Parasite Eve avait su contenter son public lors de sa sortie, à la fois acclamé pour l'originalité de son hybridation des genres (RPG et Survival-Horror), son scénario maitrisé et son rythme soutenu. La recette ayant vraisemblablement bien marché,
SquareSoft décide de donner suite et sort un second opus durant l'année 2000. Résolument plus survival,
Parasite Eve II est à n'en pas douter l'épisode qui n'aurait pas du voir le jour. Explications.
Mitochondrie versus le monde
Trois ans après les événements de Manhattan (Parasite Eve) qui ont bouleversé le monde, l'agent Brea - Aya de son prénom - décide de quitter le NYPD pour se vouer à la chasse aux organismes mutants issus de la mutation des mitochondries. Sa quête l'amène à s'enrôler dans le MIST, une division du FBI spécialisée dans la lutte contre les NMC (Neo-Mitochondrion Creatures), lesdites créatures paranormales. Le jeu nous propose alors de suivre les aventures d'Aya, tandis que celle-ci se voit confiée une enquête concernant l'apparition de NMC toutes particulières qui semblent agir de façon plutôt étrange, comme si elles étaient guidées par un tiers parti, et non plus seulement par la volonté de la mitochondrie.
Le scénario est finalement assez anecdotique, on s'attendait à ce qu'il nous captive plus, surtout après un premier épisode à qui l'on ne peut faire que très peu de reproches sur ce point-ci. Les développeurs avaient pourtant matière à faire avec les zones d'ombre laissées par l'histoire de Parasite Eve. Quoi qu'il en soit, la résultante logique et directe de cette mise en retrait d'un récit somme toute peu intéressant est la baisse drastique du rythme du soft. Difficile alors de ne pas mettre en relief cette lacune dans la dynamique de jeu par rapport à ce qu'avait réalisé l'ainé de la série, tant celui-ci avait su produire une expérience certes courte, mais intense, alliant et enchainant les événements les uns après les autres de façon parfaitement fluide. On se retrouve malheureusement ici avec l'exact inverse. À la fois peu intriguant, inconsistant, accusant des dialogues très mous, superficiels et sans substance, Parasite Eve II se viande littéralement là où il ne fallait surtout pas : il propose une durée de vie très courte avec une structure très lacunaire au niveau des péripéties. En un mot comme en cent, on s'ennuie. L'intérêt dans la sphère casting/intrigue est très difficile à trouver, pas même la personnalité d'Aya ne viendra rattraper le tout. En effet, après un Parasite Eve où il était plutôt facile de s'attacher au personnage du fait du charisme qu'elle dégageait et de la composante très personnelle qui la reliait à l'affaire, le second opus nous dévoile une Aya superficielle, moins sûre d'elle, plus niaise, vulnérable, sensible, voire peut-être faible, qui cultive le doute et qui n'est au final que très peu concernée à titre individuel par les événements. On sent nettement qu'elle se dédie moins corps et âme qu'elle ne le fit auparavant, attribuant de ce fait un cachet plutôt frivole à l'ensemble de l'enquête. Et je passerai sur des personnages secondaires et une fin qui se contentent du minimum syndical à fournir. La crédibilité du soft étant ainsi atteinte en son cœur, l'immersion peut s'en retrouver gravement entachée. Mais c'est sans compter sur le virage strict vers le survival opéré par Parasite Eve II.
Resident Eve
On ne se le cachera pas,
Parasite Eve II pompe outrageusement son gameplay et la plupart de ses mécaniques de jeu sur
Resident Evil, alors la référence incontestée du Survival-Horror. Plusieurs conséquences à cela donc. Tout d'abord, la difficulté est revue à la hausse par rapport à
Parasite Eve, ceci étant principalement du à l'impossibilité de faire du level-up – les niveaux ayant disparus, l'action primant dorénavant sur un aspect RPG réduit -, à un inventaire bien plus restreint, des munitions plus rares, des ennemis plus corsés, tenaces, et à des boss qui demanderont de dépenser un bon hectolitre de sueur pour en venir à bout. Boss qui d'ailleurs suscitent des affrontements assez épiques et plutôt jouissifs, n'en déplaisent aux amateurs de rentre-dedans qui en auront pour leur argent.
Autre résultat de cette variation de stratégie, l'ambiance changera du tout au tout par rapport au premier opus. On est ici en présence d'une ambiance survival, tout ce qu'il y a de plus classique oserais-je. On joue sur la surprise, la tension, l'atmosphère oppressante que peut provoquer un silence prolongé ou des plans de caméras précis, tandis que
Parasite Eve profitait de quelque chose de mystique, de fantastique même, qui relevait plus de l'inquiétude via la peur de l'inexplicable que de la peur "pure et dure" par la crainte sur laquelle est basée
Parasite Eve II. Il n'en demeure pas moins vrai que le soft remplit à merveille son contrat de Survival bien ambiancé. De même que s'inspirer de la saga de
Capcom permet à
Parasite Eve II de décupler son interactivité avec les décors, composante qui faisait défaut à son ainé et qui permet de s'imprégner de l'univers, aussi étroit qu'il soit. Mais on se rend bien vite compte que le genre n'est pas seulement porteur d'avantages.
Parasite Evil
Effectivement, même si on remerciera Resident Evil d'apporter quelques bonnes idées, qui dit Survival dit défauts plus ou moins inhérents au style. Mais avant cela, il est de rigueur de détailler les rouages du gameplay pour comprendre où le bât blesse. À l'instar de Parasite Eve, les phases de combat sont distinctes des phases d'exploration mais s'y fondent parfaitement et restent dans leur stricte continuité, seul un court écran viendra marquer la transition. C'est dans ces affrontements que l'on constate les effets les plus ravageurs de l'incursion massive du Survival-Horror dans Parasite Eve II. Première chose à noter : l'abolition de la barre d'ATB de Parasite Eve, qui tend à orienter le jeu vers de l'action pure et exige donc un maniement plus vif d'Aya. Le hic étant que Square n'a pas su combler cette nécessité d'un maniement plus fluide qu'à l'accoutumée. Aya est pénible à bouger, peu maniable, très raide, d'autant que les couloirs sont la plupart du temps très étroits et laissent vraiment peu de marge de manœuvre. On s'agace donc bien souvent, et on peste d'autant plus que l'on ne peut pas mouvoir la caméra à sa guise afin de bien situer l'ennemi, les prises de vues étant imposées (3D pré-calculée oblige) et impliquant bien souvent une mauvaise appréhension de la situation par le joueur qui ne perçoit pas l'ennemi à l'écran mais se contente de le deviner. Du reste, on court, on tire, on utilise de la magie, rien de bien nouveau fondamentalement.
Sur la forme cependant, on change du tout au tout par rapport à Parasite Eve. La disparition de l'ATB emmène avec elle celle de la pause active et du dôme de portée. Un autre système vient cependant remplacer cette dernière au niveau de la magie. Les sorts – que l'on peut améliorer avec l'exp reçue en combat – possèdent chacun une portée d'attaque qui leur est propre. Tandis que l'un attaquera en ligne droite, un autre fera des dégâts de zone et ainsi de suite, le tout étant à chaque fois indiquée par une structure 3D qui est simulée sur le terrain, similaire à celle de Parasite Eve. On appréciera tout particulièrement la nécessité presque vitale de l'usage des sorts, contrairement au précédent épisode qui faisait la part bien plus belle aux armes. Une touche de RPG qui fait relativement plaisir en somme.
On pourra néanmoins customiser ses armes, d'une façon certes moindre et bien plus minimaliste que dans Parasite Eve, mais qui s'inscrit dans le tournant "action" qu'a pris le soft, cela reste donc assez cohérent.
Sadly
Du côté des environnements,
Parasite Eve II est plutôt égoïste. Avec seulement deux principaux lieux à visiter, le titre n'est que trop peu dépaysant et une certaine redondance peut éventuellement s'installer à force d'allers et retours dans des décors similaires. Toutefois, il convient de reconnaître l'excellent agencement des donjons qui profitent d'un level design de qualité et d'un souci du détail prononcé. À ce propos,
SquareSoft étant aux commandes, les toiles de fond de vos déambulations macabres témoignent d'un savoir faire indéniable. La 3D pré-calculée est maitrisée jusqu'au bout des ongles et livre des décors d'une grande beauté pour le support, renforçant de ce fait quelque peu l'immersion du joueur qui, à défaut de se faire par l'histoire, peut se faire par cet intermédiaire-ci. Dans le même registre, les cinématiques sont tout simplement exceptionnelles. Elles bénéficient d'une mise en scène aux petits oignons et d'une qualité graphique au top. On regrettera néanmoins l'absence de doublages qui manquent cruellement à ce genre de jeux qui empruntent sans s'en cacher au septième art.
Puis pour finir, la plus grande déception, celle qui fait mal, celle qui tue le jeu : la bande-son. À la fois trop effacée et relevant du médiocre lorsqu'elle se fait connaître, l'OST de
Parasite Eve II fait peine à entendre. Seule les pistes de
Yoko Shimomura du premier opus remixées dans le jeu pourront venir enchanter notre oreille. Le départ de la compositrice pour laisser sa place à
Naoshi Mizuta fait mal, très mal, et cela se remarque énormément, malheureusement. Une fois encore, cela semble s'inscrire dans cette volonté de changer de direction au niveau de l'atmosphère, mais ce n'était peut-être pas là le meilleur choix à faire...
Indéniablement en deçà de son prédécesseur, Parasite Eve II transpire l'exploitation d'un concept pré-établi par un premier épisode sans arborer la volonté d'offrir quelque chose de réellement consistant et solide aux joueurs, en témoignent l'histoire minimaliste et le casting très moyen. L'immixtion du Survival-Horror à forte dose dans ce second opus apporte sa petite panoplie de bonnes idées mais Square n'en a pas mesuré toutes les conséquences et se retrouve les bras chargés de petits défauts contraignants qui gâchent l'expérience qu'il aurait fallu ajuster. Pour ceux qui recherchent un vécu proche de celui d'un jeu d'action-horreur avec toutefois un zeste de RPG, ce jeu est fait pour vous. Ceux qui en revanche espèrent trouver un digne successeur de Parasite Eve et retrouver ce mysticisme, cette intensité et cette intrigue qui faisaient la force du soft, passez votre chemin, l'ambiance a changé du tout au tout.
20/04/2011
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- L'ambiance Survival réussie
- La qualité graphique
- Un bon level-design
- Boss fights
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- La bande-son catastrophique
- Virage vers le Survival mal mesuré
- Scénario anecdotique
- Casting
- Aya décevante
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GRAPHICS 4.5/5
SOUND/MUSIC 1/5
STORY 2/5
LENGTH 2.5/5
GAMEPLAY 2.5/5
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