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Legend of Mana Remastered
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Legend of Mana Remastered![]() Écrire les bases d'un mythe
Appartenant à la catégorie tout à la fois maudite et légendaire des RPG n'ayant jamais réussi leur débarquement en Europe, Legend of Mana nous est arrivé via un remaster, précédé d'une réputation pleine de louanges. Alors même que la saga Seiken Densetsu a retrouvé ces dernières années des couleurs, grâce à l'engageant remake de Trials of Mana, mais aussi grâce au remarquable Visions of Mana, cette réédition surgit à point nommé. Partons donc à la découverte d'un univers sans égal par sa richesse et d'une narration pour le moins surprenante.
Le Temps des remakesLa version qui nous est proposée bénéficie essentiellement d'une adaptation aux nouveaux formats d'écran : le jeu n'a pas été retouché. C'est tant mieux puisque la direction artistique sonnait comme le point fort de cette aventure pas comme les autres. On retrouve, bien lissés, bien polis, des arbres qui rappellent les contes, des couleurs variées et des personnages tout à la fois rondouillards et détaillés dans leur meilleure version. Il est à noter que la divine Shimomura voit ici ses compositions légèrement retravaillées, le tout dans un esprit, dans des tonalités qui ne trahissent en rien la bande sonore originale. Et que dire de la version française, enfin disponible, si ce n'est qu'elle trahit autant de délicatesse et de soin que le reste de l'écrin ? Reconstruire et comprendre Fa'DielAprès une introduction chantée en... suédois, laquelle nous montre le déclin de l'arbre Mana et du monde, le héros (fille ou garçon) se réveille dans sa maison et reçoit pour première consigne de placer un artefact. Première originalité en effet : c'est au joueur de reconstruire, petit-à-petit, la carte du monde et de lui donner la forme de son choix. Cette dernière sera sans grande influence sur le jeu, il est vrai, bien qu'une quête ou deux nécessitent d'avoir correctement placé tel ou tel lieu. On peut alors quitter ce qui deviendra rapidement un hub pour se diriger vers la nouvellement sortie de terre Domina. Et là interviennent les premiers embranchements : au fil de ses rencontres, de ses discussions, le joueur va déclencher le début d'une quête. La suivant et la terminant, il pourra ensuite créer d'autres lieux et commencer d'autres quêtes. Le principe est assez simple et le joueur progresse assez vite. On notera toutefois quelques singularités de ce système : les chemins sont multiples (trois grandes voies finiront pas se dégager afin de déverrouiller les deux ultimes quêtes), et on ne sait jamais bien si la quête qui débute est centrale ou annexe. Par ailleurs, si ce que nous appellerons l'arc des Dragons est facile à suivre, il peut devenir rapidement difficile de continuer l'histoire de tel ou tel personnage sans soluce. L'exploration, les allers et retours, la fine compréhension des historiettes seront nécessaires pour pouvoir creuser tel ou tel fil. Enfin (mais c'est essentiellement une impression), Legend of Mana, très organique dans son univers pourtant morcellé en début de partie, semble très délié : suivre le jeu est plaisant, mais, finalement, que cherche-t-on à faire dans ce monde ? C'est peut-être bien sur ce point que ce système novateur pèche un peu. En effet, et cela d'autant plus que le New Game+ fait apparaître dans la bibliothèque de riches encyclopédies, il serait erroné de crier à l'absence de scénario. En effet, l'intrigue de la ressurection de l'Arbre Mana est largement structurée autour des Dragons, des Jumis et des Fées. Par ailleurs, il serait encore plus malvenu d'hurler à l'absence de lore ou de contexte. Simplement, le choix d'avoir consigné la plupart des contenus dans des dialogues épars ou dans des livres disponibles... après la première partie peut surprendre. Mais oui, le monde est riche ! Les personnages sont divers et développés ! Oui ! Il y a une intrigue, voire des intrigues sans doute bien plus détaillées et fines que dans les Seiken Densetu habituels ! Seulement, le joueur devra aller chercher cela en farfouillant. Il serait injuste de dire que Legend of Mana n'a pas de scénario mais pas forcément honteux d'affirmer qu'il ne propose pas de narration en bonne et due forme. La Cité des JoyauxLes itérations de Seiken Densetsu, au moins depuis le deuxième épisode, se sont toujours distinguées par leur direction artistique, au sens large du terme. S'il est bien un point sur lequel la série n'a jamais déçu (y compris pendant sa décennie noire), c'est bien sur celui-ci. Il y a bien longtemps, Secret of Mana ou Seiken Densetsu III faisaient frémir les sens des joueurs de Super Nintendo; chronologiquement très proche, Legend of Mana magnifia encore la légende de l'épée sacrée par une 2D d'une variété et d'une beauté hors normes, à une époque où la 3D commençait sérieusement à jouer des coudes. Les épisodes 16 bits étaient beaux, Legend of Mana est superbe. Peut-être pourra-t-on voir aujourd'hui avec encore plus d'acuité les petites faiblesses de l'animation ? Dans l'ensemble, on découvrira (ou redécouvrira) un des plus fins joyaux de la fin des années 1990, porté par une entreprise alors très ambitieuse, et que l'on peut ranger aux côtés du superbe SaGa Frontier II (lui aussi réédité, d'ailleurs). Le graphisme tout en couleurs vives, tout en inspirations orientales et tropicales, trouve sa parfaite correspondance (et il faut ici entendre le mot quasiment au sens baudelairien) dans la bande originale. On se perdrait bien sûr en détours à disputer de la meilleure bande son de tous les temps. Il se trouverait assurément quelqu'un pour défendre l'intemporel travail de Mme Yoko Shimomura. Que l'on mesure le talent de la dame : responsable des musiques de Street Fighter II, elle a explosé aux yeux du grand public finalement assez tard, avec le fleuve Kingdom Hearts, mais aussi avec le ténébreux Final Fantasy XV. Ce que Yoko touche accède au divin. D'une variété folle, depuis des thèmes de boss qui vous fâcheront avec vos voisins jusqu'aux mélancoliques notes de la Cité des Joyaux que... vous n'entendrez pas si vous n'activez pas les bonnes quêtes, vos oreilles seront ébahies. Et le parcours au long de l'arbre Mana, théâtre évident de vos dernières pérégrinations, sera accompagné d'une symphonie épique inoubliable. Différences et répétitionsAutre point qui rattache glorieusement Legend of Mana - pourtant "Gaiden" - au reste de la série : le gameplay réel du jeu ne fait pas vraiment dans l'originalité ni dans la variété. En apparence, la restauration de Fa'Diel propose de multiples activités : achats, ventes, forges, construction de golems, élevage de "pets" ou fabrique de magie. Il existe même un mode deux joueurs (moins costaud que dans un Secret of Mana, calibré pour le multi, lui) et il est vrai que les possibilités de craft sont nombreuses et très pertinentes lorsqu'il s'agit d'affronter les modes les plus difficiles. Cependant, en réalité, en tout cas lors d'un premier run, tout ceci se révèle assez accessoire : le jeu est particulièrement facile et les armes et autres équipements disponibles sont largement suffisants pour en venir à bout. De même, l'apprentissage des compétences peut faire appel à la subtilité pour qui veut absolument le maîtriser mais les boss mourront tout aussi bien des coups les plus simples. En pratique, on se promène et on affronte des groupes d'adversaires en fonçant dans le tas. La maniaibilité du personnage en combat se révèle un peu raide et la gestion des stats est rendue minimale par la régénération des personnages entre les affrontements. Legend of Mana est un jeu assez simple... comme l'étaient ses frères. Quand on voit l'accueil très mitigé que reçut le plus expérimental Dawn of Mana, sans doute n'était-ce pas un mal. Father of ManaLegend of Mana se présente comme un véritable paradoxe dans la série - puisqu'il est hors série, justement (statut d'ailleurs assez peu clair lors de sa sortie... et quelque chose me dit qu'il remplacerait élégamment le véritable quatrième épisode). Malgré sa narration un peu bizarre, Legend of Mana coche toutes les cases familiales : combats assez bourrins, direction artistique... Par ailleurs, c'est le premier à poser réellement les bases d'un univers et des éléments communs à tous les épisodes, à tel point que les rééditions des grands frères iront piocher dans cet héritage. Je m'explique : Secret of Mana et Seiken Densetsu III présentaient des points communs qui tenaient essentiellement au support hardware. Legend of Mana creuse cette identité artistique... puis la transmettra. C'est dans cet épisode qu'apparaît une figure désormais incontournable comme Niccolo ! C'est là aussi que l'arbre Trent fait son apparition. Le cas le plus emblématique est sans doute Sword of Mana, réédition postérieure, qui digère toute l'esthétique de Seiken Densetsu, et en particulier de ce Legend of Mana. Portant merveilleusement son nom, ce fils caché aux antécédents glorieux se constitue au fil des épisodes suivant comme un creuset dans lequel on va puiser des références : l'encyclopédie du monde, bien cachée dans la bibliothèque en New Game +, raconte des événements qui semblent importants mais lointains. C'est toutefois dans ces légendes que se terre un adversaire (Anise) qui se posera comme l'adversaire principal de Dawn of Mana (censé ouvrir la chronologie), et comme boss optionnel dans le remake de Trials of Mana. Tel un mythe, Legend of Mana ne cessera d'inspirer les épisodes qui suivront. Legend of Mana présente quelques faiblesses au niveau du gameplay, assez répétitif, qui a cependant le mérite de briser enfin cette abominable logique de charge qui perturbait un peu les épisodes 16 bits. Cependant, son univers, ses personnages, sa beauté, ses musiques en font un jeu tout à fait hors du temps que les nouveaux venus auraient tort de bouder. Pour les anciens, quel plaisir de le voir brillant de mille feux, et accompagné d'une fort belle traduction ! Et puis, s'il fallait trouver un épisode réellement fondateur, quant à la mythologie de la série, c'est peut-être bien de ce côté-ci qu'il faudrait se pencher.
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