C’est en décembre 1990 que Squaresoft sort SaGa 2: Hihou Densetsu sur Game Boy, à peine un an après que les joueurs aient pu découvrir Makaitoushi SaGa, premier épisode d’une série maintenant très connue des joueurs : SaGa. Par bonheur, ces épisodes ont eu droit à une traduction officielle pour sur le marché américain avec, pour des raisons commerciales évidentes, un nouveau titre : Final Fantasy Legend. Toute l’équipe d’Akitoshi Kawazu revient donc nous offrir ici la suite d’un RPG solide et, pour l’occasion, se paie le luxe d’affiner l’ensemble du système. Considéré comme l’épisode le plus abouti de la trilogie Game Boy, voyons de quoi il en retourne vraiment.
La Légende des Reliques
L’histoire débute quand, au beau milieu de la nuit, votre père vous réveille pour vous confier un éclat magique appelé MAGI (Hihou ou "Relique" en japonais). Il s'échappe alors, laissant votre mère et vous-même sans nouvelle, des années durant… Obsédé par ce dernier contact, le protagoniste décide, une fois arrivé à l’âge adéquat, de partir à la recherche de son père. Il découvrira, au fil de ses péripéties, que ce dernier est au cœur d’un conflit avec les dieux et qu’il lui faudra retrouver les 77 MAGI (reliques), reliquats d’une ancienne déesse, afin de contrecarrer les plans de ces derniers.
Tout comme le premier épisode, l’histoire principale servira de prétexte pour vous faire voyager entre différents mondes où il faudra résoudre un conflit afin de passer au suivant. Un gimmick intéressant qui permet à Akitoshi Kawazu et son équipe de faire varier comme bon leur semble l’univers du jeu, le plot local, les personnages, voire même mixer certaines temporalités. Ainsi, vous débutez votre aventure dans un monde classique de fantasy, quand, un peu plus tard, vous foulerez les terres d’une ville moderne, bitumée et entourée de multiples gratte-ciels, ou bien, encore plus tard, vous aiderez le détective local à résoudre une enquête en plein Japon féodal.
La variété est donc de mise et la curiosité de découvrir ce que le prochain monde nous réserve ne cesse de nous faire aller de l’avant. Le tout mené par un fil conducteur plutôt correct, mettant en scène votre père ainsi que plusieurs personnages récurrents au travers de quelques twists, certes désuets, mais plutôt bienvenus.
Pour l’anecdote, le passage du jeu en occident a eu quelques répercussions sur la trame. De manière… plus ou moins réussie, pour ne pas dire ratée. Deux passages en particulier retiennent notre attention.
Le premier concerne toute l’histoire de Lynn où le héros s’énerve quelque peu contre son père, parce qu’il surprend la mère de Lynn s’adresser à ce dernier en disant “ta fille” (parlant de Lynn). Le héros arrive très vite à la conclusion que son père a trompé sa mère dans ce monde et qu’il ne revenait pas pour cette raison. On découvre plus tard les vraies raisons qui ont amené le père à agir ainsi, mais toute cette histoire d’adultère présumé est traduite de manière très nébuleuse en version US ce qui rend ce tronçon… bizarre, pour ne pas dire incompréhensible.
Le second passage s’est tout simplement pris une couche de censure. C’est lors de l’enquête que l’on mène sur le trafic de “bananes”. Évidemment, aucun joueur n’est dupe et il est absurde que des “bananes” soient si… illégales. Une censure de traduction, par Nintendo America, en lieu et place d’opium, bien entendu.
Une nouvelle classe
SaGa II reprend les bases du premier épisode et ne fait que les affiner. Les joueurs ne seront donc pas dépaysés de passer de l’un à l’autre. Structurellement, c'est la même chose.
Le joueur commence par créer son équipe de 4 personnages parmi plusieurs races. On y retrouve bien sûr les trois du premier opus : Mutants, Monstres et Humains. Pour ces derniers, fini de les gaver de potions, maintenant, leurs statistiques évoluent comme celles des mutants : augmentation aléatoire des statistiques en fin de combat, dépendant de leurs actions pendant ce dernier. Un bon point, moins fastidieux qu’auparavant. Les humains restent toujours la classe moyenne mais efficiente dans tous les domaines, les mutants se spécialisent en magie, principalement, de manière plus prononcée et les monstres fonctionnent toujours de la même manière : se transforment en mangeant la viande laissée par les ennemis en fin de combat et héritent de capacités uniques.
La grande nouveauté de cet épisode, c’est le robot ! Une classe atypique dépendant uniquement de l’équipement que vous lui attribuez. Ainsi, plus vous lui donnez d’éléments d’armures, plus votre défense augmentera (et les HP par la même occasion). Inversement si vous voulez en faire un robot offensif, vous lui donnerez un maximum d’armes. Il peut tout équiper sauf les magies, ce qui en fait un job très versatile, extrêmement utile en début de partie pour jouer le Tank, ou en fin de partie, armé de bazookas pour exterminer de larges groupes d’ennemis en un coup. Un peu déstabilisant au départ, mais très réussi.
Un gameplay légèrement amélioré
Un autre ajout notable de cet épisode est l'arrivée des Guests. Un cinquième personnage, lié au scénario, qui viendra se greffer à votre équipe et qui reste entièrement contrôlable. Souvent puissant, il sera l’occasion de vaincre plus facilement les groupes d’ennemis et d’apporter un peu plus de piquant au scénario.
Pour le cœur du système on retrouve les mêmes principes qu’auparavant, à savoir une évolution basée uniquement sur des statistiques (il n’y a pas de niveaux) et un système de combat au tour par tour où toute la difficulté s’inscrit dans la gestion de la durabilité des armes et magie. À l’instar du premier, il n’est ainsi pas rare de sortir du donjon la queue entre les jambes afin d’aller recharger ses armes et capacités à l’auberge du coin. Néanmoins, cette difficulté se nivelle au fil du jeu grâce à la présence de tentes et autres objets / sources de vie, disséminés ici et là. Pour peu que votre équipe soit bien gérée, on finit par rouler relativement vite sur les combats aléatoires et par avancer vite dans chaque nouveau monde. Néanmoins, l’épée de Damoclès flotte toujours au-dessus de nos têtes et se prendre un revers plutôt fulgurant au détour d’un boss est vite arrivé.
SaGa 2 ne pardonne pas (surtout pour son dernier boss) et il faudra creuser un minimum le système et monter ses personnages consciencieusement pour en voir le bout.
S’ajoutent quelques détails, ici et là, qui viennent améliorer le plaisir de jeu et niveler la frustration - relative - que l’on pouvait ressentir dans le premier épisode.
On pourrait ainsi noter qu’un personnage mort en combat revient maintenant avec 1 HP, ce qui évite une fois de plus la lourdeur de l’ancien système (avec son système de vies). Que le jeu nous prévient maintenant quand un des personnages gagne des points de statistiques ou une nouvelle magie (et oui, ce n’était pas le cas). Qu’un journal fait maintenant aussi son apparition pour noter les éléments importants de votre quêtes (et ainsi, moins se perdre) ou encore que chaque MAGI obtenue peut être équipée et améliore encore plus vos statistiques voire même peut vous offrir de nouvelles capacités (comme le sort bien-aimé AEGIS !). Des ajouts de QoL (Quality of Life) bienvenus donc, qui rendent l'expérience légèrement moins rugueuse que le premier épisode.
Notons aussi que, pour l’anecdote, Kawazu a ajouté une petite surprise au joueur en cas de Game Over : le joueur se retrouve alors devant Odin qui lui propose de le ramener en vie en échange d’un dernier combat. Un petit élément sympathique (et temporaire) permettant de niveler un peu plus la difficulté du titre tout en l’inscrivant dans la trame principale.
De plus, pour appuyer ces derniers paragraphes, Kawazu a sorti, dans une interview sur dengekionline (2015), qu’il considérait cet épisode comme la version "complète" du premier SaGa. Rien que ça.
La technique dans tout ça ?
D’un point de vue technique, le titre n’a pas bougé d’un iota depuis le premier épisode. On retrouve la même interface, les mêmes sprites, les mêmes assets. Évidemment, le bestiaire, lui, est revu à la hausse avec de nombreux nouveaux ennemis et quelques uns de ces derniers forcent le respect. Certains boss, en particulier, possèdent un design particulièrement réussi et convaincant. Mais l’intérêt visuel principal reste dans la diversité des mondes que l’on traverse, dans son renouvellement et les passages dans le monde Céleste. Pour le reste, c’est assez pauvre. L’animation est minimale, les ennemis toujours figés et seules quelques capacités ou magies viendront pimenter l’interface des combats. Une direction artistique rigide mais fonctionnelle, dans la lignée directe de ce que faisait Squaresoft à l’époque, que ce soit sur NES ou Game Boy. On ne s’en plaindra pas outre mesure.
La plus grosse nouveauté débarque dans l’équipe sonore : Kenji Ito fait son apparition chez Square et signe ici, aux côtés de Nobuo Uematsu, une bande sonore pour le moins correcte. À l’image du premier épisode, l’ensemble se révèle bien trop répétitif pour vraiment sortir du lot mais quelques très bonnes pistes comme Burning Blood ou Wipe Your Tears Away arrivent à tirer leur épingle du jeu. Dommage pour Searching for the Secret Treasure qui, après l’avoir entendue en boucle pendant de nombreuses heures, aura du mal à passer.
Et après ?
L’aventure se boucle en une bonne quinzaine d’heures et peu d’annexes viendront véritablement la rallonger. Seul le Nasty Dungeon - optionnel - vous offrira une petite heure de jeu supplémentaire avec quelques très bons équipements à la clé (dont la Glass Sword !). Néanmoins, de nombreuses combinaisons restent à expérimenter au travers des différentes classes et les plus acharnés auront largement de quoi creuser pour optimiser leur playthrough et fur et à mesure des runs.
Un remake de cet épisode est apparu sur DS en 2009, intitulé SaGa 2 Hihō Densetsu: Goddess of Destiny et reste entièrement dirigé par Kawazu. Malheureusement, ce remake n’est jamais sorti officiellement du Japon (une traduction amateur existe). Pour l’occasion, le titre se pare d’une toute autre robe, à la fois menée par Gen Kobayashi (chara-designer qui avait officié sur The World Ends With You peu de temps avant) et d’une révision complète de l’OST par Kenji Ito lui-même. Si l’histoire reste similaire, quelques ajustements de gameplay viennent changer quelque peu la donne, comme un leveling moins aléatoire que l’original où chaque classe possède ses propres lignes d’évolution, la possibilité d'enchaîner plusieurs combats pour booster l’expérience ainsi qu’un nouveau système pour combiner les coups des personnages. De plus, un système d’affinité entre les personnages est ajouté, ce qui donne lieu à de nouvelles scénettes. Enfin, ce remake dispose aussi d’un mode multijoueur - anecdotique - pour combattre à plusieurs les boss du jeu.
Si l’aventure peut sembler rugueuse et difficile d’accès, ce SaGa II sait offrir au joueur une aventure intéressante tout au long de ce voyage inter-dimensionnel au système de combat quelque peu complexe au premier abord, mais très gratifiant sur la durée. On lui reprochera peut-être ses trop grandes similarités avec le premier épisode mais, au-delà de ça, nul doute que SaGa II s’inscrit comme un incontournable du support et reste une pierre fondatrice de ce que deviendra la série par la suite.
30/11/2022
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- Le multiverse
- Un système de combat profond
- Les classes, toutes réussies
- les ajouts de QoL
- Un jeu exigeant
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- La durabilité des armes
- le classicisme global
- Un jeu exigeant
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GRAPHICS 2.5/5
SOUND/MUSIC 3.5/5
STORY 3.5/5
LENGTH 4/5
GAMEPLAY 3.5/5
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