Avec Little Big Adventure, on tient là un exemple de jeu d'aventure tout à fait unique. Difficile à classer ( puisque la part belle est faite à l'exploration et aux dialogues ), on peut toutefois parler d'Action-Rpg, dans la mesure où le jeu propose aussi des combats. Mais oublions la "classification", LBA a d'abord la particularité d'être un jeu français et de proposer une ambiance unique. Trop souvent oublié par les joueurs consoles ( il a pourtant été adapté sur Playstation ), LBA est une référence absolue, et nous allons voir pourquoi.
"Twinsun est un planétoïde récent"
La narration se fait par le biais d'une voix sérieuse et douce, on vous compte la géographie d'une planète, nommée Twinsun, on vous apprend qu'elle est cernée par deux soleils qui en assurent le climat tempéré. Quatre races principales - humanoïdes - s'y sont développées : les lapichons ressemblent à des lapins, les grobos sont de drôles de petits éléphants, les bouboules sont peu nombreux et n'ont qu'une boule en guise de corps. Enfin, les quetchs - race à laquelle le héros Twinsen appartient - sont de banals humains, mais leur étrange couette rappelle la prune du même nom. On apprend aussi que des deux hémisphères, seul celui du sud est habité, l'hémisphère nord ayant été déclaré inhabitable. Intervient bien sûr le problème : Twinsun tout entier est soumis au joug du Dr Funfrock, lequel assure son pouvoir par la maîtrise de deux technologies : le clonage et la téléportation.
Twinsen est notre héros, pensionnaire de l'île de la Citadelle, actuellement interné parce qu'il n'a su se montrer discret à propos d'étranges visions au cours desquelles il assiste à la destruction de la planète. C'est donc dans un asile, sur l'île de la Citadelle - vous en visiterez de nombreuses - que l'aventure commence. Twinsen doit s'évader, retrouver son épouse. Malheureusement, à peine parvient-il à mettre son plan à exécution qu'il est rattrapé. A présent, Twinsen va parcourir la monde, et ce, bien sûr, pour sauver sa Zoé. Mais ne vous y trompez pas, le scénario de Little Big Adventure, simple, n'en est pas moins tout à fait exceptionnel ( en particulier parce qu'il est servi par des dialogues absolument remarquables ). Non seulement l'aventure est remarquablement longue - disons une trentaine d'heures, mais comptez que vous ne combattez presque jamais - mais elle est en plus palpitante, rythmée, surprenante.
"Je suis Twinsen, je m'évade"
Le scénario n'est pourtant pas l'ultime qualité du soft. Jamais, ô grand jamais, vous n'avez rencontré de jeu si fin. Les développeurs sont français, et çà se sent, tant l'humour est présent et fait mouche ( et oui, c'est toujours plus facile de rire de la finesse du texte d'origine que devant une traduction, qui plus est de la langue japonaise, semble-t-il bien éloignée de la notre ).
Quand on pense à l'univers de LBA, on ne peut que saluer la cohérence du tout : le planétoïde est sous l'emprise d'un dictateur sévère, et la structure géographique des villes vous le rappelle sans cesse : chaque lieu est muni de ses télépodes, par lesquels peuvent être au besoin envoyés des clones qui se chargeront soit de vous flanquer une raclée, soit de vous ramener à l'asile. Attention, vous voyagez et par conséquent, chaque île possède son asile, il y a à chaque fois une technique pour s'évader. Par ailleurs, vos incarcérations sont toutes précédées d'une petite FMV fort sympathique qui montre l'escalade progressive dans la violence infligée à Twinsen par ses bourreaux. Les clones sont vos adversaires récurrents, ils quadrillent les villes et forment des barrages que vous devez contourner ou détruire. Et vous ne pouvez pas toujours les affronter, pensez donc à être discret ! Cet univers est par ailleurs bien assez vaste puisque vous explorerez l'ensemble de la planète, par le biais de divers moyens de transport: l'hémisphère nord révèle de nombreuses surprises et vous n'y retrouverez sans doute pas les schémas propres à l'environnement auquel vous êtes habitué.
Cet univers est servi par une ambiance insoupçonnable. C'est presque d'un esprit LBA dont il faut parler, tant le jeu est unique. Cela ne passe pas par le charisme particulier de certains personnages : Twinsen est un homme ordinaire, le méchant du coin est particulièrement ridicule. Par ailleurs, peu de personnages sont récurrents, vous voyagez et rencontrer diverses gens qui vous renseignent, vous aident ou vous barrent la route. Mais la richesse de LBA vient justement de tous ces êtres anonymes, qui sont tous travaillés, qui ont tous bénéficié d'un soin minutieux, même si cela ne peut se manifester qu'en une misérable réplique. Pensez en outre que tous les dialogues sont parlés et bien parlés : LBA n'est pas une traduction et cela se sent, tant les jeux de mots sont nombreux, tant les voix sont convaincantes. La palme revient néanmoins à Twinsen, qui trouve toujours des solutions incroyables à tous les problèmes, n'hésitant pas à bluffer ses adversaires. Imaginez-vous, lorsque vous êtes incarcérez dans l'asile de l'île Principale, vous déclarez au garde : " Il y a une pierre bizarre dans le mur du fond, je risque de m'évader ! " et bien figurez-vous que cet abruti ouvre la cellule, vous laissant l'occasion de la castagner et de vous enfuir. Et ce n'est pas fini, car une minute plus tard vous parvenez à vous échapper par une fenêtre. Malheureusement, vous êtes surpris par un autre garde qui vous demande qui vous êtes. Bien sûr, si vous répondez " Je suis Twinsen, je m'évade ", vous retournez au trou, mais si vous dîtes " Je répare les antennes ", il n'y a aucun problème, et ce brave homme est mystifié. Le plus fort, c'est que si vous osez prétendre être " le père Noël ", çà passe aussi ! Bien sûr, tout ceci peut paraître relativement opaque à qui n'a jamais joué au jeu, mais il s'agit là de répliques devenues aujourd'hui cultes. Enfin, Twinsen engage la conversation avec les personnes que vous interrogez, et inutile de préciser que cette introduction change tout au long du jeu.
"Je cherche une jeune fille, elle est escortée par deux groboclones"
Twinsen recherche sa belle dans un univers riche, fin, qualités auxquelles s'ajoute la réalisation, fabuleuse pour l'époque, et encore tout à fait charmante. Parfois, lorsque l'on voit les démos des jeux " next-gen ", pour peu que l'on regarde des jeux comme LBA, on se demande si le jeu vidéo ne court pas à sa perte, dans son côté ludique, lequel est selon moi fondamental ( passons... ). Cà ressemble à de la 3D isométrique, mais cela n'en est que dans la mesure ou les décors sont vus de 3/4 : les personnages sont eux en 3D, bien animés, relativement soignés. La réalisation est suffisante pour vous faire entrer de plein fouet dans l'univers magique de LBA. Quelques FMV parsèment l'aventure, lesquelles étaient à l'époque formidables, mais sont bien sûr aujourd'hui dépassées, malgré quelques passages restés célèbres : le son qui les accompagne est mauvais, l'animation est saccadé, mais bon, souvenez-vous que cela a été développé il y a bien longtemps ! Pas de problème au point de vue graphique, ni en ce qui concerne les voix. Les musiques sont d'un style tout à fait différent de ce que vous pouvez découvrir dans les productions de type Square-Enix. Les thèmes s'articulent autour d'un thème principal, décliné, alors que la bande sonore est le plus souvent présent sous la forme d'un simple accompagnement, lequel rime tellement bien avec l'atmosphère qui se dégage de ce jeu ! Niveau réalisation, il n'y a vraiment rien à dire, Little Big Adventure fait partie de ces jeux immortels, qu'on ne trouvera jamais laid.
"Un prisonnier s'évade, déclenchez l'alarme"
Pourtant, LBA a un défaut majeur, qui l'empêche d'être tout à fait parfait. Son système de jeu est en effet à la fois excellent et déplorable. Commençons par le bon, car de là découle le moins bon. Tout est une histoire de modes : quatre sont disponibles dès le départ. Quand vous êtes " normal ", vous marchez à une vitesse normale, et vous pouvez parler aux autres personnages, actionner des boutons, lire des pancartes. En tant que " sportif ", vous courez et sauter par dessus les précipices : attention, vous vous cognez aussi aux murs. Si vous décidez de vous battre, il faudra adopter le mode " agressif " - l'air de Twinsen ainsi que sa démarche deviennent beaucoup plus menaçants ! Enfin, pour passer en douce, optez pour le mode " discret ". L'idée est absolument excellente, mais hélas mal exploitée. En effet, on est le plus souvent en mode normal - ce qui est après tout... normal - mais le mode sportif est bien pratique pour courir. En revanche, on n'arrête pas de se cogner et les sauter représente à chaque fois une manœuvre difficile parce qu'il faut s'arrêter puis sauter. Le mode agressif ne vous servira plus tellement dès que vous aurez trouvé des objets pour vous battre et je crois bien qu'on ne se sert que deux fois du mode discret. Ainsi, l'équilibre et rompu, et la maniabilité de mode sportif - celui qui demande le plus de précision - est mauvaise ( défaut en partie résolu dans LBA 2 ). Enfin, les combats plombent le tout : je ne vous en dit pas plus, mais la maniabilité n'est absolument pas adaptée. C'est du temps réel et cela demande à la fois une précision et une rapidité diaboliques. Si les combats avaient été meilleurs, LBA n'aurait pu souffrir de la critique, d'autant plus que le système de sauvegarde étant étrange, vous ne savez jamais où vous réapparaîtrez après un game over.
Restons toutefois sportifs, la maniabilité est un problème que l'on finit par résoudre, par ailleurs, les phases demandant une telle précision sont relativement rares. Vous vous arracherez certainement les cheveux dans le temple de Bù, mais d'ici là, vous serez tellement pris par le jeu que vous continuerez, jusqu'à passer l'obstacle. Little Big Adventure est sans exagération un véritable chef-d'œuvre, qu'il est bien difficile de comparer aux productions japonaises, mais dont on ne peut qu'admettre l'égalité sur le plan de la valeur. Adeline Software peut prétendre à inscrire son nom au panthéon, aux côtés de monstres comme Square ou Enix : oui monsieur ! Et on tient là à n'en pas douter l'un des plus grands jeux de tous les temps.
20/03/2007
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- L'humour fantastique
- L'univers unique et attachant
- Les dialogues fins et accrocheurs
- Un héros ordinaire
- La réalisation d'ensemble
- La bande-son mémorable
- La variété des défis et des situations
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- La mauvaise utilisation faite des quatre modes de jeu
- La maniabilité inadaptée aux combats
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GRAPHICS 4/5
SOUND/MUSIC 4.5/5
STORY 3/5
LENGTH 3.5/5
GAMEPLAY 2/5
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