Fallout 3 n’est pas qu’un jeu, c’est une polémique. Rencontrant succès critique et commercial, il avait quand même déçu les aficionados de la série
Fallout. Car évidemment, le 3ème épisode de la licence passée d’
Interplay à
Bethesda Softworks s’approchait beaucoup plus d’un
Elder Scrolls que d’un opus de la série radioactive. L’annonce d’une sorte de suite stand-alone, basée sur le même gameplay avait encore fait beaucoup jaser, mais par la suite la révélation de son développeur,
Obsidian, studio composé d’anciens de
Black Isle Studios, a calmé les foules. Et il n’en fallait pas plus pour créer un engouement des aficionados autour de la sortie du bien nommé (cette fois)
Fallout: New Vegas.
Blue Moon! Now I'm no longer alone...
Vous êtes un courrier, une sorte de livreur post-apocalyptique qui parcourt le Wasteland, résultat de la catastrophe nucléaire à l’origine de la série. Votre mission : apporter à Mr House, dirigeant actuel de New Vegas, un jeton de platine qui semble tout à fait anodin. Moins qu’il ne l’est réellement cependant, puisque vous êtes rapidement intercepté par un homme et sa bande de mercenaires qui récupèrent le jeton et vous collent au passage une balle dans le crâne et vous enterrent. Vous vous réveillez quelques temps plus tard chez un docteur farfelu du village fermier de goodsprings, qui vous fera passer une batterie de test pour vérifier que vous n’avez pas été trop secoué par cette balle qui aurait due être mortelle (ce qui tiendra lieu de création de personnage ; effet réussi d’ailleurs). Vous apprenez par ailleurs avoir été sauvé par un étrange robot cow-boy du nom de Victor qui aurait assisté à la scène de votre mise à mort ratée. Dans ce Fallout: New Vegas, vous entreprendrez alors une quête de vengeance, parcourant le désert du Mojave en suivant les traces de votre agresseur pour lui rendre la pareille. Durant ce périple qui vous mènera tout droit à la ville de New Vegas, vous découvrirez les différentes villes et les différentes factions en présence dans le Mojave, et le tout est goupillé de façon admirable : les villes sont issues d’une histoire qui remonte à la période pré-catastrophe, de raisons économiques comme la présence de ressources ou le tourisme, les factions ont toutes des buts et des ambitions qui s’entrecroisent transformant le Mojave en théâtre d’affrontements violents entre les différents camps, une histoire et un background qui les rendent crédibles, attachantes ou répugnantes. Vous serez en permanence soumis à des choix entre ces factions et ils seront rarement faciles tant leur philosophie et leurs buts ont été traités de façon non manichéenne. Ainsi la New California Republic (NCR) veut instaurer une république, démocratique mais pas trop, à mi-chemin entre cela et une dictature militaire ; ainsi la Caesar’s Legion, a décider de revenir aux fondamentaux de l’autorité à la romaine : au programme, massacre et réduction en esclavage des barbares (en gros leurs opposants), dénigrement de la femme et crucifixions. Mais si cette Legion est infâme, elle n’en a pas moins des règles, une discipline et des lois, là où les hommes de la NCR semblent se vautrer joyeusement dans les vices de New Vegas ; ce que vous pourrez tout aussi bien faire si vous le souhaitez. Et ces choix vous seront soumis très rapidement, dès le début du jeu où vous devrez choisir entre les Powder Gangers, organisation d’évadés d’une maison de correction de NCR et les villageois de Goodsprings qui vous ont sauvés mais qui semblent bien moins à même de vous aider pour la suite. Ces choix donneront lieu à l’évolution de votre réputation envers les différentes factions et occasionnent des réactions de leur représentant à votre contact qui différeront selon celle-ci ; a savoir que les niveaux de réputation ne sont pas manichéens et ne se limitent pas à différents niveaux de "bon" et "mauvais", mais peuvent correspondre à un sentiment incertain de la faction à votre égard (à coté des classiques « liked », « neutral » et « vilified » on retrouve des statuts plus originaux comme « unpredictable » ou « smiling troublemaker » qui occasionneront autant de réactions amusantes).
Le scénario du jeu est ancré dans ce contexte d’affrontement et dépeint de façon détaillée les conséquences de la catastrophe, sur le plan politique, sur le plan économique, ou sur le plan du progrès. D’ailleurs on retrouve bien l’ambiance et le background propre à la série, d’une Amérique qui a régressé, figée dans la culture des années 50, où certains progressistes comme Mr House, qui ambitionnent à un retour à la postérité, et ce à tout prix, affrontent le reste du monde qui ne cherche pas forcément à faire évoluer la situation sur ce plan. La trame politico-économique se centrant sur les ambitions de contrôle de New Vegas est intriguante et très réussie et les choix sont nombreux, même s'il n'existe en tout et pour tout que quatre ou cinq grandes variantes de cheminement. Ce qui reste un excellent score étant donné leur différence. Fallout: New Vegas atteint presque la perfection sur ce plan-là, le monde est crédible, intéressant, fouillé et effrayant sans pour autant perdre l’humour aussi radioactif que l’atmosphère, propre à la licence. Seule l’abondance de PNJ génériques gâche un peu le plaisir ; défaut que l’on a tendance à oublier devant le développement des PNJ spécifiques, l’exploitation parfaite du cycle jour/nuit, et les compagnons qui, sans atteindre la prestance des personnages Made in Bioware, sont totalement honorables.
Without a dream in my heart, without a love of my own
Fallout: New Vegas reprend le gameplay Oblivionesque de Fallout 3 et son aspect Open-World. Votre personnage sera basé sur ses caractéristiques S.P.E.C.I.A.L statiques, dont on détermine la valeur en début de jeu, qui influeront sur les skills que l’on pourra, eux, augmenter à chaque niveau passé. Ceux-ci sont très divers et couvrent autant le combat (armes à feu et armes énergétiques) que les connaissances en Médecine, en Science et en réparation, votre grande gueule (Speech), ou votre habileté à crocheter les serrures et à vous déplacer furtivement etc… Le skill survie est le petit nouveau qui vient s’ajouter aux anciens de Fallout 3 et est associé comme le skill "Repair" à un système d’artisanat implanté par Obsidian : une initiative louable mais malheureusement peu utile tant les ressources, consommables et munitions sont en quantité importante. Tous les deux niveaux, il sera possible de choisir un perk (selon vos S.P.E.C.I.A.L et vos skills) dans une liste très diversifiée vous permettant de personnaliser encore plus votre personnage. L’autre ajout d’Obsidian est l’approfondissement des dialogues : outre le développement des PNJ dont j’ai déjà parlé, Obsidian a ajouté des options de dialogues déclenchables selon certaines compétences. Si une bonne moitié des tentatives de persuasions se baseront sur le skill « speech » il ne suffira pas d’être une grande gueule pour convaincre un scientifique professionnel de vos compétences en médecine, et c’est donc votre score de médecine sur lequel se basera cette persuasion. Cela est valable pour de nombreuses autres compétences comme «repair » ou « science », quelques-unes dépendront même de vos S.P.E.C.I.A.L ce qui déclenchera quelques répliques amusantes si vous tentez, par exemple, une persuasion dépendant de l’intelligence sans avoir le score requis. Ces possibilités seront souvent au centre des nombreuses façons de résoudre les quêtes, dont la qualité d’écriture, la scénarisation et le nombre de manière de les résoudre a grandement augmenté depuis Fallout 3. Les dialogues reprennent même l’esprit Fallout et son fameux « politiquement incorrect » qui manquait tant aux fans de la saga.
Le système de combat est resté identique à Fallout 3, alternant entre FPS classique (dépendant quand même des différentes statistiques) en temps réel et le système d’aide à la visée V.A.T.S basé sur une pause active et des points d’actions. Le temps réel a d’ailleurs été bien amélioré ce qui rends le jeu un tantinet plus facile (le jeu ne présente d’ailleurs pas grand challenge si on monte son personnage correctement) et permet de perdre moins de temps dans le V.A.T.S. Cependant, le choix est vraiment laissé au joueur car de nombreux perks permettent d’augmenter son efficacité dans ce système de visée. On retrouve aussi le système de discrétion hérité en premier lieu d’Oblivion, et qui permet de porter un coup critique automatique si on touche un ennemi alors qu’on était caché. Les mises à mort sont d’ailleurs parfois accompagnés de ralentis plus ou moins classes selon les cas, mettant en scène décapitation, démembrements et autres joyeusetés gores pas forcément utiles mais correspondant plutôt bien à la série. Il est à noter que le système de level-scaling, qui adaptait le niveau des ennemis au votre a été abandonné et c'est tant mieux, même si Obsidian a du coup recours à d'autres artifices pour orienter un tant soit peu la progression : comme des montagnes difficiles à franchir ou des groupes de monstres de haut niveau à certains endroits. En ce qui concerne le reste des interactions avec l’environnement, on retrouve les classiques crochetages et piratages informatiques déclenchant des mini-jeux rapides et assez réussis, le vol à la tire dépendant de votre niveau de discrétion (pratique très intéressante simplifiant grandement la vie). J'en passe et des meilleures.
Finalement, si les mécaniques typées action ne convainquent pas forcément (le FPS reste basique et le V.A.T.S amolli drastiquement les combats), c'est surtout du nombre de possibilités, du nombre d'approches disponibles, du nombre d'équipements différents, que l'on tirera toute l'essence du gameplay de ce Fallout: New Vegas. Et ce nombre est tout bonnement hallucinant.
Let's ride in--to the sunset together
Il faut bien l'avouer, quelques soient ses performances admirables sur
TES IV: Shivering Isles, le moteur d'
Oblivion et
Fallout 3, nommé Gamebryo se fait un tantinet vieillissant face aux productions actuelles. "Un tantinet" devient d'ailleurs un doux euphémisme lorsque le studio de développement est
Obsidian. En effet, là où
Fallout 3 et
Oblivion étaient honorables techniquement et graphiquement parlant,
Fallout: New Vegas est un désastre. D'une part, la direction artistique écope de tout le manque d'ambition, de toute la platitude et de toute la banalité propre à
Obsidian sur ses productions (on se rappelle du design d'
Alpha Protocol). Le jeu aligne les environnements génériques et peu variés, les villes n'ont aucune âme, l'architecture est banale et comble de l'horreur, même la ville de New Vegas et ses casinos illuminés ne dégagent absolument rien. Du coup, la dévastation et l'aspect désertique du Mojave restent bien rendus ; mais à quel prix?
Fallout 3, lui, possédait ses lieux uniques et diablement réussis à l'image des panoramas saisissant de Rivet city.
Obsidian a de plus tout à fait intégré l'esprit de développement
Bethesda et livre un jeu aussi buggé que
Fallout 3 ou
Oblivion. Où se situe le problème ? Au niveau de l'optimisation.
Fallout: New Vegas présente des textures dans l'ensemble disgracieuses, les personnages sont hideux et se déplacent à la manière d'individus qui auraient un Gauss Rifle (fusil de sniper post-apocalyptique, je tiens à rester dans l'ambiance) dans le fondement. Ce sont des problèmes que l'on ne peut attribuer à
Obsidian dans la mesure où ils viennent plus du moteur Gamebryo en lui même ; ce qui est intolérable en revanche, c'est que le jeu est soumis, quelque soit la configuration, à des microfreezes permanents, des chutes de framerate drastiques dans les endroits très peuplés, des crashes et, cerise sur le gâteau, est bourré de temps de chargements comme l'étaient ses ainés sous le même moteur, eux pourtant bien optimisés. Bref,
Obsidian programme encore plus mal que
Bethesda et réussit presque l'exploit de situer son jeu dans les même abysses que
Gothic 3 en terme d'optimisation, alors que ce dernier est géré tout en streaming... Pas mal !
Malgré tout, l'ambiance n'est pas trop gâchée par le manque d'inspiration sur le plan graphique car la bande-son du jeu excelle. Outre les thèmes d'ambiance réalisés avec maestria, de nombreux morceaux des vieilles années américaines sont implantés dans le jeu via une radio qu'il est possible d'écouter grâce à la magnifique interface du pip-boy 3000, interface qui aurait d'ailleurs gagné à être refondue. Ces musiques qui sentent bon les années passées correspondront aussi bien à l'ambiance rétrograde du jeu qu'elles créeront de superbes décalages lors de vos pérégrinations ou lors du massacre d'irradiés en tous genres. Et il y a du beau monde, et un nombre suffisant de titres en plus des musiques originelles pour ne jamais lasser, même pendant la soixantaine d'heures qu'offrira le jeu en moyenne si vous décidez d'explorer un temps soit peu (15/20 heures pour la quête principale seule). Les doublages anglais sont, d'autre part, très réussis.
En retournant aux sources de la série
Fallout,
Obsidian signe de loin sa meilleure production. Et si côté gameplay, malgré quelques ajouts très appréciables, le jeu ne s'éloigne pas vraiment des bases posées par
Oblivion et
Fallout 3, l'univers, lui, est totalement imprégné de l'esprit de la licence d'
Interplay, de sa maturité et de sa crudité jusqu'à sa qualité d'écriture qui rend la moindre quête secondaire passionnante. Cependant pour profiter de toute la profondeur et de toute la richesse que peut offrir
Fallout: New Vegas, il faudra passer outre un enrobage désastreux. Car on parle bien, ici, respectivement de perfection et de médiocrité.
22/12/2010
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- Système de jeu riche et profond
- Customisation poussée
- La qualité d'écriture
- L'univers, détaillé et crédible
- L'histoire
- La bande-son
- Semi-retour au sources de la série
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- Le système de combat toujours un peu balbutiant
- Techniquement totalement à la rue
- La direction artistique
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GRAPHICS 2/5
SOUND/MUSIC 4.5/5
STORY 5/5
LENGTH 4.5/5
GAMEPLAY 4.5/5
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