Il y a vingt ans, le Japon avait le plaisir d'accueillir sur la redoutable PlayStation la neuvième partition d'une symphonie devenue au fil des opus de renommée mondiale. Prenant à contre-pied les tendances sérieuses et réalistes de ses deux aînés, Final Fantasy IX se présentait à première vue comme un florilège de couleurs, de pays étonnants et merveilleux. À n'en pas douter, il fallait faire ses bagages et se préparer pour un voyage une nouvelle fois mémorable à bien des égards !
"Vivre, c'est prouver qu'on vit ?" (Bibi)
Final Fantasy IX qui, aux dires du père de la série, Hironobu Sakaguchi, reste l'épisode se rapprochant le plus de l'idée qu'il s'en faisait, fut le dernier dans lequel s'impliquèrent à ce degré non seulement celui-ci, mais également le compositeur historique, Nobuo Uematsu. Il convient cependant de corriger une idée selon laquelle cet épisode aurait aussi marqué l'ultime retour de Yoshitaka Amano puisque, s'il est bien l'auteur du logo et de croquis, c'est bien Hideo Minaba qui en fut le directeur artistique - son poste, également dans
Final Fantasy VI, mais aussi
Final Fantasy Tactics et
Final Fantasy XII. Cela n'enlève en rien la dimension terminale que revêtait cet épisode, réalisé par Itô, déjà à la manoeuvre sur
Final Fantasy VI, créateur de l'Active Time Battle
, et remplaçant, quelles années plus tard, Matsuno pour achever
Final Fantasy XII.
Il apparait que Final Fantasy IX marqua la fin d'un cycle : il fut le dernier à proposer des décors en 3D précalculée, à utiliser l'ATB classique (qui commençait à se montrer un peu mollasson), ou encore à séparer l'exploration classique de celle de la carte du monde. Ce gameplay, alternant de façon régulière villages, carte, donjons, combats aléatoires, connaissait ses dernières heures et s'effacerait dès l'épisode suivant, bien aidé dans ses funérailles par la généralisation de la 3D.
Juxtaposés aujourd'hui, depuis la Fin des Temps, aux superbes Omnislash, Lionheart ou autres As du Blitz, aux rafales de Lightning et aux galops d'un Vaan, voire d'un Noctis, comment ne pas trouver le gameplay de Final Fantasy IX... résolument Classique ?
"Mon désir, mes capacités ? Veux-tu que je te les montre un instant ?" (Tarask)
On pourrait redouter également que le graphisme général, malgré l'amélioration des textures apportée aux personnages par cette version, n'accuse le poids de l'âge. Dans les faits, c'est bien pire ! L'absence de travail sur les décors ajoute à la relative grossièreté des modèles 3D une bouillie infâme en guise de paysages, sur lesquels ne s'intègrent plus du tout les personnages. Là où les décors furent un atout plastique majeur et un vecteur d'émerveillement infini, ne plane plus que l'ombre de la déception.
Cependant, un patch amateur (Moguri HD, facilement trouvable sur Internet) transforme le plomb en or, et la citrouille redevient le carrosse qu'exigeait la princesse Grenat. Cette version, qui avait déjà l'avantage de proposer un 60hz et une multitude de langues (ainsi que quelques boosters optionnels bienvenus pour quiconque voulant se concentrer sur l'aventure) se métamorphose par le biais de ce labeur amateur en une superbe réussite. Patchée (et seulement si elle est patchée), la version PC de Final Fantasy IX est tout simplement la meilleure... et de loin !
"Je fais ce que je veux. Ça te dérange ?" (Quina)
Si Final Fantasy IX rappelle le sixième opus, en ce que se multiplient les séquences au cours desquelles d'autres personnages sont mis sous le feu des projecteurs, le héros en reste Djidane (dont le nom est vraisemblablement inspiré du mot "gitan"), voleur au grand coeur mandaté par le roi Cix IX de Lindblum pour enlever la jolie princesse Grenat di Alexandros, fille de l'abominable reine Branet, afin d'éviter une guerre qui ravagerait le Continent de la Brume.
Quoique les bases de cette intrigue démarrant pied au plancher (de la Prima-Vista) semblent éculées, sa diversité naît en premier lieu de ses personnages (huit sont jouables), depuis le mage noir perdu dans cette vie, jusqu'à la jeune Invokeuse entreprenante. Par leur tempérament, par leur design, par leur langage, ces personnages incarnent de façon complémentaire tout ce que nous aimons et détestons chez l'être humain. La parenthèse inquiétante ouverte par l'écrasant binôme de Final Fantasy VIII est oubliée, et c'est une riche compagnie qui nous fera voyager dans ce monde... et au-delà !
Cette variété se retrouve également dans les décors : forêts, grottes, montagnes escarpées et nombre de villages voient défiler la joyeuse troupe. Tandis que l'atmosphère générale oscille entre le steampunk et le médiéval (Lindblum en étant l'exemple parfait), quelques passages étonnants, plus sombres et plus tourmentés, attendent le joueur dans le dernier quart du jeu. Nous ne pouvons, à ce titre, que saluer l'immense travail effectué via le patch amateur Moguri HD, qui rehausse à sa juste valeur ce monument du dépaysement.
La richesse de cet opus culmine dans la musique qui accompagne les pérégrinations. Il s'agit de la dernière bande originale sur laquelle M. Uematsu a travaillé seul pour la série - à mon sens la meilleure. Elle cumule les thèmes associés aux personnages (Djidane, mais aussi Grenat, Freya ou Beate sont déclinés en variations tout au fil de l'aventure), mais aussi de morceaux énergiques réservés aux combats, ou encore une version superbe du très ancien "Prélude". Nous ne pouvons que nous incliner devant cette somme de Nobuo !
"Finalement, jusqu'où suis-je capable d'aller ?" (Freya)
Il serait éhonté à présent de prétendre que Final Fantasy IX marque l'aboutissement de la série : il n'en reste pas moins un épisode fier de ses origines et de ses aïeux, qui pioche allègrement dans le patrimoine familial ses meilleurs éléments. Pour le dire autrement, il apparaît clairement que Final Fantasy IX assume fièrement son statut de mythe, d'héritier d'une saga déjà devenue légendaire.
On serait bien en peine de trouver un seul épisode auquel il n'est pas précisément fait référence, ou qui n'infuse pas cette longue aventure. L'historiette contée à Pinnacle Rocks ? Elle résume une péripétie du méconnu FFII. Le lyrisme des personnages ? C'est un héritage important du tourmenté FFVIII. Ce drôle de personnage ventripotent ? Ce serait rater la référence que de ne pas y sentir un air de Cait Sith. Le Vaisseau ? Il est à l'exemple de celui de FFIII. Marthym, la chimère d'Eiko, dont l'attaque s'appelle "TerraForme" ? Sans doute faudrait-il se pencher sur un personnage de FFVI. Et je n'évoque même pas un méchant aux cheveux gris, une lune plus habitée qu'il ne semble, ou encore un frère allié au côté obscur de toutes les forces...
On pourrait également traquer, dans le gameplay général, les traces des prédécesseurs, avec un système de compétences qui rappelle furieusement FFVI, une barre de "Transe" inventée par FFVII, ou des Jobs revisités depuis le tout premier épisode. On pourrait aussi citer le retour aux quatre personnages en combat...
Cependant, là où Final Fantasy IX se prend littéralement pour un mythe, c'est dans ses rapports assumés à l'épisode fondateur, dont on rappelle qu'il commençait par une prophétie parlant de la Lumière, s'affichant sur fond de "Prélude". Nous retrouvons dans le dernier tiers de Final Fantasy IX la plupart des lieux et des personnages importants du premier FF : les autre temples élémentaires, gardés par les quatre mêmes montres (sans compter la traversée du Mont Goulg), mais aussi le même "Garland", là aussi maître du Temps. L'ultime section, accompagnée par les paroles de Garland, invitant à se remémorer des souvenirs collectifs, rend l'auto-référence évidente.
Final Fantasy IX, dans cette version ultime (merci Moguri !), donne une synthèse de tous les chemins explorés jusqu'à lui, avant que la série ne change véritablement de génération. Loin des caricatures que craindrait d'y découvrir un coup d’œil trop rapide, Final Fantasy IX balaie l'ensemble des tons et des thématiques abordés jusqu'à lui. À l'issue d'une lumineuse apothéose au cours de laquelle Final Fantasy IX semble se regarder dans un miroir, M. Sakaguchi nous confie le Cristal et toute la Lumière de son talent.
08/09/2020
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- L'être humain à cœur ouvert
- Un dépaysement permanent
- Le testament poétique de Sakaguchi
- Merci Uematsu !
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- L'ATB touche ici ses limites
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GRAPHICS 4/5
SOUND/MUSIC 5/5
STORY 4/5
LENGTH 5/5
GAMEPLAY 4/5
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