Dragon Age: Origins avait fait son effet lors de sa sortie. Mini-arlésienne, annoncé en 2004, censé être l'étendard des productions new-gen de
Bioware et l'héritier spirituel de
Baldur's Gate mais sorti seulement cinq ans plus tard avec le retard technique qu'on lui connait, il n'en a pourtant pas moins connu succès critique et commercial. Dire que ce deuxième opus était attendu est un euphémisme, car si le premier épisode était plus que satisfaisant, il lui restait quelques points qui pouvaient être améliorés. A peine plus d'une année de développement et une promotion houleuse plus tard,
Dragon Age II tombe entre nos mains, pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Darker
Dans
Dragon Age II, vous incarnez Hawke, un réfugié qui a réussi à s'échapper de Lothering lors de sa destruction durant les évènements de
Dragon Age: Origins. Vous l'aurez compris, Hawke est, au même titre que le Shepard de
Mass Effect, un personnage unique, débarrassant le jeu du choix de la race et du choix de l'origine qui enrichissaient la création de personnage du premier opus. Fuyant donc Férelden et l'enclin qui le menaçait avec ce qu'il lui reste de sa famille, Hawke s'en fut à Kirkwall, the City of Chains, capitale des Free Marches. Son histoire nous est comptée à travers une conversation entre Varric Tethras, un nain qui fut compagnon de Hawke alias "The Champion of Kirkwall", et Cassandra, enquêteur de la Chantrie, qui a besoin de tous les indices possibles concernant ledit champion. Il apparaît très vite que le cadre temporel de cette narration se situe bien après la défaite de l'Archidémon, et que Thedas (l'univers de
Dragon Age) a souffert d'évènements l'ayant conduit à un chaos incommensurable. Il est également possible de reprendre votre sauvegarde de
DAO et même si l'impact de ce background importé est anecdotique, il a néanmoins le mérite d'exister.
Revenons à notre histoire : Hawke arrive à Kirkwall sans le sou, hébergé par son oncle dans les bas-quartiers, et va tenter d'amasser fortune et gloire, dans le but d'améliorer les conditions de vie de sa famille. Car Kirkwall n'est pas une ville comme les autres ; ancienne place forte de l'empire de Tevinter (une dictature magicienne) et dont l'histoire est très marquée par l'esclavagisme, les conflits et factions y sont nombreux. C'est d'ailleurs sur ces conflits que se focalisera principalement l'histoire de
Dragon Age 2, et le résultat est tout bonnement percutant. A chaque moment, chaque quête, on sent réellement les luttes pour le pouvoir qui hantent les rues de la ville, et ce, de l’infâme quartier de Dark Town aux quartiers riches où tout semblait pourtant calme et en paix. Le jeu amènera Hawke à entrer en contact avec de nombreux camps : que ce soit les pirates, les voleurs de la côterie, des Qunari squattant - en quelque sorte - la cité et dans l'impossibilité d'en repartir, les gardes qui n'ont en tête que le bien-être des citoyens quels qu'ils soient ou encore la Chantrie, ordre religieux d'Andraste. Mais s'il est un conflit mis en exergue c'est celui entre Mages et Templiers dont les rapports, houleux s'il en est, étaient déjà frappant dans
Origins. A ce titre,
Dragon Age 2 est encore plus sombre que son prédécesseur : la contrebande, les assassinats, les complots, la magie du sang, les templiers extrémistes (etc...) qui emplissent la majestueuse capitale, renforcent la plongée dans l'univers passionnant et immersif - encore mis en valeur par un codex toujours aussi complet - qui avait déjà séduit beaucoup de joueurs dans le premier opus. L'histoire de
Dragon Age II se veut donc plus personnelle et moins épique, soutenue une nouvelle fois par un casting exceptionnel (mis à part un ou deux personnages un peu en retrait) qui sait se rendre très vite attachant et dont l'impact sur l'histoire a été grandement augmenté. Leurs quêtes personnelles en général très bien scénarisées, ont des conséquences sur la trame principale et cette implication est agréable à constater, là où l'on regrettait leur relatif détachement dans le premier opus. Un régal.
Quant à la mise en abîme narrative, si elle se révèle réussie et suscite parfois quelques traits d'humour bien sentis, en plus d'augmenter le suspens et le mystère qui se dégage de l'histoire de
Dragon Age 2, elle aurait pu être mieux exploitée. Car finalement ce type de narration tant vanté par les développeurs durant la promotion du jeu a déjà été vue dans
Alpha Protocol, en un peu moins évolué, certes.
Easier
La simplification du système de jeu au profit d'un travail approfondi sur le dynamisme était attendue et clairement annoncée.
Bioware a voulu rejouer la carte de la simplification, probablement pour conquérir un plus large public, étant donné la réussite qu'a occasionné cette décision avec
Mass Effect 2. D'accord... Mais le problème se situe dans l'orientation de la licence
Dragon Age dont le premier opus était extrêmement ancré dans les traditions du RPG des années
Interplay, et tirant beaucoup plus ses influences d'un
Baldur's Gate que du Space Opera désormais icône du jeu de rôle moderne. En effet, on remarque une disparition totale des anciennes "compétences"
de Dragon Age: Origins : ces talents généraux qui conditionnaient notre aptitude au discours, au crafting (qui existe toujours mais dont l'utilité est limitée) et autres joyeusetés roleplay, certes discrètes mais indispensables à la facette plus subtile du gameplay... Celle qui n'impliquait pas forcément des combats. Les pouvoirs activables dans ces derniers sont, eux, toujours aussi nombreux et riches, et chaque classe (mage, voleur, ou guerrier) possédant ses orientations et spécialisations (d'ailleurs réduites au nombre de trois par classe) peut se jouer de différentes façons. Un certain travail de rééquilibrage a d'ailleurs été fait sur le jeu, ayant pour première conséquence de revaloriser les armes à distance qui étaient complètement éclipsées par le pouvoir des mages ou la puissance des combattants dans le premier opus. De même, la gestion des compagnons dans leur équipement a été totalement bridée : leur set d'armure n'est plus paramétrable contrairement, heureusement, à leurs armes et accessoires... décision étrange quand on voit le nombre de pièces d'équipement qui sont du coup juste bonnes à être vendues.
En route mauvaise troupe, pour augmenter les aptitudes de la fine équipe, il faudra verser le sang, couper des membres, fracasser des boîtes crâniennes ; une tâche à laquelle on s'adonnera avec joie et une certaine addiction tant le dynamisme et les animations des combats les font passer pour une gigantesque hyperbole. Pas d'attaque automatique pour cette version console, il faudra appuyer sur X continuellement pour attaquer avec le personnage contrôlé, renforçant encore le dynamisme des combats. La pause active est bien entendu toujours de mise, et les compagnons peuvent toujours être dirigés en combat de façon assez précise grâce à une interface bien fichue. Le système de combat est au final bien plus adapté aux consoles qu'il ne l'était dans
Origins, et de ce fait bien plus plaisant à expérimenter. Niveau difficulté, le mode normal m'a semblé être un bon compromis entre du challenge sur un certain nombre de combats (où la gestion de groupe était indispensable), et de l'agréable sur des combats de moindre importance où il n'était pas forcément nécessaire de dégainer la pause active à répétition ; le mode difficile, lui, offrira de quoi nourrir les amateurs de gros challenge.
Bioware oblige, le jeu est empli de dialogues à choix multiples dont le système a été entièrement repompé de
Mass Effect avec tout le dynamisme que cela pouvait conférer au Space-Opera mais aussi avec tout le manque d'influence des compétences sur les joutes verbales. Si on regrette donc la disparition des compétences de dialogue, de la persuasion et de l'intimidation qui pimentaient les conversations de
DAO, on constate cependant la superbe écriture de ces derniers. Les répliques sont percutantes dans tous les tons que le système permet d'utiliser (conciliateur, violent, sarcastique, etc...) et les choix sont omniprésents. Ils sont en effet plus nombreux, présents dans 80% des quêtes annexes, et bien souvent cornéliens, car du manichéisme de
Dragon Age: Origins, il ne reste plus rien, ou presque. De plus, leurs répercussions sur la trame et sur les compagnons sont plus marquées. La gestion "sociale" des personnages est restée globalement similaire même si elle est plus calquée sur le système de l'addon
Awakening que sur le premier opus. Vous serez prévenu lorsqu'un de vos amis voudra vous voir et vous pourrez alors enclencher un dialogue qui se terminera par une évolution de votre score d'amitié avec ce personnage (avec les conséquences que cela imposera par la suite - romance, désaccord etc...), voire par l'obtention d'une quête.
Cheaper
Bioware avait promis une amélioration graphique par rapport au premier opus et celle-ci est bien présente sur de nombreux aspects. Tout d'abord la modélisation des personnages a été bien améliorée (les elfes ont d'ailleurs subi un sérieux re-design qui ne sera pas au goût de tout le monde), les textures ont été globalement remises au goût du jour et les animations bien retravaillées ; hormis les animations faciales qui sont toujours assez peu expressives et qui desservent par moment la mise en scène moins mollassonne de cet opus. Le design de la ville de Kirkwall est une véritable réussite, la ville parait aussi majestueuse qu'effrayante avec ses grands murs de pierre blanche qui s'élèvent vers les cieux et les effets de lumière très contrastés (et magnifiques) contribuent au côté plus "comics" de la direction artistique. Bref, les ballades en ville sont un délice d'ambiance, même si beaucoup de PNJ n'y font que de la figuration, mais c'est pour mieux afficher le décalage déplorable avec les zones extérieures. Celles-ci ne sont pas nombreuses et ont probablement été confiées à des stagiaires, où tout simplement rajoutées trois jours avant la clôture du jeu, car leur rendu est plus que décevant. Vides et sans âme, les décors - dont les arbres semblent sortis de l'alpha version de
World of Warcraft - se permettent en plus d'être mal modélisés. Si le constat s'arrange pour les grottes, cavernes et autres tunnels qui bénéficient d'une meilleure modélisation et des mêmes effets d'ombre et de lumière que la ville, ces lieux ne se renouvellent jamais. Il existe globalement cinq modèles de donjons que les quêtes nous font parcourir par marqueur interposé, dans un sens, puis dans l'autre, puis en prenant une nouvelle entrée jusque là inconnue. Si cette petite astuce fonctionne bien au deuxième passage, la pilule passe moins bien au bout du cinquième, d'autant que l’interactivité avec les décors n'a pas été améliorée. L'interface a été retravaillée, et le résultat sur cette version console est enfin à la hauteur ; elle est pratique et va à l'essentiel. La carte du monde qui permet de voyager entre les différents lieux et de changer la période de la journée (jour ou nuit) est esthétique, à l'image des fiches de personnage et d'équipement. En combat, le menu radial est impeccable, et les contrôles intuitifs. Seul un petit manque de raccourcis vient gâcher un peu ce beau travail.
Concernant le contenu, le jeu est assez riche même si la durée de vie reste inférieure à
DAO pour des raisons évidentes (moins de replay value par disparition des origines), les annexes sont nombreuses et réussies, vraiment bien scénarisées mais mènent malheureusement trop souvent à un enchaînement dialogue/combat. Heureusement comme ceux-ci sont rapides et agréables, le mal en est amoindri. Malgré tout, le nombre de choix, les possibilités de romances, et les classes de combattant sont autant d'arguments pour la rejouabilité du soft qui reste acceptable.
Enfin,
Inon Zur à la musique fournit une bande-son assez peu inspirée surtout par rapport à son précédent travail. Jolie mais trop discrète dans les phases d'exploration en ville et pas franchement folichonne lors des combats, on ne retiendra pas grand chose de cette OST. Rien à dire au niveau des doublages de la version originale, les voix sont bien choisies et des variations d'accent viennent appuyer le côté cosmopolite de Kirkwall ; la version française, elle, est décevante, que ce soit au niveau des voix ou au niveau de la traduction qui souffrent d'approximations malvenues.
Un peu plus d'un an de développement était-il un laps de temps trop court ? Le budget a-t-il été réduit pour cette suite ? Bioware s'est-il juste reposé sur ses lauriers en faveur de la flemme ? Impossible à dire, mais le résultat est là. Le jeu est sorti beaucoup trop rapidement. Les lieux ne sont pas assez nombreux, trop restreints, une partie de la dimension RPG a été supprimée, les mêmes schémas se répètent systématiquement : on avance, on arrive au centre d'une pièce, des ennemis nous attaquent, une nouvelle vague arrive, on déverse un hectolitre d'hémoglobine, et on dialogue. Par le cul d'Andrasté que c'est cheap, que c'est pauvre ! Pourquoi une telle note alors ? Parce que hormis son relatif classicisme, l'univers de Dragon Age est au delà de toute critique, sombre mais contrasté, incisif et piquant de curiosité, parce que l'écriture et les personnages made in Bioware sont là et que c'est cette marque de fabrique que l'on aime, parce que le scénario est intelligent et les choix cornéliens. La catastrophe n'est pas passée loin pour cette suite, en espérant que le futur Dragon Age 3 qui promet déjà au niveau de l'histoire bénéficie de plus d'attention.
09/03/2011
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- Les dialogues
- Les compagnons
- Le scénario et le background
- Combats dynamiques et agréables
- Interface réussie
- Bon contenu
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- Graphiquement très inégal
- Trop peu de lieux
- Trop de combats
- Côté stratégique diminué
- Aspect RPG simplifié
- Localisation française
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GRAPHICS 3/5
SOUND/MUSIC 3/5
STORY 4.5/5
LENGTH 3.5/5
GAMEPLAY 3/5
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