Dragon Age: Origins (appelons-le
DAO) est sorti le 12 novembre 2009 dans nos vertes contrées, et, comme d'habitude - oserais-je dire - quand Bioware sort un nouveau RPG, les critiques se sont enflammées. D'autant plus que celui-ci n'est pas des moindres, ayant subi plusieurs reports de développement, ce dernier avait commencé avant celui de
Mass Effect, en 2004. Se plaçant dans un univers proche de Tolkien avec un soupçon de dark fantasy,
Bioware l'annonçait comme le successeur spirituel de
Baldur's Gate, mais sans la licence
Donjons et Dragons, et édité par EA, avec tout ce que ça implique en bien comme en mal (surtout). Dur héritage à porter que celui d'un jeu considéré comme culte dans le monde du Western-RPG,
Bioware a-t-il réussi à ressortir la recette qui avait fait son succès il y a plusieurs années de cela ?
Heroic Fantasy, pure et simple
Le scénario se déroule dans le royaume de Férelden. Dirigé par le Roi Cailan et son conseiller et général, le Tiern Loghain, le royaume a enfin obtenu la paix avec ses voisins de la contrée d'Orlais malgré les réticences de Loghain envers ce pacte. Cependant, Férelden est de nouveau confronté à la menace, mais elle vient cette fois-ci des tréfonds de la terre. Les engeances, sortes d'Orcs démons venant d'Orzammar, la cité des nains, y sont retenus sans relâche par la défense naine. Il arrive parfois contre toute attente que certaines se trouvent un passage vers la surface et déferlent à travers tout Férelden.
Au commencement de l'histoire, on apprend qu'une horde d'engeances a été aperçue non loin de la forteresse d'Ostagar. Le Roi Cailan y a dépêché le gros de son armée et y a préparé ses défenses contre cette incursion, comptant bien les éradiquer une bonne fois pour toute de la surface. Cependant, les simples hommes ne sont pas les seuls à lutter. La "Garde des Ombres", un ordre mystérieux mais néanmoins célèbre dans les légendes, avait été fondé par le passé pour régler les problèmes d'engeances mais agissait surtout lors d'un Enclin. Ce cas particulier intervenaient lorsqu'une divinité déchue, un Archidémon, s'éveillait et menait les engeances à la bataille dans le but de détruire l'humanité. Le monde a déjà dû faire face à ce genre de situations et chaque fois, la Garde des Ombres put triompher de ce mal. A l'époque où se déroule le jeu, il n'y a pas de preuve formelle que cette invasion soit plus qu'une simple incursion massive, mais Duncan, dirigeant de la "Garde des Ombres" en Férelden, pense fortement à un Enclin. Il n'arrive malheureusement pas à en convaincre le Roi Cailan, et se met alors en tête de recruter de nouveaux éléments pour augmenter les rangs de son ordre, et surtout pour faire face à la menace qu'il pressent. Votre personnage sera, bien entendu, une de ces recrues.
Peuplé d'elfes, de nains, d'hommes, mais également de démons, de loups-garous, et autres morts-vivants, le monde de DAO est clairement inspiré des classiques de l'Heroic Fantasy. Si les thèmes abordés sont relativement déjà vus, cela est fait avec une grande maturité. Autant le dire tout de suite, DAO ne révolutionne pas le genre, Bioware ressort la recette classique mais avec une maîtrise qui ferait pâlir beaucoup de développeurs de RPG. Grâce à un background extrêmement travaillé via des textes récupérés lors de l'aventure où via les dialogues avec les nombreux PNJ du jeu, on est totalement immergé dans l'univers. Le scénario lui aussi emprunte énormément aux différentes œuvres d'Heroic Fantasy classiques, et mis à part quelques exceptions, les rebondissements se sentent à quelques lieues de distance. Mais encore une fois, on est happé par cette trame qui aurait très bien pu être celle d'un livre. De plus, la grande force du scénario est d'être évolutif en fonction de vos choix dans les dialogues notamment, mais aussi dans vos actions, et cela mènera vers de nombreuses fins assez différentes.
Intelligente, maîtrisée, mature, intéressante, mais classique, la trame gardera le joueur en éveil et ne sera jamais, ô grand jamais, un point faible du soft.
Mais que serait une histoire sans ses personnages ? Un simple texte dans lequel on ne pourrait s'attacher à aucune figure familière ? Le jeu présente des personnages tout simplement excellents. Hauts en couleurs, ayant chacun leur personnalité vraiment bien démarquée, doublés à la perfection, et avec un design que j'ai trouvé excellent, ce sera sans doute un des plus gros points forts du jeu. C'est une équipe que l'on ne veut pas lâcher, c'est parfois dur de devoir faire le choix de qui emmener dans telle ou telle mission. Par contre encore une fois, tous les réfractaires à la Fantasy pourront s'abstenir car on retrouve quand même certains stéréotypes du genre. Mais honnêtement, jamais la femme libérée et forte (montrant ses atouts avec provocation) parlant comme un vipère n'a été si bien rendue ; jamais le héros bêta et un peu naïf n'a été si attachant ; jamais le nain ivrogne n'a été aussi drôle dans un jeu vidéo.
Encore une fois Bioware prouve sa grande expérience de l'Heroic Fantasy : toujours classique mais résolument immersif, le monde de Dragon Age, son histoire et ses personnages ne peuvent laisser le joueur indifférent à moins qu'il n'attende d'un jeu, avant tout, qu'il soit original.
Joueur et origines
Le jeu propose au début du jeu une création de personnage. Le joueur a le choix tout d'abord de choisir parmi les trois races proposées : humain, nain, elfe. Ensuite il faudra choisir une classe entre guerrier, voleur ou mage sachant que, assez classiquement, les nains ne peuvent pas être des mages.
Je vais aborder maintenant la seule petite innovation de DAO : son système d'origines. Chaque combinaison d'une race et d'une classe aura le choix entre différentes origines ; par exemple un nain guerrier pourra être noble, ou roturier ; un elfe voleur pourra être Dalatien (elfe des bois) ou citadin. Sachant que l'humain quel qu'il soit ne pourra être que noble et que quelle que soit la race choisie le mage n'aura qu'une origine : celle éponyme. Ce système vous permet la création du passé de votre personnage. Chaque choix d'origine vous vaudra un prologue plus ou moins long selon les cas, qui posera les bases de votre personnage, et montrera dans quelles circonstances celui-ci s'est fait recruter par Duncan. De plus, ces prologues apportent de nombreux éléments sur le monde de Dragon Age : celui des Mages, reclus dans leur tour, et surveillés de prêt par l'ordre des Templiers vous en apprendra beaucoup sur la peur de la magie en Férelden. Enfin, cette origine influencera de nombreux éléments de l'aventure, des simples dialogues aux fins que vous pourrez obtenir. C'est un système vraiment intéressant, offrant en plus une grande replay value au titre.
Passons à la création statistique du personnage. Ici, plus de Donjons et Dragons, Bioware a donc refait son système comme un grand. Trois feuilles sont à disposition : les compétences, les talents et les caractéristiques. Les compétences sont communes à toutes les classes et s'acquièrent via des points de compétences gagnés en montant des niveaux. On y retrouve des talents tels que la fabrication de pièges et de poisons, l'alchimie, l'éloquence (pour avoir plus d'options dans les dialogues) ou encore l'art du combat... Ces compétences sont importantes car certaines seront requises pour acquérir certains talents. Chaque classe possède ensuite différents arbres de talents répartis selon les disciplines. Chaque arbre se présente sous formes de deux à quatre lignes de talents qui se débloquent les uns après les autres grâce à des points gagnés en montant de niveau. Ce système permet vraiment de pallier au relatif manque de classe : un voleur pourra par exemple se spécialiser en arts furtifs, en archerie ou en combat à deux armes par exemple. De plus, au niveau 7 puis au niveau 14, on gagnera un point de spécialisation, au nombre de 4 par classe. Chaque spécialisation rajoutera une ligne de talents très importants qui changeront, si vous les utilisez bien, totalement votre façon de jouer. Enfin, à chaque niveau passé, vous gagnerez des points de caractéristiques pour les distribuer dans les classiques "force", "dextérité", "constitution", "magie", "volonté" et "ruse", influençant chacune sur différents paramètres.
L'éditeur physique est très complet et les modèles de personnages sont beaux. A vous d'exercer votre imagination et votre sens de l'esthétique pour créer votre personnage. En tout cas, il y a de quoi faire.
Au final, la création de personnages est très complète, peut-être un peu moins touffue que dans Baldur's Gate, mais on ne va pas rouspéter, il y a largement assez de combinaisons autant scénaristiques que statistiques pour assouvir la soif des joueurs qui terminent leurs jeux à 100%.
Combat, gestion et repos du guerrier
A quoi bon créer un personnage si c'est pour qu'il se tourne les pouces ? Au fur et à mesure que vous avancerez dans le jeu, vous découvrirez des compagnons, qui, en plus d'égayer les dialogues et le campement du groupe, seront de féroces combattants. Vous pourrez partir et en emmener trois avec vous. Ces compagnons montent également de niveaux, et à la manière de votre personnage, vous pourrez choisir ses caractéristiques et ses talents, même s'ils possèdent déjà un début d'évolution vers tel ou tel archétype (tank, soigneur, DPS...) quand on les récupère. A vous de trouver la combinaison qui vous plait le plus pour vous défaire des différents obstacles qui vous attendent.
Lorsque vous sortez d'une région, vous pouvez vous déplacer vers une autre région ou ville, via un déplacement instantané qui pourra faire intervenir une rencontre aléatoire. Les régions sont du coup plutôt linéaires et pas forcément très vastes, mais suffisent largement à mettre en valeur le gameplay du jeu.
Le système de combat est une sorte de semi-temps réel. En effet, chaque personnage est contrôlable indépendamment via un simple clic sur son portrait et vous pourrez alors utiliser ses compétences. De plus, à la manière d'un
Baldur's Gate, on retrouve le système de pause active qui permet, tout en mettant le jeu en pause, de donner des ordres aux différents personnages, de leur dire par exemple d'utiliser telle compétence ou tel objet sur tel monstre ou tel allié. De prime abord, on se dit que c'est un système qui simplifie beaucoup trop la tâche, mais il apporte un grande dimension stratégique aux combats. De plus certaines compétences peuvent avoir des effets combinés : un ennemi gelé par un sort qui essuie en plus un sort "poing de pierre" se verra explosé en mille éclats de glace (en gros il prendra d'énorme dégâts). Ce genre de petites subtilités peut s'exploiter grâce au système de pause active.
On peut également paramétrer l'IA de nos personnages via un système qui ressemble aux gambits de
Final Fantasy XII. Ce système est très appréciable pour ceux qui veulent jouer en temps réel (ceux qui abusent de la pause passeront moins de temps dans ce menu) sans utiliser la pause active, mais même si cela permet de le faire, il faudra rester vigilant car le jeu est volontairement ardu. En difficulté normale, il ne faudra pas avoir honte de rester bloquer contre un boss malgré de nombreux efforts, ni de vider tout son stock de potions et autres cataplasmes pour le vaincre. Mais globalement, il y aura toujours moyen de s'en sortir grâce à des placements intelligents et en exploitant la pause active. Pour finir, la mise en scène de ces combats est épique, dynamique et nerveuse ; sur quelques ennemis imposants, de magnifiques animations apparaitront pour l'achever.
Les compagnons vous aident et vous soutiennent pendant votre périple mais ce ne sont pas moins des êtres pensants. Ici apparaîtra un petit coté gestion. Chaque compagnon possède une jauge d'affinité avec vous qui peut augmenter ou diminuer selon vos actions. C'est souvent lors des dialogues que celles-ci vont évoluer. Présentant plusieurs réponses de la typique "loyal-bonne" à la très violente "chaotique-mauvaise", elles réjouiront certains personnages et en choqueront d'autres. Il existe même certains choix qui changeront totalement leur façon de vous voir, allant jusqu'à les faire quitter définitivement votre groupe sans préavis, même avec une jauge d'affinité au maximum. A part les dialogues, vous aurez la possibilité d'offrir des cadeaux à vos compagnons pour monter haut dans leur estime. Si vous l'êtes suffisamment, il se pourrait qu'une romance commence, qui se conclura par une nuit sous la tente et par la scène gratifiant vos nombreux efforts de séduction. Que les puristes ne s'offusquent pas, le puritanisme américain est passé par là : des personnages en sous-vêtements, quelques positions et expressions suggestives, et c'est plié. Rapide!
Bioware a réussi à refaire tout un système de combat dynamique et stratégique, allié à un côté gestion de ses compagnons et à un système de dialogue old school mais efficace. Le gameplay devient lui aussi un gros point fort du jeu.
Technique video ludique et de marketing
Censé sortir avant
Mass Effect, le retard de développement de
DAO se ressent techniquement. Même si le rendu global est totalement acceptable voire même plutôt beau, certains environnements sont des cavernes étriquées qui semblent avoir été modélisés avec les pieds sur la souris, et en deviennent par là même anguleux et pas très exquis à l'œil. Certaines textures ne sont pas d'une toute première fraicheur non plus. Cela contraste avec les très beaux modèles de personnages qui ne sont, par contre, pas toujours bien animés (notamment le déplacement des personnages féminins, et certaines animations de visages). Mais au final ce sont des détails, et si on ne s'amuse pas à zoomer sur les textures ou la végétation, on se retrouve avec un soft qui remplit son rôle graphiquement et esthétiquement parlant.
La bande son, elle, est d'un tout autre acabit.
Inon Zur a composé de sublimes musiques, épiques pendant les combats, stressantes dans les donjons, et qui collent toujours merveilleusement bien à l'ambiance. Des chœurs accompagnent souvent les compositions pour le plus grand bonheur des amateurs du genre.
Les doublages français sont d'une qualité rare. Associés à une traduction impeccable, utilisant un registre soutenu convenant bien à une époque médiévale, ils rendent les dialogues passionnants et immersifs.
La durée de vie du titre est d'environ 45 heures pour une première partie en faisant un certain nombre d'annexes, d'ailleurs très intéressantes. Mais la grande replay value du titre poussera nombre de joueurs à le fouiller dans tous ses recoins, ne serait-ce que pour tester toutes les origines, toutes les fins et toutes les dérives du scénario.
On aborde, pour finir, le point qui fâche :
Bioware est chez
EA désormais, et cela comporte le problème des DLC. La politique d'
EA et de
Bioware sur
DAO était apparemment de développer le jeu et de fractionner différents morceaux sous forme de greffons à télécharger à côté, moyennant finance. Ainsi un personnages qui a du script dans la quête principale de la version boîte a été tout simplement retiré et vendu à part. Un coffre de stockage, qui est un élément indispensable, au final, ne se retrouve accessible uniquement via un DLC. Heureusement, les mods amateurs sont là pour compenser même s'il faudra attendre un peu plus longtemps pour avoir de nouvelles quêtes par exemple.
Cela reste une politique proprement scandaleuse qui vise à prendre les joueurs pour des vaches à lait. Mais, je ne tiendrai pas compte de cette façon de commercer, qui relève limite du banditisme, dans ma note, étant donnée que la version boîte se suffit amplement à elle même.
Comme le veut la mode en ce moment, les jeux de rôle US sont de plus en plus portés sur les consoles de salon. Les deux versions consoles sont relativement similaires et ont les mêmes différences avec la version PC. Voici une petite liste des différences entre ces versions et celle sur PC (d'après différentes sources) : sur console, c'est graphiquement inférieur, les combats sont adaptés à une jouabilité console donc un peu plus bourrins et moins stratégiques, l'interface est également un peu moins pratique mais le jeu est globalement plus facile. Le jeu a été conçu pour jouer sur PC, c'est clair, et les portages sont un peu inférieurs mais rien de dramatique, le tout reste vraiment très bon.
Dragon Age: Origins ne révolutionne pas le genre, il n'en avait d'ailleurs jamais eu l'ambition. Bioware a ressorti un soft proche de Baldur's gate sur de nombreux points, et a posé une trame inspirée des classiques de la Fantasy. N'y jouez pas si vous cherchez avant tout l'originalité. Les autres, foncez ! Le gameplay vous accrochera, l'histoire vous séduira, et vous serez conquis par ses personnages, car ce qui vous attend est plus qu'un simple jeu. Dans cette ode aux stéréotypes de l'Heroic Fantasy, vous vivrez une aventure pleine de démons, d'elfes, de nains, de sang et de courbes généreuses. Bref, vous vivrez la Fantasy dans les règles de l'art.
17/01/2010
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- Histoire classique mais terriblement accrocheuse
- Les personnages
- Les dialogue bien doublés et immersifs
- Les romances
- Les choix influençant le scénario
- Le background
- Les origines
- Les combats
- Les musiques
- Replay value
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- Ne plaira pas aux détracteurs de la Fantasy classique
- Graphiquement un peu inégal
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GRAPHICS 3.5/5
SOUND/MUSIC 5/5
STORY 4.5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 5/5
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