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06/12/2018
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Publisher : Square Enix Only available in digital format
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The Last Remnant Remastered
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The Last Remnant Remastered
Le Dernier Séducteur
Quel étrange objet que The Last Remnant, « J » RPG « classique », sorti en début de carrière de la désormais vénérable XBOX360. Destiné à accompagner la conquête de l'archipel par le matériel américain, le jeu fait le pari apparent de combiner le meilleur des deux mondes. Tentant d’articuler à une solide ligne scénaristique et à un système de combat complexe, une multitude de quêtes annexes et une progression très ouverte. Cependant, à l’époque, nombre de joueurs (dont votre serviteur) se sont heurtés à une difficulté pour le moins étonnante. Réédité en prenant pour base la version PC qui corrigeait déjà quelques carences de l’original, The Last Remnant mérite-t-il encore que l’on s’y attarde ?
Il faut être absolument moderne : récit d'une époque pivot.
Il faut se souvenir un instant de ce qu’a constitué le tournant des années 2000 et l’arrivée massive de la 3D véritable, qui était appelée à régner sans partage et, dans le domaine du RPG, à renvoyer aux oubliettes tout autre format graphique. Il faut également se souvenir du défi technique que supposa le passage à la haute définition, et de l’augmentation des coûts de production que cela entraîna. A ce titre, The Last Remnant constitue un essai de développement utilisant un moteur externe, mais aussi, du fait de sa sortie prévue sur XBOX, une tentative de lorgner un peu plus que d’habitude vers les mécaniques de jeu occidentales. Tout au long du jeu, ces hésitations, ces tentatives sont manifestes.
Par ailleurs, comment oublier que The Last Remnant s’avance dans l’ombre d’un géant à la naissance difficile : Final Fantasy XII, lui qui avait lancé la série-phare sur les voies du monde « ouvert » et de la 3D « qui tourne ». L’enrobage graphique fait penser à un héritier, mais nous verrons plus bas que ce n’est qu’apparence. Finalement, l’héritage de Final Fantasy XII, avec le recul, doit davantage être cherché du côté de Xenoblade (et de Final Fantasy XVI). Ainsi le tournant effectué par le prestigieux grand frère, et qui n’a finalement jamais été mené jusqu’au bout, pèse sans doute sur les errances et les essais de The Last Remnant. C’est comme s’il avait été impossible de revenir en arrière, par exemple, dans les grandes lignes de l’exploration, mais que l’équipe avait aussi cherché à s’en détacher.
Pour finir cette entrée en matière un peu tiède, The Last Remnant se place sans aucun doute sous l’angle des contradictions. Certaines donnant lieu à de vraies réussites, d’autres créant des mécaniques un peu branlantes ou un sentiment d’inachevé. Ainsi, le jeu prétend s’articulier autour d’une colonne scénaristique solide et donne beaucoup à espérer durant les premières heures mais, en pratique, le joueur passe une grande partie de son temps à des activités annexes. De la même façon, le casting central est resseré – presque intimiste – quand le joueur est invité à renouveler sans cesse son armée par des recrues parfois assez génériques. Enfin, les zones de jeu sont nombreuses et vastes, mais souvent peu ou pas intégrées au scénario et non reliées entre elles par quelque carte ou transition que ce soit, la progression se faisant via un curseur et une map.
Gardez le moral !
S’il est un point sur lequel The Last Remnant ne fait rien comme tout le monde, c’est assurément le système de combat. Impossible de lui reprocher, même avec le recul, d’avoir cédé aux modes du temps. Il faut le célébrer, c’est une réussite, en dépit de bémols que nous allons d’emblée pointer.
Si de nombreux joueurs de la fin des années 2000 n’ont pu boucler The Last Remnant (voire même le premier disque et la terrifiante, dégoûtante, rebutante, désobligeante Porte des Enfers – sans parler du sympathique boss qui intervient dix minutes plus tard), il ne faut pas en accuser des mécaniques mal fichues. C’est tout simplement parce que The Last Remnant n’explique aucunement le système par lequel les personnages acquièrent leur expérience. En effet, le Grade de Combat (que nous appellerons "Battle Rank" pour manier son abréviation) augmente régulièrement au fil des combats, mais il est rapidement évident qu’il ne conditionne aucunement la puissance de nos personnages. Au contraire, il arrive régulièrement que nos personnages voient leur statistiques ou leurs compétences augmenter à la suite d’un combat, un peu à la manière d’un Final Fantasy II - ou d'un SaGa. En réalité, ce Battle Rank (BR) ne concerne pas tant l’équipe que les adversaires et, cela, personne ne nous l’explique jamais. En effet, si les ennemis ou boss disposent eux aussi d’un BR de base, leurs statistiques peuvent augmenter si l’équipe atteint elle-même un certain BR. La chose s’entend… mais s’entendrait encore mieux si la chose était expliquée et si le joueur avait accès au BR des adversaires afin de calibrer sa progression. L’internet moderne, et en particulier un excellent Wiki disponible en anglais, règle ce problème et il est désormais possible de planifier sa progression. C’est-à-dire de se donner des bornes à ne pas dépasser afin de ne pas se à affronter une version Premium (qui vous coûterait fort cher... LOL) du boss de fin de niveau.
Les ennuis, cependant, ne s’arrêtent pas là : si les statistiques augmentent de façon un peu obscure et sous des noms parfois étonnants, il apparaît assez vite au joueur attentif qu’une compétence augmente à force d’être utilisée et que toute progression de statistique est bonne à prendre. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’une bonne progression suppose d’affronter des ennemis plutôt forts. Mais comment connaître le niveau des ennemis puisqu’il n’est jamais donné ? Comment ne pas perdre son temps à combattre le menu fretin, au risque de voir le BR des adversaires augmenter, sans pour autant connaître de franche avancée dans les capacités de son groupe ?
Un indicateur existe dans le jeu : c’est la jauge de moral.
Au début du combat, la jauge est plus ou moins équilibrée et l’illumination arrive lorsque l’on comprend une… évidence. Tant que les combats s’ouvrent sur une jauge défavorable, cela signifie que le BR de l’équipe est en retard par rapport aux adversaires et qu’il est judicieux de combattre pour progresser. Lorsqu’elle s’équilibre, il faut passer son chemin de peur de faire monter artificiellement le BR des adversaires. Et une fois que la mécanique est comprise, tout paraît tellement limpide ! Il n’en reste pas moins que cet étrange système est responsable d’une progression assez laborieuse puisqu’il faudra, en quelque sorte, retarder au mieux les séances de levelling et… par conséquent, y passer un bon moment lorsque viendra le moment du mur.
Les Unions font la force
Les combats de The Last Remnant sont sans aucun équivalent. Le joueur constitue des « unions », groupes de combattants, dont le nombre peut aller de 1 à 5, tandis que le nombre total de combattants augmente au fil du jeu. Au final, il sera possible de contrôler 18 personnages, répartis sur 5 unions au maximum. Le jeu étant peu avare sur les formations, les personnages, les capacités, il en résulte une ouverture bienvenue du système de jeu et un vrai plaisir à trouver la bonne formation, à associer les bons personnages.
Les personnages, parlons-en, justement. Si les unions peuvent intégrer les personnages du scénario (qui sont à privilégier dans la mesure où nombre d’entre eux disposent de capacités terribles #David), il est aussi possible de recruter des mercenaires génériques et d’autres personnages… annexes mais un peu moins. Une chose est sûre : le choix et la richesse sont les maîtres mots et cette armée à recruter et à organiser est une belle motivation pour effectuer toutes sortes de quêtes annexes. Par ailleurs, cette version Remaster reprend les équilibrages introduits à l’époque par la version PC, tandis que le jeu sorti sur XBOX360 limitait le nombre de personnages non-génériques que l’on pouvait disposer dans ses unions.
Si le battle system offre de belles satisfactions dans sa gestion, il en est de même lors des affrontements, proprement gargantuesques. On pourra toujours reprocher aux combats de faire la part belle à la chance (surtout aux premiers tours) et de donner bien moins d’importance au placement que ce qu’ils nous promettent, ou encore de ne jamais proposer l’action voulue. Dans les faits, les combats sont longs, intenses et récompensent une équipe justement entraînée et préparée. Le hasard n’aura pas une place très importante pour l'imperator ayant assimilé les différentes mécaniques, sauf pour les capacités spéciales d’usage assez nébuleux. On en vient vite à disposer des options rendues possibles par les forces en présence, par leur santé, leurs points de vie et de magie. Si les défaites pèsent lourdement sur le moral, les victoires n’en deviennent que plus gratifiantes.
En résumé, ce système est original, riche, gratifiant ET efficace. L’ensemble fait sens et récompense le bon jeu. Loin de pester contre son exigence, il faut saluer cette tentative de proposer autre chose au joueur qu’une boucle levelling / attaquer / magie / compétences.
En revanche, impossible de ne pas s’arrêter sur la difficulté du jeu, finalement assez bizarre du fait de quelques mécaniques pour le coup discutables. Le premier point, en lien avec le caractère cryptique des règles du jeu, c’est que les premiers murs interviennent très tard dans le jeu et risquent de désarçonner des joueurs qui s’étaient en réalité installés, de façon momentanément efficace, dans des routines de grinding funestes. Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu'une fois que les combats sont bien préparés, la dimension tactique se révèle assez décorative. Les joutes sont spectaculaires mais n’offrent en réalité que peu de véritables choix.
Enfin, en amont, quelques points de gestion interrogent : l'organisation de l’équipement des alliés obéit à des collectes d’objets un peu hasardeuses et non à une planification véritable. Par ailleurs, pour peu que l’on se concentre sur la trame principale, les fonds monétaires ne cessent de manquer. Et, même en effectuant de nombreuses quêtes annexes, la profusion de magasins et d’objets bizarres rend la répartition des dépenses assez hasardeuse en l’absence de guide extérieur.
Prends le jeu pour ce qu'il est
On aurait toutefois grand tort de reprocher à The Last Remnant d’être ce qu’il est : un Objet Rôliste Non Identifié, disposant d’un solide battle system. Et plus encore, un foisonnement de directions, parfois, contradictoires.
Ainsi, le scénario, classique au premier abord puisqu’un jeune type voit sa sœur se faire enlever par un type peu sympathique (accompagné d'une créature fort laide, comme de mesure) et se trouve plongé dans une guerre avant de finalement devenir un héros, fait beaucoup de promesses en introduisant dans ses premières séquences, un casting de qualité et un univers fourmillant de détails. Cependant, c’est à peu près tout : en dehors de quelques scènes remarquables, ce casting s’enrichit peu et faire le jeu en ligne droite consiste essentiellement en une suite d’affrontements mémorables. L’histoire est assez courte et finit par décevoir : il suffit de penser à l'adversaire principal : on peut penser que son silence cache de la complexité mais c'est plutôt... rien du tout !. The Last Remnant promet, au point de vue esthétique et narratif, des choses folles sans vraiment les accomplir. Il n’en reste pas moins une aventure agréable à suivre et quelques personnages qui se distinguent, peut-être davantage par leur style que par leur personnalité.
Touchant à l’exploration, le jugement sera bien différent quelques années après sa sortie : si la 3D intégrale se présentait comme une révolution, The Last Remnant apparaît maintenant comme un jeu presque générique. Des zones donnant une impression d’immensité, liées entre elles par un système relevant du voyage rapide, dans lesquelles on finit par se promener… en gardant l’œil fixé sur le petit triangle qui s’agite sur la mini-carte. Que dire, par ailleurs, des inénarrables collectes, sans doute surprenantes en 2008 mais devenues depuis, l’inévitable moyen… de combler les vides. Il serait toutefois malvenu de ne pas mettre en avant, pour finir, la diversité des villages, laquelle mérite d'être saluée.
Malgré quelques mots sévères, il convient de rendre hommage à The Last Remnant pour conclure : d’abord parce qu’il propose un VRAI système de combat et de gestion, original, complet qui oblige le joueur à repartir de zéro, à apprendre, à prendre des raclées pour finalement maîtriser l’affaire. On ne dira jamais assez combien il est regrettable que le jeu n’ait pas intégré des tutoriaux touchant à l’évolution des forces. Mais les informations disponibles aujourd’hui permettent d’éviter bien des pièges. Quelle prise de risque de la part d’un éditeur pas loin du sommet de sa gloire ! Alors, on pourra toujours reprocher un scénario séduisant plus qu’efficace, des personnages parfois bien décevants, ou encore une tendance à s’éparpiller qui annonce la décennie suivante. Il n’en reste pas moins que, en ces temps où la série majeure de l’éditeur tend à devenir la simple occurrence d’un genre générique, cet hapax vidéoludique mérite toute notre attention.