Premier volet d’une saga de cinq épisodes, Legacy of Kain: Blood Omen est un jeu d’action/aventure développé par Silicon Knights en 1996 sur PlayStation. Alors que les jeux d’action/aventure connaissent à cette époque une remarquable popularité grâce à l’industrie du jeu vidéo nippon, la jeune société canadienne fondée en 1992 sort de l’ombre et propose aux joueurs une expérience qui défraie quelque peu la chronique. S’inspirant des canons de la littérature vampirique, l’éditeur parvient à créer un univers profond et original qui tranche littéralement avec les Zelda, Seiken Densetsu et autre Little Big Adventure. Ici, pas de héros niais ou au grand cœur, simplement un vampire assoiffé de sang dans un monde médiéval, cruel et agonisant... Mais seize ans après sa sortie, le menu est-il toujours aussi appétissant ?
La vengeance... un plat qui se mange froid
« La faim et la faiblesse ne peuvent rien contre l'appel de la vengeance. Je retrouverai mes assassins et les enverrai là d'où je viens. »
Kain
L’aventure commence avec la vampirisation de Kain. Jeune noble de Cooraghen fuyant son village natal suite à une terrible épidémie de peste noire, ce dernier fait étape à Ziegstrühl afin de trouver hospice. Mais la nuit est longue et peu accueillante. Sitôt sorti d’une taverne lui refusant un toit, Kain est pris dans une embuscade. Après s’être noblement défendu, il est sauvagement assassiné, laissant ainsi derrière lui le goût amer d’une vie éphémère. Sa soif de revanche en sera conséquente, mais « rien n’est donné, pas même la vengeance... ». Kain se retrouve alors nez à nez avec Mortanius, un nécromancien qui lui offre « le sang dont il est assoiffé ». Ce dernier lui donne en effet la possibilité de se venger à travers une vie d’errance, celle d’un vampire. Kain retrouve ainsi ses assassins et obtient la satisfaction de sa vengeance.
L’assassinat de Kain pose très vite un certain nombre de questions au joueur, notamment en ce qui concerne son commanditaire. Qui cherche à tuer Kain et pourquoi ? Mais son périple ne fait que commencer, une quête bien plus importante encore l’attend au pied des piliers de Nosgoth. Partant d’une simple histoire de vengeance, le scénario s’étoffe ainsi peu à peu jusqu’à devenir une intrigue bien maitrisée, teintée de trahisons et conspirations comme le révèlera la quête pour sauver Nosgoth. L’équilibre et l’harmonie de Nosgoth sont préservés par neuf piliers. Chaque pilier est associé à un mage, gardien du « cercle des neufs ». Hélas, les piliers se meurent suite à la corruption d’un de ces gardiens, laissant apparaitre des fissures preuves de leur délabrement. Kain fait ici connaissance avec le spectre d’Ariel, la gardienne du pilier de l’équilibre, victime elle aussi d’un complot pour des raisons obscures. Elle lui confie ainsi une tâche : trouver ce qui se trame derrière son assassinat et sauver Nosgoth de sa décrépitude.
Kain sera en effet impliqué sans le vouloir dans un plan machiavélique, un plan dont il aura tout juste conscience et dont il aura peine à déjouer tous les rouages...
La panoplie du "bon" vampire
Pour mener à bien votre quête, vous disposez bien entendu d’un inventaire vous permettant de vous mouvoir progressivement dans l’histoire. Celui-ci peut se diviser en trois ensembles : armes, équipements pour le corps et items. Les armes n’ont pas le même effet en fonction du type d’ennemi rencontré. La massue sera par exemple extrêmement puissante contre de simples « humains », elle sera en revanche inefficace face aux squelettes et morts-vivants. L’équipement « défensif » renvoie quant à lui à votre armure. Plusieurs seront disponibles au cours de l’histoire afin de vous adapter aux diverses situations rencontrées. Enfin, vous bénéficiez également d’un inventaire où vos items sont automatiquement disposés. Ces items sont de différentes natures et servent généralement à vous régénérer ou à vous défendre d’ennemis trop coriaces.
La progression spatiale du jeu exige aussi un accès progressif aux compétences magiques. Celles-ci sont tout aussi variées que votre équipement. Elles sont indispensables pour actionner des mécanismes à distance, déjouer certains pièges ou encore vous sortir de situations pour le moins ... délicates. Leur usage est toutefois limité par une jauge spécifique qui se remplit plus ou moins rapidement avec le temps ou avec certains items. Tout comme votre barre de vie, il vous sera possible également d’augmenter le réservoir de cette jauge à mesure que l’histoire avance. Mais ce n’est pas tout. Votre progression dépendra également de votre capacité à user à bon escient des divers sorts de transformations que vous apprenez tout au long de l’aventure. Chauve-souris, loup-garou, villageois, elles seront diverses et variées pour vous aider dans votre périple et repousser les limites du monde exploré.
Les différentes options d’équipement agrémentent donc convenablement le gameplay, même si celui-ci reste assez classique dans le genre. Les différents menus demeurent en revanche peu intuitifs. En effet, un certain temps est requis avant de naviguer sans problèmes dans les différents menus du jeu. Malgré cela, le plaisir de jeu reste vivace, même s’il pâtît d’un manque de rythme évident (causé notamment par des loading incessants) et d’une action souvent répétitive...
Vampiriquement bon!
Au-delà d’un gameplay basique et d’une interface peu intuitive, le principal intérêt de Blood Omen réside dans son univers sombre et envoûtant. Comme évoqué plus haut, vous évoluez dans un monde médiéval/fantastique frappé par la folie des hommes, la maladie et la mort. Fourmillant de morts-vivants, de bêtes féroces et autres revenants, ce monde hostile surprend par une atmosphère oppressante extrêmement bien rendue. Brumes, forêts enneigées inquiétantes, montagnes mystérieuses, temple mystique, tout un univers se dégage. Chose peu courante à l’époque de sa sortie, le jeu vous met dans la peau d’un anti-héros qui n’aura de cesse de transgresser les codes moraux pour survivre au milieu de créatures terrifiantes. La cruauté de Kain est effectivement sans limite. Celui-ci s’abreuve du sang de ses victimes, se délecte du spectacle de leur agonie en fonction des armes utilisées etc. Aussi, le jeu expose à votre lame - telle des victimes expiatoires - villageois et brigands que vous pouvez à loisir épargner ou exécuter. Un travail immersif de qualité donc, renforcé par une ambiance graphique et sonore à faire froid dans le dos.
Malgré quelques lacunes en terme d’animation (surtout lorsque se multiplient les sprites à l’écran), le level-design et les graphismes de Blood Omen restent de bonne facture puisqu’en accord avec le reste du soft. Le jeu d’ombre et de lumière qui parcourt le jeu est à ce titre très intéressant. Le jour et la nuit agissent en effet sur l’environnement du jeu et s’écoulent en temps réel, laissant tantôt Kain en proie à la lumière du jour, tantôt en proie à la nuit. De l’ombre de la pleine lune en passant par le faible éclairage de torches disposées ça et là à l’intérieur des donjons, le contraste ombre/lumière joue énormément sur l’ambiance du jeu. Cette ambiance est d’autant mieux ressentie que l’univers sonore est de qualité. Les musiques prennent littéralement aux tripes. Qu’elles soient discrètes, épiques ou mystiques, elles servent toujours efficacement l’ambiance générale. Les bruitages ne sont pas en reste non plus : râles des victimes agonisantes, cris effroyables d’hommes rendant l’âme, rires machiavéliques, hurlements de loup-garou, tout est là pour vous glacer le sang. Les voix digitalisées confèrent à ce titre un cachet au jeu que nous ne trouvons nulle part ailleurs. Las acteurs du jeu jouent grassement leur rôle, même si parfois cela verse dans le ridicule. A ce titre, précisons que TOUS les dialogues du jeu sont parlés : monologues, dialogues, descriptions d’un lieu ou d’un item, tout est ici sujet au « discours ». Hélas, le jeu ne contient à côté de ça absolument aucun texte, d’autant plus que la qualité moyenne de l’enregistrement des voix digitalisées pose parfois des problèmes de compréhension, ce qui est bien dommage.
L’univers de Blood Omen est donc le principal atout du soft. Cet univers, traduit par des graphismes qui accusent malgré tout le temps qui passe, possède encore aujourd’hui beaucoup de charme, bien que le soft ait sur d’autres points mal vieilli, notamment au niveau de l’animation (la raideur des personnages, les nombreux ralentissements, etc.).
Bénéficiant d’une ambiance incroyablement envoûtante, d’un univers riche et d’un scénario bien mené, Legacy of Kain: Blood Omen demeure un incontournable sur PlayStation. Bien que les graphismes aient vieilli, que l’animation laisse parfois à désirer et que le jeu souffre de quelques soucis de jouabilité, celui-ci ne perd ni de sa saveur, ni de sa teneur en nostalgie. Le temps est passé, mais les rides de Blood Omen font aujourd’hui la beauté et la sagesse de ce jeu. Si vous possédez un manoir, que les longues nuits hivernales approchent, que vous possédez un bon feu de cheminée ou un bon chandelier pour vous éclairer, n'hésitez pas, ce jeu est pour vous !