Après
Xenogears et
Xenosaga, œuvres aux destins aussi légendaires que chaotiques, on tenait Tetsuya Takahashi pour un créatif génial mais torturé. Le genre de type capable d'imaginer des mondes où la science-fiction dispute la vedette à la métaphysique et à la pensée
Nietzschéenne, mélange ô combien original mais difficile à vendre hors d'une certaine niche. Dans une certaine mesure
Xenoblade Chronicles fut sa rédemption, succès critique autant que commercial et RPG majeur de sa génération, bien plus accessible tout en marquant les esprits de son concept ambitieux.
Dans cette optique, l'Histoire retiendra moins un
Xenoblade X relégué au rang de spin-off tellement son écriture semblait loin de l'ambition narrative du démiurge, malgré d'indéniables qualités. On ne pouvait qu'espérer, une fois une "vraie" suite annoncée pour la série, que le précédent ne soit qu'un accident de parcours afin que le retour en grâce soit total. Ce qu'on peut être naïfs...
Grandeur et décadence
Dans le monde d'Alrest ne s'étend qu'une mer de nuages à perte de vue, uniquement déchirée par l'Arbre Monde et occasionnellement le passage d'un Titan. Ces créatures, imposantes au point d'embarquer toute une faune et une flore, ont développé toute une topographie de montagnes et vallées, de grottes et de lacs. Les civilisations humaines s'y sont lovées en tirant partie des Lames, une autre espèce humanoïde enfantée de cristaux. Les Lames sont liées à leur maître, qu'elles servent dans les tâches quotidiennes, ou guerrières, jusqu'à la mort de l'hôte, moment où elles retournent dans leur cristal cœur en attendant d'être à nouveau invoquées, vierges de toute mémoire passée. Mais au moment où le joueur jette un œil sur ce panorama, ce qu'il voit est loin d'être idyllique ; Alrest est exsangue, les titans se meurent et les nations restantes entrent en conflit ouvert du fait du dépérissement des ressources, par pur besoin de survie.
Rex, notre héros, fait partie des récupérateurs, un corps de métier qui plonge au plus profond de la mer de nuage pour en remonter quelques modestes richesses ou autres ruines d'un passé lointain. Sur le dos de son petit titan personnel, il n'a qu'un regard fataliste sur l'état du monde. C'est ce moment que le destin choisit de frapper, en offrant brutalement au jeune garçon une échappatoire sous les généreuses formes de Pyra, une Lame particulière (et convoitée) qui l'exhorte à l'accompagner au sommet de l'Arbre Monde pour le salut de l'espèce humaine. Les voilà partis dans cette entreprise un peu folle, avec une bonne partie des gouvernements mondiaux aux fesses.
En soi, l'univers de Xenoblade Chronicles 2 était alléchant : reprendre le concept du continent Bionis du premier opus tout en le déclinant et en l'enrichissant de nouvelles idées. La principale étant la dualité qui existe entre la fonction servile des Lames et les besoins d'humanisation et d'émancipation de certains de leurs individus. Bon point, l'histoire met un point d'honneur à ne jamais rester longtemps manichéenne. Et cela fonctionne plutôt bien comme dépaysement, jusqu'à ce que l'on prenne conscience que jamais le jeu n'ira en profondeur. Prenons le jeune âge du protagoniste, qui faisait déjà débat avant la sortie du jeu. Il est en fait pratique : l'immaturité de Rex permet de justifier sa profonde naïveté comme son impulsivité typique des héros
shonen très codifiés, mais également ne pas s'embarrasser de questions pourtant évidentes sur les évènements passés, et donc de faire surgir la réponse en temps voulu. Une grosse ficelle qui a ses inconvénients, notamment celui de laisser de nombreuses questions sans réponse.
L'écriture des dialogues a beau ne pas atteindre les tréfonds subis dans
Xenoblade X, celle du scénario se montre symptomatique des jeux à rallonge de notre époque. Si l'aventure prendra au bas mot 60 heures bien tassées, même en ligne droite (ce que personne ne se risquera à faire), les auteurs aux manettes n'avaient visiblement pas matière à développer une trame évoluée, tout Takahashi (et co.) qu'ils soient. Du coup pour tenir la longueur, et bien on dilue, et à grosse dose. On se demandera pendant toute la première partie du jeu pourquoi personne ne pense à camoufler l'emblème qui ceint la poitrine - perpétuellement à l'écran - de l’héroïne, alors que le monde entier la reconnait et pourchasse le groupe à cause de ça. Puis, comment nos héros et leur part d'ombre peuvent se côtoyer si longtemps sans une fois poser des questions aussi évidentes que "qui es-tu", "pourquoi me veulent-ils du mal", ou encore "pourquoi moi ?" pour paraphraser Nathalie. Loin de moi l'idée de demander à un tel jeu de cracher les morceaux de façon anticipée, mais, venant d'un créatif connu pour la complexité de ses scénarios, on est en droit de s'attendre à un minimum de cohérence. Ou a minima, à des raisons valables à ce silence. Il serait malhonnête de ne pas reconnaître dans la patte de Takahashi un certain entrain à baser ses histoires et personnages sur des concepts (métaphysiques, religieux, philosophiques) bien documentés, une règle auquelle
XC2 ne déroge pas. D'aucuns en tireront des enseignements fouillés (
ici un article en anglais sur les liens entre le jeu et Platon, rien que ça), d'autres trouveront originale la patine que cela donne à ses bébés. Difficile cependant, une fois les joycons entre les mains, de s'émerveiller devant la forme choisie pour enrober ces références.
Dés(art)streux
Depuis qu'on arpente les univers des
Xenoblade, les mondes qui entourent le joueur jouent un rôle primordial, pour ne pas dire central dans l'expérience de jeu. Mais là encore ce second opus ne parvient pas à marquer des points sur ses aînés. Le fait est qu'entre les niveaux séparés du premier du nom, aux caractères si tranchés qu'ils étaient instantanément identifiables visuellement et auditivement (impossible de confondre les Marais de Satori et la jungle de Makna), et le monde plus ouvert et cohérent du spin-off "
Cross",
XC2 n'a pas su sur quel pied danser.
Le jeu se découpe donc en une demi-douzaine de grandes zones sises sur les Titans, eux-mêmes flottant sur une mer de nuages à perte de vue. Premier problème déjà, puisque si le voyage rapide a toujours facilité les déplacements, et est ici conservé, on passera par contre de Titan en Titan avec l'unique concours d'une cut-scene ; l'immersion dans un monde gigantesque en prend d'ores et déjà un coup. Mais une fois bien installé on est en terrain connu, crapahutant du postérieur de la bête à son museau en passant par son œsophage, comme on le faisait à l'époque de Bionis. La profondeur de champ permet de bien profiter des plaines où folâtrent nos futurs adversaires, et le
flow marche alors plutôt bien. Seulement tout se ressemble un peu au sein des Titans. L'identité visuelle de chacun est bien marquée (ambiance désertique, marécageuse ou encore vallée enneigée) mais en dehors d'un ou deux panoramas rien n'imprime particulièrement la rétine. Il est d'ailleurs dommage de constater que le savoir-faire était là, avec la trop rare apparition de la tête d'un Titan au loin, en train de bailler derrière ses montagneux omoplates. Ou encore l'Yggdrassil qui illumine parfois les cieux à l'horizon, une fois la nuit tombée. L'un des seuls backgrounds visuellement marquants attendra la fin du jeu pour montrer ce que la Switch a dans le ventre, et c'est bien dommage : dans des décors qu'on traverse en long en large et en travers, au gré des quêtes répétitives, avec une seule musique par titan,
Xenoblade Chronicles 2 aurait gagné à asseoir son potentiel d'entrée de jeu pour flatter le joueur. En conséquence et malgré une touche "artistique" (puisque techniquement en deçà des attentes) indéniable des zones de jeu, elles n'ont pas l'impact attendu.
Ce qui caractérise le mieux
XC2, plus que la démesure, c'est l'anarchie. Le jeu a beau conserver le même canevas que son ainé (exploration gigantesque, quêtes annexes
fedex, gameplay dynamique) il l'agrémente d'idées sans se soucier de garder intacte une certaine harmonie. Cela se ressent directement quand on compare d'une part les environnements qui gardent cette optique artistique si chère à la série, et d'autre part le
chara-design très shonen-manga de l'équipe de base. Certains membres féminins se retrouvent défigurés par un
male gaze prégnant à l'inutilité proportionnelle à la taille du bonnet, et la multiplication des chara-designers à l’œuvre sur les différents compartiments du jeu rompt toute homogénéité des graphismes. Si les personnages principaux ont été confiés à
Masatsugu Saito pour les protagonistes et au plus connu
Tetsuya Nomura pour les antagonistes, une vingtaine d'artistes (dont
Soraya Saga) aux styles et backgrounds bien distincts se disputent les Lames Rares. C'est ainsi qu'on se retrouve à côtoyer des humains, hommes-bêtes et Nopons qui cohabitent avec des Lames aux grands yeux brumeux de
shojo manga dans un mélange des genres assez peu digeste. Et ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg.
En fait la raison en est probablement très pragmatique. En attendant un post-mortem sur le pourquoi de
tels choix, la logique voudrait que Xenoblade 2 ait à la fois voulu capitaliser sur les singularités de sa série tout en élargissant sa cible, notamment japonaise. Problème, la vision de ladite audience devait être bien caricaturale tant les changements et les nombreuses idées entrent de plein fouet en contradiction, tant avec l'image de la licence qu'avec le fonctionnement même d'une aventure si dense.
Si je combote et que tu circules, comment veux-tu qu'on accumule ?
C'est avant tout la faute à l'incapacité du jeu à expliquer simplement ses mécaniques autant qu'à proposer une interface utilisateur claire : celle de Xenoblade Chronicles 2 est bardée d'informations qui se chevauchent, d'effets et chiffres qui explosent partout à l'écran. Et avec trois personnages accompagnés chacun d'une Lame (soit six unités alliées à afficher) la moindre anicroche contre un Lapix devient une mêlée désorganisée. Elles peuvent vite dégénérer aussi, les rôdeurs alentours ont l'esprit de meute et n'hésitent pas à venir défendre leurs congénères dans ce qui s'apparente alors à un bain de sang, la caméra étant incapable de viser facilement l'ennemi voulu. À première vue, c'est donc très compliqué à comprendre et à maîtriser.
Le système de combat, sur son concept, est pourtant aussi limpide qu'efficace et tactique, car tout repose sur une base commune : l'accumulation. Standard de la série, les attaques automatiques sont moins là pour faire du dégât que pour remplir les jauges de ses trois Arts de Pilote. Une fois un Art disponible, le personnage peut bénéficier de ses effets en abattant l'arme fournie par sa Lame sur l'adversaire, ce qui a aussi pour conséquence de remplir la jauge d'Art spécial. Cet Art de Lame se développe sur quatre niveaux avec chacun ses bonus et - chose importante - un élément dépendant de la Lame utilisée. C'est important car l'affinité élémentaire conditionne le reste des événements avec l'arrivée des Combos de Lames : il s'agit d’enchaîner un Art spécial de niveau 1 avec un Art Spécial de niveau 2, puis 3, seul ou en se servant des deux alliés qui accumulent les jauges de leur côté. Ça n'est pas si évident à utiliser au départ, d'autant plus que le temps est limité pour ce faire, mais une fois le système et l'UI décryptés, on comprend que seules des combinaisons précises d'éléments débloquent le niveau de puissance suivant, synonyme d'attaque de plus en plus destructrice. Le troisième niveau d'Art de Lame va lui-même poser un malus sur l'ennemi, malus qui servira pour la suite.
Vous le voyez par la longueur de ces explications,
Xenoblade 2 fonctionne par des jauges qui débordent les unes dans les autres et interagissent entre-elles. Cela semble plus complexe que ça n'est en réalité, et le joueur finira par en comprendre les principes par lui-même tôt ou tard. Mais les ennemis ont tendance à être des sacs à PV si l'on se contente de leur envoyer des coups simples, et pour faire de vrais dégâts les combos de niveau 3 ou l'Art de niveau 4 (qui est une attaque en solitaire mais très efficace) sont le minimum permettant d'atteindre des chiffres sérieux. Au fil du combat, une jauge de groupe se remplit, qui permettra de requinquer un personnage KO ou, une fois pleine, de déclencher un Enchaînement. En soi, ça n'est qu'une succession de 3 puissantes attaques choisies parmi les Lames disponibles sur les personnages ; comme pour toutes les autres composantes du jeu, on tapote le bouton B en rythme pour en booster les effets mais guère plus. Là où ça devient sérieux c'est lorsque l'ennemi est sous le joug d'un malus élémentaire. Les attaques de Lames (et particulièrement celles d'élément opposé) vont entamer la résistance de ces orbes jusqu'à les faire exploser, augmentant alors le multiplicateur de dégâts et offrant trois attaques supplémentaires au groupe. Pour vaincre les ennemis les plus puissants, le joueur expérimenté devra poser ses orbes avec minutie avant de les faire rompre, améliorant exponentiellement les blessures infligées.
On a souvent reproché à
Xenoblade, la série, son utilisation de l'auto-attaque, comme si cette seule feature en faisait le chantre de la passivité des jeux d'aujourd'hui, presque un MMORPG hors-ligne avec ses
jauges d'attente. Une exagération, en fait, et surtout dans ce nouvel épisode. On l'a vu, les mécaniques de combat ont choisi, à défaut d'être directement lisibles, une direction engagée : celle d'obliger le joueur à user de toutes les cordes à son arc pour venir à bout du moindre ennemi. La lenteur de l'arrivée à maturité du système est aussi frustrante en cours de combat que pour son développement au cours de l'aventure - comptez une bonne vingtaine d'heures pour en débloquer tous les aspects primordiaux - mais, une fois épanoui, le système se révèle plutôt tactique et dynamique. S'il ne contrôle directement qu'un seul personnage un peu pataud, le joueur n'en reste pas pour autant statique. Il doit se positionner pour maximiser les effets de ses attaques (boosts des frappes de côté, par derrière ou de face). Changer de Lame au moment opportun en fonction de l'évolution du combat, du type d'ennemi, des forces et faiblesses de ses aides ou des besoins immédiats de Tank ou Soigneur supplémentaires. Prêter attention aux différentes jauges, lancer un combo au bon moment pour bénéficier de l'amélioration des dommages, tout ça en même temps et en prenant garde à ne pas tomber d'une falaise ou aller barboter dans l'eau du lac voisin, qui occasionneront la mort pour l'une et une totale inaptitude à se défendre pour l'autre. Bref le système de combat se débat avec quelques choix étranges qui le plombent, comme l'incapacité nouvelle des personnages à frapper en mouvement, qui force à trouver des parades au risque de créer des
exploits facilement abusifs au détriment du jeu. Mais il serait tout de même déloyal de le labelliser simpliste ou inintéressant d'un simple coup d’œil.
Russian Roulette
On parlait quelques lignes au-dessus de "choix" entrepris par les producteurs, scénaristes ou les développeurs du jeu. Certains sont anodins, d'autres dictés par les contraintes techniques, mais on en retrouve qui font plus que polluer l'aspect graphique : ils déconstruisent tous seuls les mécaniques de gameplay.
C'est particulièrement flagrant quand on scrute la mécanique régissant les Lames, entités sur lesquelles se base l'ensemble des systèmes de jeu, du combat à l'exploration. Cette mécanique est presque totalement aléatoire - on peut dans une certaine mesure manipuler le résultat obtenu - car elle s'apparente au concept de
Gachapon, vieil attrape-nigaud de salles d'arcade qui revient actuellement à la mode par l'intermédiaire des
Free-to-Play mobiles : si chaque personnage possède une Lame originelle et scriptée, les secondes et troisièmes aides équipables doivent être libérées de leur cristaux par l'intermédiaire du menu. Ce qui consiste à "ouvrir" un cristal, se taper 20 secondes de cinématique (
suspense !) avant de découvrir notre nouvel ami. De très, très nombreuses fois. Car obtenir une Lame vaguement utile n'est déjà pas acquis, la plupart seront des Lames au look robotique de base dotées de capacités minables, l'obtenir sur un allié à laquelle elle sera adaptée l'est encore moins, et, au final; seules les plus rares seront dans le viseur du joueur. Là est tout le paradoxe, avec des palanquées de
no-names seulement utiles pour leurs capacités de terrain et pour garnir le système de missions automatiques dans la seconde partie du jeu, et à côté quelques dizaines de Lames plus intéressantes, mais excessivement frustrantes à obtenir même avec les cristaux les plus précieux.
Déjà peu gratifiant pris individuellement, ce système de récupération aléatoire de nombreuses Lames devrait au moins être utilisé par l'équipe. Dans les faits, on en est loin : une grande partie de l'aventure durant, seuls deux personnages auront accès à l'invocation et au changement
ad hoc des Lames du groupe. Symptomatique de ce paradoxe, Tora est un pilote qui ne peut utiliser que son robot Poppi comme Lame de synthèse, les autres lui étant interdites. À première vue,
Monolith a prévu de quoi remplacer ce manque ; Poppi est seule, mais largement customisable. C'est la seule Lame à pouvoir changer d'élément, de rôle, et quasiment de toutes autres caractéristiques, ce qui en fait un couteau suisse ambulant et, il faut le reconnaître, plutôt drôle. Seulement cela prend du temps, de longues minutes dans un menu déjà peu ergonomique, avec impossibilité d'enregistrer des sets précis que l'on pourrait changer à la volée. Et c'est aussi coûteux en ressources, uniquement disponibles via un mini-jeu d'arcade dédié façon
shmup retro, qui débloque ses niveaux tout au long de l'aventure : encore une idée originale mal intégrée au jeu. Voilà donc un des piliers de l'équipe figé dans son rôle au sein d'un système qui, au contraire, pousse à jongler entre différents rôles et Lames.
Sur le papier, ce choix était limpide et n'avait rien de dramatique, mais dans les faits son mauvais réglage phagocyte l'expérience tel un cancer sournois. Car on se prend au jeu, et même sans être particulièrement collectionneur, les Lames rares disposent de capacités uniques et de quêtes qui leur donnent un peu d'épaisseur et de personnalité au point qu'on finira par avoir nos chouchous. Mais les "chances" d'obtenir une bonne Lame sont faibles et dégressives, et au bout de l'aventure ce seront plusieurs (dizaines d') heures qu'on aura dépensé dans l'ouverture de pochettes surprises, dans le farming de cristaux légendaires sur les bêtes les plus coriaces. Comme une volonté de délayer une durée de vie qui n'avait pas besoin de ça pour se tenir par elle-même.
"Tu enfanteras dans la douleur"
Malgré tout ce que l'auteur de ces lignes trouve à redire, les heures s’enchaînent jusqu'à dépasser facilement les trois chiffres. On trouve un équilibre entre la poursuite du script et les nombreuses annexes, l'obligation d'en passer par la récupération d'objets pour développer les villes, l'exploration à la recherche de nouveaux trésors ou ennemis uniques, séances de level-up et l'ouverture quotidienne de son deck à la recherche d'un coup de chance. On voit que le bébé de Takahashi reposait sur un socle basique mais solide, que sont venues pervertir des considérations mercantiles, les mécaniques de jeu expliquées plus haut mais aussi des contraintes de temps, qui rejaillissent sur l'ergonomie et le fignolage technique.
On s'en rend brutalement compte dès lors qu'on se téléporte d'un endroit à un autre, ce qui s'accompagne d'un clipping soutenu même avec la Switch en mode docké. Également, dans l'obligation de passer par une dizaine de menus pour les fréquents réglages des capacités de nos Lames et personnages. Et pour finir, au travers de la problématique posée par la carte, organe central et essentiel, dans un jeu où l'on saute constamment d'un endroit à un autre au gré des quêtes, et qui se retrouve ici non seulement souvent trop peu lisible, vis-à-vis des besoins, mais aussi très lourde à utiliser. Si un bouton de la manette est tout entier dédié à l'appel du déplacement rapide, la première version du jeu demandait jusqu'à 5 pressions de bouton et choix dans un menu déroulant avant d'arriver sur la carte de la zone actuellement parcourue. Un comble, heureusement en partie patché depuis, comme d'autres ajustements
post-release (mention spéciale à la possibilité de passer la cinématique de naissance des Lames Rares, ouf !), mais cette anecdote permet de parler d'un des problèmes centraux du jeu : il aurait nécessité quelques mois de développement en plus, minimum. Entendons-nous bien : en l'état
Xenoblade Chronicles 2 n'est pas à jeter, loin de là, et si cet article peut parfois sembler à charge, il relève, avant tout, des problèmes qui gâchent l'expérience d'un jeu au potentiel autrement plus engageant. Certains joueurs de la première heure semblent n'avoir pas eu de mal à s'enthousiasmer malgré ça, et tant mieux pour eux. Mais une critique, c'est aussi tenter d'expliquer les raisons de l'échec d'un projet vis-à-vis de sa cible et du passif de la licence.
En ces termes, si la mécanique Gacha et le
chara-design frivole s'expliquent par une volonté manifeste d'attirer un public plus "japonisant", moins regardant peut-être de la pertinence de l’œuvre, le reste n'est que stigmates d'un développement hâtif. On retrouve
à force d'interviews - souvent fermées chez les créateurs japonais - des bribes d'explications.
Nintendo aurait souhaité disposer d'une IP forte pour porter le lancement de sa nouvelle console, et
Monolith d'accepter le poids d'un tel challenge. Si la préproduction courrait depuis quelques années déjà et que l’équipe put s'appuyer sur le moteur du précédent épisode pour livrer son produit en temps et en heure à peine un an après le début du développement effectif, on ne peut que douloureusement constater les répercutions sur la technique comme sur la cohérence de l'ensemble. Malgré toutes les excuses qu'on peut trouver à
MonolithSoft, il est difficile de tout leur passer.
Dans sa quête de se montrer à la hauteur de son grand frère, Xenoblade Chronicles 2 a pris le mauvais chemin et passe à deux doigts de tomber de la falaise. Si tout n'est pas à jeter dans cette aventure longue et riche, au gameplay plutôt dense (bien que mal expliqué), certains choix radicaux et difficilement pardonnables plombent méchamment le jeu. Une direction artistique de mauvais goût, voire franchement racoleuse, mais surtout inégale, entre les phases d'exploration et le chara-design assurés par des équipes aux visions trop éloignées l'une de l'autre. Des mécaniques hasardeuses tout droit sorties des jeux mobiles les plus indigents. En cherchant à doter trop rapidement la Switch d'une system seller, le dernier né de MonolithSoft se tient tout à fait comme RPG de moyenne gamme mais ne peut que décevoir quand on attend une suite valable à l'un des jeux les plus encensés de la dernière décennie.
20/04/2018
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- Mondes gigantesques
- Contenu titanesque...
- Système de combat prenant...
- La bande son se laisse écouter
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- Bordélique à tous les niveaux
- ... mais rarement qualitatif
- ... énormément de temps à décoller
- Gros soucis d'ergonomie et choix peu glorieux
- L'écriture du jeu à base de poncifs éculés
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 3.5/5
STORY 2.5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 3.5/5
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