En 2012, le projet Anima: Gate of Memories arrive sur le site Kickstarter, emmené par Kai Nesbit le PDG de Cipher Studios. La campagne dépassera la somme fixée en récoltant plus de 100 000 dollars, un budget inférieur à celui d'Angry Birds qui associé à un développement de quatre an laissait présager le pire. Mais c'était sans compter sur le savoir faire des équipes du studio Anima Project qui auront su donner naissance à un titre qui, même s'il n'est pas le blockbuster de l'année, est loin d'être un mauvais jeu.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Gaia
Le titre tire son origine du jeu de rôle papier "presque" éponyme Anima : Beyond Fantasy, créé par Carlos B. Garcia en 2005. On y découvre un monde nommé Gaia (encore un), univers Dark Fantasy mélangeant culture nordique et orientale. Le jeu reprend bien évidemment la toile de fond du livre qu'il respecte parfaitement, cependant l'intrigue ne fait nullement référence à une campagne existante. L'histoire nous plonge au cœur de l'organisation Nathanael, sorte d'armée religieuse de l'ombre dont le but consiste à trouver et protéger les nombreux artefacts magiques que compte le monde des démons. Après la subtilisation d'une de leurs reliques les plus précieuses, Le Byblos, l'organisation fera appel à son meilleur agent pour le retrouver. Il s'agit d'une jeune fille sans nom connue sous le titre "Porteuse de calamité", une appellation qu'elle doit au démon scellé dont elle a la charge, le dénommé Ergo. Le duo de choc, autant amis qu’ennemis, ne tardera pas à mettre la main sur le voleur et découvrira que cette histoire de larcin n'était que le commencement d'un problème bien plus grand. Tentant d'imposer la justice de son organisation, la Porteuse et son diabolique acolyte se retrouveront alors envoyés dans un lieu étrange, un manoir inconnu, visiblement berceau de grandes forces maléfiques.
Combattre le mal par le mal
Une fois le prologue passé, vous vous retrouvez dans l'Arcane, une dimension faisant office de HUB du jeu qu'il vous faudra parcourir de fond en comble afin de trouver et occire des entités maléfiques appelées Messagers. Chaque univers composant cette tour est unique et apporte parfois sa propre spécificité de gameplay. Aussi, on pourra expérimenter un schéma classique d'exploration jonchée de combats ou des phases de jeux forçant un plan 2D, le tout incrémenté par de sympathiques énigmes et pièges mortels. A chaque niveau, il vous faudra réunir plusieurs fragments de souvenirs liés à l'entité qui contrôle les lieux, cette collecte sera nécessaire pour accéder à l'antre du boss. S'en suivra alors un affrontement plutôt épique dans lequel vous devrez allier dextérité et jugeote, chaque Messager ayant une technique propre pour être vaincu. Progressivement, vos victoires déverrouilleront de nouvelles zones de l'Arcane ainsi que de nouveaux secrets à découvrir. Les challenges seront de plus en plus corsés car "OUI", Anima : Gate of Memories est un jeu "à l'ancienne" qui réveillera vos vieilles blessures aux pouces et autres tendinites nées d'une crispation sur la manette. De même, certaines zones étant accessibles dès le début de l'aventure, elle ne sont pas pour autant conseillées aux débutants et il peut arriver d'ouvrir la mauvaise porte donnant sur un ennemi au niveau bien supérieur au vôtre. On meurt et on apprend de ses erreurs, on est perdu sans trop savoir par quel bout commencer. Mais est-ce là un défaut ? Non. Il est effectivement plaisant de se sentir un peu abandonné, de sortir d'un carcan dirigiste devenu habituel en ce qui concerne les titres du genre et on se sent alors bien plus impliqué dans l'aventure.
Cette liberté, vous l'avez également en ce qui concerne le développement de votre personnage, à un degré bien plus basique cependant. Le système d'évolution est standard, chaque niveau gagné vous octroie trois points de compétences à répartir sur une toile d'aptitudes actives et passives. Vous aurez la possibilité d'orienter vos héros vers un archétype magique, physique ou polyvalent, avec les éternelles règles d'avantages et inconvénients qu'offrent chaque chemin. Les pouvoirs actifs déverrouilleront de nouveaux combos, alors que les passifs renforceront vos statistiques. Chaque personnage peut équiper 2 armes et deux accessoires, qui viendront augmenter vos caractéristiques de base, ainsi que votre force de frappe, qu'elle soit magique ou physique. Ici aussi, vous aurez la possibilité de favoriser un archétype au détriment d'un autre. La possibilité de jongler avec les deux personnages à tout moment incite rapidement à opter pour un personnage versé dans les arcanes et un autre dans le corps à corps. Il ne faudra pas pour autant négliger totalement l'attaque ou la défense de l'un des protagonistes, sous peine de se retrouver en difficulté face à certains boss. En revanche, si la gestion de l'équipement demeure plaisante malgré sa simplicité, n’espérez aucune modification visuelle de vos héros. Si vous êtes amateur de RPG pure souche, de ceux qui apprécient une belle épée ou une armure clinquante, vous déchanterez. Quelle que soit la catégorie de l'arme que vous équipez (épée, hache, lance) vos personnages se battrons à mains nues.
Symphony of the Night
La direction artistique est supervisée par Wen Yu Li ayant déjà signé les illustrations de Beyond Fantasy une dizaine d'années plus tôt. On y retrouve donc une bonne transposition 3D du style Manhwa (BD Coréene), qui se caractérise par une cassure des proportions réalistes et, bien sûr, des personnages féminins dotés d'une généreuse chute de cou. On notera que même si la modélisation est réussie et les textures propres, la qualité globale des graphismes reste en dessous de ce qui se fait sur Playstation 4 habituellement. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes ici en présence d'un jeu réalisé avec très peu de moyens, en prenant en considération ce point le titre apparaît alors comme l'un des plus beaux de la scène indé. Les décors quant à eux n'ont pas à rougir face à certains jeux next-gen, hormis peut-être sur la gestion des éclairages. Chaque lieu a une identité visuelle singulière et certains intérieurs impressionnent par leurs architectures. De plus, on ressent clairement la volonté du designer de simplifier le traits pour raccrocher à un aspect dessin, ce que confirme la présence de cell-shading et l'absence de relief de certains effets de particules. On pardonne donc volontiers à Anima de ne pas être la dernière bombe photoréaliste, tout simplement car c'est aussi un choix.
L'univers est très fidèle à l'oeuvre d'origine. On retrouve cette ambiance Dark Fantasy ainsi que certains éléments de background, le tout fusionné à un contenu original imaginé pour cette adaptation. On relèvera sans mal l’influence d'un certain Castlevania dans la structure du titre : un domaine gigantesque à visiter librement, composé de zones à la fois connectées et désharmonisées. Le niveau central offre plusieurs ailes menant à des lieux aussi différents qu'inattendus, vous serez donc susceptible de passer une porte menant à un manoir habité par d'inquiétantes marionnettes, ou de débarquer soudainement sur les remparts d'une cathédrale en passant par celle d'à côté. Des temps de chargement raisonnables amènent une exploration proche d'un semi-openworld très plaisante qui renforce l'envie de fouiller chaque recoin. Mais les ressemblances avec l'oeuvre de Konami ne s'arrêtent pas là, on retrouve également un travail similaire sur les boss du jeu, mémorables par leurs aspects et en adéquation avec leurs habitats. Au final, la véritable ombre au tableau reste l'animation. Car si les déplacements et les combats sont fluides et nerveux, offrant une expérience de jeu galvanisante, les acteurs ne font pas preuve de la même vivacité durant les phases scénaristiques. Que ce soit à travers les cutscenes, qui se contentent en majorité d'une succession de poses figées du personnage en 3D, ou bien l'absence totale d'expression faciale, le résultat est tristounet par son manque de relief digne d'un roman photo.
Les Arcanes de l'Arcane
Lorsqu'on se lance dans le prologue d'Anima, on est tout d'abord pris d'une certaine crainte. Malgré l'aspect sympathique du jeu et l'ambiance travaillée, on redoute une aventure composée uniquement de séquences de combats à dix contre un, où l'on se contentera d’enchaîner le maximum de combos. Une fois dans l'Arcane, l'appréhension redescend légèrement et ne cessera de décroître au fil de la progression. Plus vous avancerez et plus vous découvrirez un univers riche, mystérieux et se renouvelant sans cesse. Le scénario n'a rien de bien original mais nous démontre que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. Aussi, la maîtrise de l'intrigue surpasse son manque de profondeur et malgré leurs côtés statiques et stéréotypés, les personnages sont pour la plupart suffisamment charismatiques. Avec une durée de vie oscillant entre 10 et 15 heures, le titre parvient à varier les plaisirs et ne laisse pas la lassitude s'installer. Sa difficulté, son contenu annexe et la possibilité d'un new game+ incite à la rejouabilité, d'autant que pas moins de cinq fins différentes vous sont proposées.
Les équipes en charge du développement ont su réaliser un jeu simple mais efficace, proposant une expérience qui pourra aisément se glisser entre deux blockbusters et divertir les joueurs. Eventuellement, on reprochera à Anima d'appliquer parfois à outrance le concept du "Die and Retry", et de ne rien pardonner. Mais le titre a le mérite de jouer la carte de la transparence dans ses choix et ne recherche pas forcément à conquérir un public large. Les plus jeunes trouveront même que le jeu est un fiasco, bien trop étranger au style qui puise ses fondations dans les classiques d'action/aventure. Ceux qui ont vécu les épopées d'un Simon Belmont ou bien d'un Dante, plongeront avec plaisir dans une aventure qui réveille les bons "feelings" d'une époque où les jeux était complets, sans chi-chi, tralala ou encore DLC.
Désormais, il est donc prouvé que la qualité d'un jeu vidéo ne se mesure pas qu'à la taille du portemonnaie de son éditeur. Sorti du néant après une gestation douloureuse, Anima : Gates of Memories est une bonne surprise, honnête dans sa composition autant que dans son prix. Donc si vous avez terminé tout vos jeux en 4K, que vous êtes lassés des Triple A en kit et que vous recherchez de quoi satisfaire votre soif d'aventure, venez et plongez dans les ténèbres de l'Arcane.
27/06/2017
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- L'identité visuelle
- Un jeu à l'ancienne
- L'ambiance soignée
- Des affrontements rythmés
- Bonne rejouabilité
- L'univers à explorer
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- Le côté roman-photo des cutscenes
- Camera parfois capricieuse
- Le verrouillage des ennemis qui n'en fait qu'à sa tête
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GRAPHICS 4/5
SOUND/MUSIC 4/5
STORY 3.5/5
LENGTH 3.5/5
GAMEPLAY 4/5
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