'argent facile.
Deus Ex n'y échappe pas, et c'est le troisième volet de la saga, le bien-nommé
Human Revolution, qui fait son retour dans cette
Director's Cut Edition. L'occasion pour lui d'afficher ses plus belles augmentations, et pour nous de voir ce que cette version supérieure a dans le ventre.
No future
La licence
Deus Ex a toujours pris soin de proposer un univers cyberpunk très fouillé. On retrouve des thèmes tels que le
transhumanisme avec tous les problèmes éthiques et politiques qu'il soulève, mais aussi le pouvoir sans cesse grandissant des multinationales ainsi que les divers groupuscules complotant dans l'ombre. À chacun de nos pas, dans chaque lieu visité, les informations tombent de tous les cotés, et les amateurs de background épais prendront le temps de lire les nombreux carnets électroniques et emails dispersés un peu partout. Une bonne manière de s'immerger un peu plus dans ce monde où la civilisation est au bord de la rupture, déchirée par les guerres civiles et les luttes de pouvoirs et d'influences.
C'est dans ce contexte peu réjouissant que l'on incarne Adam Jensen, chef de la sécurité chez Sarif Industries, l'une des entreprises majeures de l'augmentation humaine. Une attaque terroriste dans la maison-mère décime l'équipe scientifique, et notre héros se retrouve aux portes de la mort. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais Jensen est un dur à cuire, et après moult opérations et implantations d'augmentations, il reprend du service, bien décidé à retrouver les responsables du carnage. Ce qu'il ignore, c'est que tout ce qu'il va découvrir implique bien plus que ce qu'il n'aurait imaginé.
Le scénario d'
Human Revolution est riche en rebondissements et révélations. Le rythme monte progressivement et finit par rester soutenu malgré quelques moments plus calmes, la faute aux centres urbains. Toujours est-il qu'on finit vite par accrocher, et l'envie de connaître la suite reste présente pour motiver le jouer à continuer sa progression. Si vous n'avez jamais joué à l'un des jeux précédents de la licence, sachez que cet épisode est une excellente entrée en matière et reste parfaitement compréhensible ainsi. Vous passerez juste à coté des références au premier opus disséminées tout du long pour faire plaisir aux fanboys de la première heure.
Beau parleur
Les différentes zones offrent un level-design étudié. Atteindre un endroit précis peut se réaliser de différentes manières ; passer par une conduite d'aération, pirater le code d'accès d'une porte ou défoncer le mur sur votre chemin figurent parmi les possibilités qui s'offrent à vous. Tout dépendra de la façon dont vous aurez amélioré votre personnage.
Les villes restent les lieux de repos pour le joueur. On peut tailler le bout de gras avec les locaux, faire des achats ou revendre du matériel à des vendeurs louches, mais aussi participer à quelques quêtes annexes. Pas de fedex dont les tenants et aboutissants tiennent sur un grain de riz ; ici, on fait dans le qualitatif. Chacune de ces quêtes a été écrite avec soin et elles offrent une multitude d’embranchements pour les terminer. Les choix de vos actes mais aussi de vos réponses aux dialogues aura souvent une influence plus ou moins importante sur des évènements futurs du jeu. Un quotidien auquel vous serez régulièrement confronté dans l'aventure et qui offre une rejouabilité intéressante.
Les dialogues ont une place telle dans le jeu que des affrontements auront lieu dans certains d’entre eux. Nommés "combats de boss sociaux" par les développeurs eux-mêmes, vous vous retrouverez à argumenter avec un interlocuteur dans le but de gagner sa confiance et obtenir ce que vous recherchez. Il y a même une augmentation permettant d'analyser le comportement de la personne en face et offrant la possibilité de l'influencer plus facilement. En résulte des discussions à la tension palpable, d'autant plus quand une vie est en jeu sous vos yeux. On fait moins le malin quand un otage a une flingue braqué sur la tempe. Mais les mots restent une arme très puissante pour ceux qui savent les utiliser.
Sons et lumières
Difficile de passer le travail de
Michael McCann sous silence. Le compositeur de la bande-son offre une OST d'excellente facture. Ses pistes alternent les thèmes calmes, atmosphériques et les morceaux plus dynamiques et nerveux. Certaines pistes passent mêmes progressivement d'un état à l'autre. L'OST fait son job d'immersion en se dévoilant mesurément au joueur sans prendre une place trop importante de son attention. Au final, cela reste parfaitement écoutable en dehors du jeu, et ce, non sans plaisir.
Il faut aussi mentionner les doublages originaux d'excellentes factures. Personne - des protagonistes principaux aux NPC - n'est oublié, et l'immersion s'en retrouve d'autant plus renforcée.
Techniquement, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'
Human Revolution est très propre. Aucune texture baveuse ne vient gâcher la vue, et les divers éléments du décors sont modélisés avec soins. Les visages des personnages sont un peu moins réussis, leurs tics dans les discussions en gros plans agacent, mais le travail sur les expressions faciales reste impressionnant. Et si la profondeur de champ reste limitée, les développeurs ont compensé ce problème en parsemant le panorama de nombreuses
matte-paintings très détaillées. L'occasion d'admirer la direction artistique tirant généreusement sur le jaune. Réussie ou moche, cela dépend des points de vue.
Il est passé par ici...
Le gameplay de Deus Ex est riche en interactions. Une multitude d'objets peuvent être ramassés et déplacés. L'occasion de découvrir diverses utilités, tel que monter un échafaudage de fortune avec des cartons ou envoyer valdinguer un extincteur dans la tronche de votre opposant. Les ordinateurs peuvent être activés en entrant manuellement le bon mot de passe ou via un mini-jeu de piratage le cas échéant. Le but sera d'accéder à la base de données du PC via la capture de différents réseaux de nœuds dans le système, le tout sans se faire repérer par la sécurité du programme. Rien de bien compliqué, à condition d'avoir les améliorations adéquates. Autant dire que les touche-à-tout ont de quoi se faire plaisir.
L'intelligence artificielle des ennemis a fait un bond en avant depuis le jeu de base. Même les vétérans auront quelques surprises et se feront surprendre en voulant exploiter les failles de l'IA. Elles existent toujours, mais restent moins évidentes. Vos adversaires ont l’œil et l'ouïe fine, autant dire que la prudence est de mise, surtout que vous planter une balle entre les deux yeux ne leur demandera pas beaucoup d'effort. Le corps-à-corps est à privilégier pour des éliminations rapides, létales ou non, offrant le visionnage de jolis finish moves bien variés. Vos opposants savent s'organiser et n'hésiteront pas à réveiller leurs camarades inconscients si vous ne planquez pas les corps.
Les arènes des combats de boss ont été réaménagées dans le but de permettre aux pacifistes de se pointer non armés à la fête. Mais les boss y passeront quand même. Pour résumer, des salles avec ordinateurs de sécurité permettront d'activer des systèmes de défenses à la puissance de feu non négligeable pour faire la sale besogne. Et hormis le second affrontement, où le surplus de terrain a été intelligemment pensé pour offrir un jeu du chat et de la souris bien palpitant, le reste de ces combats de premier ordre se résumera à faire deux ou trois manipulations et croiser les bras en regardant le méchant se faire ouvrir en deux. Le pire étant que sans certaines augmentations précises, vous serez au final amené à piocher dans l'armement généreusement fourni sur le tas pour achever votre adversaire. Pour une feature autant mise en avant dans cette version du jeu, c'est plutôt décevant.
Jouer à Dieu
Tout ce que vous faites vous rapportera de l'expérience. Mener à bien des objectifs, mais aussi explorer votre environnement, convaincre un interlocuteur ou éliminer un ennemi. Et selon la méthode utilisée pour ce dernier exemple, les points gagnés varieront. Traverser une zone hostile en restant un fantôme aux yeux de tous offrira des bonus importants, favorisant nettement les furtifs au détriment des bourrins. Et c'est là que le jeu pêche. Pour un RPG qui se vante d'offrir autant de choix dans la façon d'agir, privilégier les pacifistes discrets au détriment des tueurs psychopathes n'incite pas spécialement à jouer dans cette dernière configuration. Après tout, c'est au joueur d'assumer ses actes. Libre à lui de choisir de faire un génocide ou de terminer le jeu sans tuer personne de ses mains, chose tout à fait réalisable.
Toute cette expérience sera investie dans les skills de votre personnage. Pour débloquer une compétence, utiliser un point de dynamisation. Ceux-ci s'obtiennent à chaque palier d'expérience franchi, ou tout simplement en trouvant un kit prévu à cet effet. Les capacités sont variées, à vous de décider de monter un hacker, un espion secret ou une forteresse ambulante, voire les trois à la fois. Car s'il est impossible de tout débloquer sur une seule partie, le new game + permettra de garder les skills obtenus.
À vous le Adam Jensen suprême, bienvenue dans le God Mode.
Jeu entier je vous dis
La
Director's Cut reste surtout le moyen de faire les DLC du jeu. Ces derniers sont directement introduits dans la trame principale, rallongeant la durée de vie.
Le premier offrira une mission de sauvetage et permettra de revoir Tracer Tong, le seul personnage récurrent des épisodes principaux de la licence. C'est d'ailleurs le seul intérêt de ce passage aussi court qu'inintéressant tellement bien intégré dans le scénario qu'une coupure de de cette partie du contenu semble plus que probable.
The Missing Link redresse la barre. Vous emmenant d'un bateau en pleine mer à une base maritime peu recommandable, il permettra d'en apprendre plus sur une partie de l'histoire du jeu. D'une durée de plusieurs heures, il est agrémenté de son lot de quêtes annexes et autres choix moraux. Le level-design reste travaillé, mais permet moins de folie pendant la majeure partie du DLC à cause de la perte de vos augmentations. En résulte des zones plus difficiles à explorer et traverser, un bon point pour le challenge, et l'on rencontre un nouvel adversaire intéressant à affronter. La finition reste de très bonne facture, hormis
un bug gênant.
À la question cruciale de savoir si cette version Director's Cut mérite qu'on s'y attarde, il faut être clair, pas si on a déjà fait la version originale et les DLC qui vont avec. Pour les autres, oui, clairement.
19/02/2015
|
- L'univers cyberpunk
- Bon scénario
- Importance des choix de dialogues
- Gameplay varié
- OST
- Techniquement bien propre
- Rejouabilité
|
- Valorise peu la manière forte
- Le "renouveau" des boss fights
|
GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 4/5
STORY 4/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 4.5/5
|